« Dès mon arrivée ici j’ai voulu que ce chantier soit repris ». Ils étaient pourtant loins d’avoir fait l’unanimité, les internats d’excellence créés par JM Blanquer entre 2010 et 2012. Mais, sur de lui, le ministre de l’éducation nationale a présenté le 1er juillet un plan pour « l’internat du XXIème siècle » qui ressuscite l’internat d’excellence à coté de deux autres types d’internat. Très peu précis sur son financement, le plan internat est surtout l’occasion d’affirmer des choix idéologiques : les nouveaux internats sont réservés aux élèves méritants et aux collectivités qui font l’effort d’un projet original. L’internat version Blanquer n’aime pas le commun.
Les trois types d’internat
S’appuyant sur la mission donnée au président du conseil départemental du Puy-de-Dôme Jean-Yves Gouttebel (proche LREM) et à l’inspecteur général Marc Foucault (un ancien conseiller de G de Robien comme JM Blanquer), JM Blanquer a annoncé le déploiement de 240 internats d’ici 2022 offrant 13 000 places. On compte actuellement 1531 internats offrant 222 400 places. 40 000 sont vacantes.
On peut se demander pourquoi ajouter 13 000 places. Mais en fait ces nouvelles places pourront provenir de l’existant pour obtenir un des nouveaux labels qui seront accordés via un appel à projets lancé en décembre 2019.
Il y aurait trois types de nouveaux internats. Les « résidences à thèmes » en zone rurale accueillant des élèves sur des thèmes : Résidences Médicis pour les internats à projet culturels, Résidences olympiques pour les internats à projet sportif, Résidences digitales pour les internats misant sur le numérique, Résidences Archimède pour les sciences etc. Ces appellations dignes d’un promoteur immobilier , montrent la préoccupation majeure du ministre : les internats ne doivent pas se ressembler. Chacun doit être particulier. Le ministre promet 100 résidences d’ici 2022.
IL y a ensuite les internats d’excellence. Imaginés par JM Blanquer entre 2009 et 2012, ils ont été très critiqués pour leur coût et le fait que la majorité des élèves n’étaient pas issus de quartiers de la ville ou de familles défavorisées. L’idée était déjà de retirer des quartiers des jeunes « méritants » pour leur permettre de réussir en les isolant de leur environnement. JM Blanquer en promet 100 nouveaux en 2022.
Enfin le ministre veut lancer 40 internats des campus pro pour accueillir des élèves de lycée professionnel.
Un financement obscure
Malgré les questions posées au ministre, notamment celles du Café pédagogique, les conditions matérielles qui entourent la création de ces 13 000 places restent obscures. La Caisse des dépots devrait proposer un prêt à hauteur d’un milliard aux collectivités locales. Mais ce prêt concerne tous les investissements scolaires des collectivités et pas seulement les internats. Du coté de l’Etat, le ministre ne donne pas de précisions sur ses engagements et son soutien. Apparemment le plan Internat n’est pas budgeté et l’accompagnement proposé pour les internats n’est pas défini.
Quand les pauvres financent les pauvres
Que reste-il alors de ces annonces ? Les idées du plan, l’idéologie qui le sous tend. « L’internat doit être un lieu d’épanouissement », affirme JM Blanquer. L’internat doit « jouer un rôle dans la réussite des élèves qui n’ont pas les conditions pratiques pour réussir chez eux ». C’est « un levier de justice social », dit-il.
Pourtant ce que décrit JM Blanquer n’est pas un projet social. Il revendique la mixité sociale dans les internats d’excellence , où d’ailleurs dès 2010 les jeunes défavorisés étaient minoritaires. Là où c’est encore plus clair c’est à propos des internats des campus pro.
Le financement de ces internats se fera en partie par prélèvement sur les budgets sociaux des établissements secondaires. Ces fonds servent à aider les familles les plus pauvres à régler des situations d’urgence. Ils représentent environ 70 millions pour tous les établissements français et les proviseurs se plaignent qu’ils sont insuffisants. JM Blanquer est connu pour les avoir divisés par deux entre 2010 et 2012. Il sait qu’il est attendu sur ce terrain.
Mais ça ne l’empêche pas d’assumer une baisse de ces budgets au nom des internats. La justification vaut le détour : « les futurs internes sont des élèves en difficulté sociale ». Somme toute utiliser les fonds sociaux pour financer ces internats ce n’est pas grave puisque l’argent reste acquis aux pauvres. C’est donc aux pauvres de payer pour les pauvres…
Pour les élèves « méritants »
» La motivation de l’élève, quelle que soit ses capacités, pour le projet d’internat d’excellence et la qualité forte de l’apport éducatif et pédagogique, doivent être les fils directeurs des nouveaux internats d’excellence », explique le dossier ministériel. Selon JM Blanquer cette motivation sera évaluée au regard d’une lettre de motivation.
Les internats ne seront donc pas un service public offert aux élèves. Ils choisiront les élèves qu’ils accueillent. Sur ce terrain là aussi le projet ministériel refuse le commun, tout ce qui s’apparente à un droit social.
Or comme les « internats du XXIème siècle » ne semblent pas avoir de budget assuré, ce qui reste de ce plan c’est la labellisation ministérielle. Le Plan Internat créera peut-être très peu de nouvelles places. Mais il va permettre d’orienter les internats actuels et de les intégrer dans l’univers idéologique de JM Blanquer.
François Jarraud