Construire une relation de confiance avec les parents est devenu une question centrale pour les enseignants et les établissements. C’est particulièrement vrai pour les familles les plus éloignées de l’école. Mais comment faire ? Publié chez Dunod, « Les relations école – familles » propose de « bonnes pratiques » pour réussir les rencontres individuelles avec les parents et familiariser les familles à la culture de l’école. Jean-Louis Auduc (un des co-auteurs avec Valérie Marty, ancienne présidente Peep, Valérie Duffez et Eddy Maréchal, deux professeurs des écoles) invite par exemple à comparer l’école des années 1980 à celle d’aujourd’hui pour que les parents passent du bon coté de l’Ecole…
« Les parents font aujourd’hui face à une école qui change : plus souvent désemparés que démissionnaires, ils ont du mal à comprendre ce qui est attendu d’eux et de leurs enfants ». L’ouvrage est organisé en six dossiers qui abordent toutes les questions concernant les relations parents – école pour le primaire principalement. Il est question de rendre les parents légitimes à l’école, de les associer à la classe, de les familiariser aux enjeux de l’école, de réussir les rencontres individuelles et collectives et enfin de mettre en place une communauté éducative. Chaque dossier comprend des fiches pratiques et des exemples de politiques menées dans les écoles. Jean-Louis Auduc revient sur certains points précis.
Rencontrer les parents est souvent vécu comme une épreuve par les enseignants. Les parents sont ils des adversaires ? Les enseignants ont ils des comptes à rendre ?
Alors que l’information des familles est une obligation légitime pour tous les enseignants, cette compétence est très peu travaillée en formation d’où des difficultés, qui se comprennent, de nombreux enseignants à mener des entretiens avec les familles. Les parents doivent être vécus , notamment aujourd’hui dans une période où l’école est souvent mise en cause, comme des alliés potentiels, des partenaires nécessaires pour la réussite des élèves. il ne s’agit pas de leur rendre des comptes, mais pour leur faire mieux comprendre les missions et le sens de l’école, de leur donner ce que nous appelons dans l’ouvrage « le plan de vol » de l’année en terme de contenus étudiés et de progressions prévues.
Le livre travaille beaucoup l’ association des parents à la vie de l’école. Pourquoi ?
Dans une époque où le métier enseignant comme l’école est souvent victimes de campagnes médiatiques, il est important de faire des parents des élèves des alliés dans l’action pour la construction d’une école plus juste permettant une meilleure réussite de tous les élèves, de leur donner pleine confiance dans l’école et ses personnels. C’est en leur montrant concrètement ce qui se construit dans la classe pour leur enfant qu’ils seront mieux à même de percevoir ce qui se joue dans l’école et le rôle fondamental des enseignants.
Jusqu’où faut il aller ? L’enseignant doit il justifier ses choix pédagogiques ? Et comment ?
Expliquer ce qu’on fait, pourquoi on le fait ainsi ce n’est pas avant tout justifier ses choix pédagogiques, mais c’est permettre à tous les parents de comprendre les spécificités de ce qui se réalise dans l’acte d’apprentissage et ainsi de leur éviter d’être les « gogos » d’officines privées leur promettant la maîtrise de la lecture et de l’écriture en quinze jours avec la méthode X….ou Y….
Les méthodes pédagogiques ont souvent changé en une génération. Expliquer permet également d’éviter de faux procès concernant telles ou telles méthodes et de faire comprendre aux parents le sens du métier enseignant. Elle permet également d’éviter que certains parents ne proposent à leurs enfants des exercices en contradiction avec les méthodes de l’enseignant.
On parle d’ associer les parents. Mais est ce vraiment ce que disent les textes officiels ?
Depuis une vingtaine d’années, les lois et les textes réglementaires incitent à une meilleure association des familes à l’école, notamment lors de la première scolarisation de l’enfant. Si cette association des parents est bien pratiquée dans de nombreuses écoles et établissements scolaires qui s’appuient sur le décret du 28 juillet 2006 ou qui utilisent des dispositifs comme la mallette des parents, la mise en place « d’espaces-parents » ou » Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants ( OEPRE) » , d’autres restent en retrait par peur des difficultés qui pourraient surgir. C’est pour les aider et leur montrer des pistes possibles que cet ouvrage a été fait, notamment en présentant des actions réussies dans ce domaine.
Le système éducatif français s’est plutôt construit contre les parents quand d’autres pays ont choisi une école communautaire. Le moment est il venu de revenir sur notre choix ?
