Peace and Love. Le 27 août, à l’occasion de la conférence de presse de rentrée, le ministre de l’éducation nationale a montré une nouvelle facette de sa personnalité. En ce début d’année, après des mois de graves tensions, JM Blanquer baigne dans la conciliation. Les affrontements de l’année dernière ? « Tournons la page ». Ses objectifs pour 2020 : le bonheur des profs et l’environnement durable. Fini le ministre droit dans ses bottes. Fini le pourfendeur des médias et des « bobards ». Fini le libéral à tout crin. Blanquer est social et bienveillant. L’exercice de communication a quand même ses limites. Et elles concernent en priorité les professeurs des écoles… Car un nouveau Blanquer est-il possible ?
Pas d’annonces importantes
Décor exceptionnel pour cette conférence de rentrée. La mise en scène est d’autant plus remarquable que, on le verra, le ministre a très peu d’annonces concrètes à faire pour cette rentrée. Alors JM Blanquer réunit la presse dans le jardin du ministère, sous un célèbre tilleul. A coté il y a un gicko. Et à coté ceci, puis cela : Jean-Michel le jardinier énumère les plantations du jardin en raccord avec le discours écologique qu’il va tenir. Autre changement : le ministre est entouré de toute son équipe. S Dehaene et le cabinet sont là, ce qui est devenu habituel. Mais cette année il y a aussi les directeurs du ministère. Et la conseillère du Premier ministre est aussi venu observer la prestation ministérielle… Ca tombe bien : le ministre cite longuement les propos du président et du 1er ministre.
Parce que le message de cette rentrée tient dans la forme. Sur le fond le ministre n’a pas grand chose à déclarer. L’instruction obligatoire à 3 ans, instituée par la loi Blanquer, ne change rien si ce n’est le financement du privé et la lourdeur de gestion des enfants de petite section (il faut attendre 15 jours l’avis de l’IEN pour aménager l’emploi du temps des 3 ans). Les dédoublements lancés au début du quinquennat sont achevés. A cette rentrée cela concerne 700 classes de Ce1 Rep+ et 3200 Ce1 de Rep. Quant à la nouvelle vague de limitation des effectifs au primaire (dédoublements des GS de maternelle de l’éducation prioritaire et limitation à 24 élèves de la GS au CE1 pour toutes les classes) ce ne sera mis en oeuvre qu’à partir de 2020.
Si le ministre évoque ses discussions sur la revalorisation des enseignants, en lien avec la réforme de la retraite, les effets ne seront visibles qu’après 2020. Pour 2020, JM Blanquer annonce 300 millions pour la mise en oeuvre du PPCR (lancé en 2016 par le précédent gouvernement) et 700 millions de « tendanciel », c’est à dire de glissement vieillesse technicité et sans doute le dernier volet de la prime Rep+, la prise en charge des AESH dans le budget EN et le SNU. Ca fait un milliard c’est à dire justement la hausse annoncée du budget. On retrouve là des évaluations données par le Café début juillet. Résultat : il ne reste rien, que des paroles, pour améliorer les conditions de travail des professeurs et des élèves.
Comités de suivi et plan sécurité
Les annonces concrètes de la rentrée concernent d’abord les comités de suivi des réformes des lycées et des Inspe. Le ministre promet que les syndicats y seront associés. Le comité de suivi sur la réforme du lycée général est confié à Marie Pierre Luigi (IG). Celui sur le lycée professionnel à Marc Foucault (IG également).
