JM Blanquer est peut-être « le ministre des professeurs », il n’est pas celui de leur recrutement. Près de 1500 enseignants vont manquer à la rentrée. La crise du recrutement des enseignants connait une accélération sans précédent en 2019. Le ministère a beau réduire fortement le nombre de postes offerts, il arrive de moins en moins à trouver le nombre d’enseignants fixés. Les concours de 2019 montrent une dégradation rapide du recrutement aussi bien dans le premier que dans le second degré. Une situation qui n’arrive pas par hasard. Le gouvernement veut augmenter la nombre de contractuels, pas celui des fonctionnaires.
865 postes non couverts dans le 1er degré
Dans le premier degré, le Snuipp évalue à 865 le nombre de postes non pourvus à la rentrée (concours externes, seconds concours internes et 3ème concours). C’était 775 postes en 2018 et 564 en 2017. On a donc une dégradation nette de la situation. Cela se lit dans les résultats académiques. 6 académies sont maintenant en déficit : Créteil avec 483 postes, Versailles avec 368, la Corse (-9), Orléans Tours (-6), Nice (-4), et Montpellier et Nancy Metz (-1). L’académie de Créteil pourrait compenser la perte des 483 postes avec le concours spécial offrant 500 postes. Ce ne sera pas le cas de Versailles où le concours spécial n’offrira que 200 postes.
Cette dégradation de l’attractivité du métier est d’autant plus nette que le nombre de postes mis aux concours régresse. En 2017 on comptait 13 287 postes pour ces concours, 12 303 en 2018 et maintenant 11 485. Il y a en pourcentage deux fois plus de postes non pourvus en 2019 (7.5%) qu’en 2017 (4.2%), année pourtant record pour le recrutement.
532 postes vacants au seul capes externe
Ce n’est pas mieux dans le second degré. Les résultats d’admission au capes externe sont publiés et ils montrent, là aussi, une dégradation rapide qui concerne aussi bien les disciplines littéraires que scientifiques. Si tous les postes sont pourvus en lettres modernes, c’est le cas de moins de la moitié des emplois en lettres classiques. On compte seulement 65 reçus pour 145 postes. En allemand seulement 150 postes sont pourvus sur 250 proposés. En maths 972 enseignants sont recrutés pour 1200 postes proposés. Il en manque donc 228. Et cette année c’est aussi le cas en physique chimie. Pour la première fois cette discipline entre dans le rouge : on compte 263 postes pourvus pour 385 emplois offerts.
Au total 532 certifiés vont manquer à la rentrée. En 2017, il manquait 342 certifiés et 1233 en 2017. Mais le capes externe de 2017 proposait 7315 postes contre 5833 en 2018 et 5460 en 2019. Autrement dit , malgré une diminution très importante des postes proposés, le ministère n’arrive plus à les remplir.
La baisse des postes nourrit celle des candidats
En 2018, le ministère avait justifié la baisse du nombre de postes mis aux concours par la volonté d’avoir un budget « sincère » et d’ajuster le nombre de postes ouverts à la réalité de l’offre. Mais au final on constate que l’offre reste supérieure à la demande et que la baisse continue.
Comment expliquer cette situation ? On constate depuis 2017 une baisse rapide du nombre de candidats présents aux concours depuis 2017, alors qu’on avait une hausse entre 2013 et 2017. Autrement dit, la réduction du nombre de postes proposés depuis 2017 a cassé la difficile reconquête qui avait été opérée par le gouvernement précédent. On est rentré à nouveau dans un cycle de déclin des candidatures à l’enseignement comme celui qu’on a connu sous Sarkozy. Pour que les étudiants s’orientent vers le métier d’enseignant il faut leur garantir une certaine stabilité de recrutement. Ou alors il faut réduire la formation à une seule année… On peut difficilement faire entrer des étudiants dans une tunnel de formation de 2 ans si chaque année on diminue le nombre de postes.
Une autre raison est bien sur à trouver dans les conditions d’exercice des enseignants. Les salaires enseignants sont inférieurs de 26% à ceux des cadres équivalents de la fonction publique. Et ils le sont encore davantage pour ceux du privé. Les éventuels candidats voient aussi les conditions d’exercice du métier menacées. Il n’est question que de réduction des congés et du temps libre, que d’augmenter la durée du travail, que de diminuer les libertés dans le métier. Les enseignants ne s’y trompent pas qui ne recommandent très majoritairement pas à leurs enfants leur métier.
Le gouvernement veut-il rendre le métier attractif ?
Cela peut-il évoluer positivement ? Le ministre ne cesse de parler de revalorisation. Mais il est clair qu’elles se limiteront au mieux à l’application des engagements pris par le gouvernement précédent (PPCR) moins la hausse du point Fonction publique, qui avait été dégelé en 2016 et 2017 avant d’être à nouveau bloqué après les présidentielles. La dernière négociation salariale s’est terminée par le maintien du gel.
Mais pourquoi il y aurait il une évolution ? Le ministère a envoyé une réponse claire en imposant une seconde heure supplémentaire dans le second degré, évitant ainsi de créer des postes. La politique officielle du gouvernement est d’encourager la contractualisation, comme le porte la loi de transformation de la fonction publique. Pour lui tous ces postes non pourvus sont une occasion pour recruter des contractuels en place des fonctionnaires.
Gageons que la situation devrait connaitre une nouvelle dégradation en 2020 : le transfert du master 2 en fin de m2 va imposer la suppression du statut de fonctionnaire stagiaire. Les futurs enseignants ne seront plus que des étudiants et le métier va perdre encore un rare élément d’attractivité : pouvoir être payé en M2.
François Jarraud