On ne va pas refaire l’histoire de notre école française. Aujourd’hui où la moyenne des enfants va faire plus de 15 ans d’école ( au moins d’après la loi de 3 à 18 ans), il est indispensable pour que les enfants ne se découragent pas, vu la longueur du parcours, qu’ils soient épaulés par les personnels de l’éducation nationale et par leurs parents. Pour accomplir ce soutien indispensable à leurs enfants, il est donc fondamental que tous les parents soient accueillis dans l’école. Il faut d’une certaine manière concevoir les parents comme des « co-entraîneurs », à côté des enseignants, de leurs enfants, veillant à éviter le découragement possible compte tenu de la durée de la scolarité.
Le livre est très concret. Que recommande t il pour se préparer à la rencontré avec les parents ?
Nous avons voulu un ouvrage très concret qui donne des pistes aux enseignants pour mieux travailler la liaison école-famille. Cette liaison n’a de sens que s’il s’agit de mieux travailler à la réussite du jeune. Il apparaît donc indispensable que les élèves, eux-mêmes soient parties prenantes de cette liaison. Il semble ainsi nécessaire, par exemple, en EMC, de montrer aux élèves pourquoi leurs parents sont à leur place dans l’école, de leur présenter les textes existant dans ce domaine, de préparer avec eux les réunions les réunions parents-professeurs.
Nous avons voulu aussi aider les enseignants à mieux gérer les rencontres individuelles et collectives avec les parents en leur donnant des outils simples pour leur organisation et leur déroulement. Mener un entretien individuel, animer une réunion collective ne sont pas des capacités innées, mais doivent être réfléchies et travaillées. Espèrons qu’un jour, cela fera partie de toutes les formations initiales ou continuées des personnels de l’éducation nationale !
Que conseille t il pour associer les parents à la vie de l’école ?
Beaucoup de parents ont encore la vision de l’école qu’ils ont connu et pas de celle qui fonctionne aujourd’hui, vint-cinq ans après. Cela permet toutes les manipulations médiatiques. Présenter lors de la rentrée, à tous les parents une comparaison entre l’école d’il y a vingt cinq ans et l’école d’aujourd’hui en terme de matières enseignées et de contenus de programmes permet d’engager une discussion sur les modifications, leur pourquoi et les missions de l’école par rapport à des jeunes qui travailleront au milieu du XXIe siècle. Organiser une fête de la rentrée et pas seulement à la sortie peut être aussi une piste intéressante.
Qu’ est -ce qui est le plus facile pour un professeur : traiter avec des parents privilégiés ou des parents « éloignés de l ‘école » ?
Le rôle d’un enseignant est de faire que tous les parents quelque soient leurs situations se sentent à leur place dans l’école. les parents de milieux favorisés savent souvent l’importance d’être présents dans l’école. Il faut éviter que certains parents, au fait des informations , ne se complaisent dans une école, pratiquant le « délit d’initiés » entre « sachants » . Les parents les plus éloignés de l’école ne sont pas, le plus souvent « démissionnaires » comme certains aiment le dire, mais avant tout démunis, déboussolés, par rapport à une école qu’ils ne comprennent pas toujours. Pour les associer, il est important de leur montrer à eux et à leurs enfants, l’intérêt de leur venue à l’école.
La question des accompagnatrices est devenue une question politique. Que disent les textes ?
Les textes concernant les parents accompagnateurs de sorties scolaires sont assez clairs depuis l’étude du Conseil d’Etat de 2013 qui a été reprise depuis cette date par tous les tribunaux administratifs concernés. Il est impossible de décider « par principe » de l’interdiction à des personnes portant ostensiblement des signes religieux , d’être présent lors d’accompagnement de sorties scolaires.
Par contre, il est parfaitement « loisible » lorsque des comportements de parents accompagnateurs posent problème , de restreindre leur liberté de manifester leurs opinions religieuses lorsqu’ils accompagnent une sortie scolaire à la condition de motiver, d’argumenter cette interdiction en relation avec des considérations liés à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service public.
Ainsi , le 15 décembre 2015, ) Le tribunal administratif d’Amiens a indiqué « Il est en revanche loisible à l’autorité administrative,pour tenir compte d’exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation ou pour des considération d’ordre public de restreindre la liberté de manifester leurs opinions religieuses des parents d’élèves y compris lorsqu’ils accompagnent une sortie scolaire. »
Le Vademecum laïcité du ministère de l’éducation nationale auquel j’ai contribué indique page 69 un certain nombre de comportements qui ont amené des tribunaux administratifs à justifier de restreindre la liberté religieuse des parents d’élèves.
Propos recueillis par François Jarraud
Jean-Louis Auduc, Valérie Duffez, Eddy Maréchal, Valérie Marty, Les relations école-familles. Mettre en oeuvre et faciliter les bonnes pratiques. Collection : La Boite à Outils du professeur, Dunod, ISBN 9782100795871
Sur le même sujet on pourra aussi consulter le livret publié par l’IFé en 2018 qui traite des relations avec les parents de l’école au lycée.