Ensuite il y a le plan sécurité, promis depuis octobre 2018. Finalement les discours gouvernementaux sur la responsabilisation des familles débouchent sur pas grand chose. Dans chaque département une convention éducation nationale – justice – intérieur – agriculture précisera les roles des uns et des autres dans le traitement des infractions. Il y aura un référent violence auprès de chaque Dasen, comme si rien n’avait été fait en ce domaine depuis 2011…
Les mesures les plus importantes s’éloignent des principes du droit et de la justice ce qui pourrait bien augmenter les problèmes et non les résoudre. Les délais de convocation des conseils de discipline sont réduits ainsi que celui de prise de décision du chef d’établissement seul. Le Dasen pourra décider seul , sans l’accord des familles, le placement des jeunes « perturbateurs » et « poly exclus » en classe relais pour 6 mois. Cette mesure particulièrement grave, car elle déscolarise l’élève, particulièrement longue (jusque là on ne restait pas 6 mois en classe relais) laisse tomber les enfants à problèmes . Quant aux enseignants des classes relais, leur role maintenant pourrait bien devenir celui de surveillant de centre éducatif ouvert à bas prix. Après avoir déresponsabilisé la famille, on passe au volet « responsabilisation » :les parents de ces enfants devront se plier à un « protocole d’accompagnement et de responsabilisation » imposé par le Dasen à partir de deux exclusions définitives dans la même année scolaire. Chacun jugera de l’efficacité et de la dimension sociale de ces mesures. Le gouvernement envisageait d’ouvrir des centres éducatifs fermés. Mais chaque centre nécessite 26 adultes pour 12 jeunes…
Un éco délégué dans chaque classe
Les autres grandes annonces concernent l’éducation au développement durable. Le ministère avait été pris de court par la vague Youth for Climate. Le changement climatique avait été largement oublié des nouveaux programmes de 2de et de 1ère. Le ministère a eu le temps de les glisser dans ceux de terminale. Pour JM Blanquer, à cette rentrée, l’éducation nationale peut beaucoup pour le combat écologique. Il annonce l’élection d’un éco délégué dans chaque classe du collège et du lycée. Et la volonté ministérielle d’augmenter le nombre d’écoles et d’établissements labellisés EDD. Mais cette partie là revient aux collectivités locales…
Pression maintenue sur les PE
Les dernières décisions concrètes du ministre viennent un peu contrarier l’image donnée tout au long de la journée. Le ministre est tout ouverture sur tout sauf sur la pédagogie au primaire. Les évaluations nationales sont maintenues et leurs résultats déclarés « encourageants » ce qui est fortement contesté par des spécialistes comme R Goigoux. Le ministre annonce de nouvelles publications de son conseil scientifique, souvent rédigées d’ailleurs par seulement quelques membres de ce conseil, pour le primaire. JM Blanquer attend de la réforme des INSPE une uniformisation de la formation initiale avec l’accent mis sur les fondamentaux et les conceptions de son conseil scientifique. Comment cela pourra t il s’imposer dans des instituts universitaires sans violer les libertés historiques des universitaires ?
On notera aussi l’importance accordée aux étudiants en pré professionnalisation. On en était resté à 1600 jeunes pays 693 € par mois pour faire du soutien scolaire dès L2 puis intervenir en classe dès la L3 et enfin prendre en charge une classe en M1. Mais le ministère annonce 9000 étudiants « à terme » soit la moitié des recrutements annuels d’enseignants.
Quand le ministre reconnait la faible efficacité des dédoublements
Le concret est mince. Mais gouverner c’est aussi parler. Et sur ce terrain là on a assisté à des nouveautés intéressantes.
On observe une nette évolution du discours sur les dédoublements. JM Blanquer continue à vanter la mesure qui amènerait en Ce2 des élève différents « qui savent lire écrire et compter ». Ce qui est nouveau c’est que le ministre déclare que « le dédoublement à lui seul ne suffit pas. Il faut aussi une évolution pédagogique ».
Après avoir promis une efficacité record (amélioration des performances de 30%), puis constaté dans une étude nationale leur inefficacité tout en proclamant le contraire, après avoir consacré 10 000 emplois à une mesure dont une étude internationale démontre aussi le faible rendement, le ministre reconnait que la mesure a de sérieuses limites. Cela n’empêchera pas le ministre de continuer sur cette voie…
Redémarrer à zéro ?
Mais on retiendra aussi de la journée tous les propos apaisants après des mois de véhémence. « La réussite des élèves passe par le bonheur professionnel des personnels », affirme JM Blanquer. Concernant les professeurs qui ont fait la grève du bac et perturbé son déroulement et qui avaient été menacés de sanction notamment à la télévision, JM BLanquer évoque « tout le droit rien que le droit » mais lâche « qu’il est largement temps de tourner la page ». Sur les EPSF, alors qu’il a publié il y a quelques jours deux études qui les remettent en selle, JM Blanquer affirme « qu’on ne fera pas ça ».
Après les échecs avalés de la loi Blanquer, après avoir abouti à une grève du bac ce qui ne s’était pas vu depuis 1968, alors que sa politique semble largement rejetée par ses fonctionnaires, JM Blanquer souhaite un redémarrage à zéro et une rentrée apaisée. A quelques kilomètres, dans une université d’été, des enseignants n’ont peut-être rien oublié…
François Jarraud
Plan sécurité : les annonces d’octobre 2018
L’éducation nationale prise en défaut sur le climat
Goigoux : Evaluations: faire mentir les chiffres