Qu’est ce qui peut bien pousser Les Echos et Opinion Way à interroger les français sur le salaire des enseignants ? Alors qu’avec la grève des examens les enseignants prennent le risque de l’impopularité, ce sondage tombe à point nommé pour les montrer du doigt. Car quand on demande aux Français si leur voisin est assez payé, on est sur de la réponse…
Des questions orientées
Selon le sondage, les Français ont une opinion positive des enseignants. Trois Français sur quatre ont une très bonne ou assez bonne opinion des enseignants. C’est particulièrement vrai des jeunes (18-24 ans). Mais l’élément dominant semble politique : plus on va à droite moins on aime les enseignants : 43% des lepenistes ont une mauvaise opinion des enseignants, 35% des partisans de F Fillon.
Le métier est perçu comme difficile par 80% des Français, le métier n’est pas assez valorisé pour 69%. La surprise c’est que 56% des Français jugent que les enseignants sont suffisamment payés. Il faut dire que la question est assez tendancieuse. A la question : « Selon vous ces salaires sont trop importants, pas assez importants ou comme il faut « , les sondés se voient proposer : « 2067 euros bruts mensuels pour un enseignant en maternelle ou primaire pour 24 heures devant élèves » ou « 2067 euros bruts pour un enseignant non agrégé en collège ou lycée pour 18 heures devant élèves ». La rédaction des questions pousse à penser que les enseignants ne travaillent que 24 ou 18 heures. D’ailleurs le taux de « trop important » suit le nombre d’heures de cours du PE à l’agrégé. Mais là aussi il y a une nette corrélation entre l’orientation politique et l’opinion sur le salaire enseignant. 50% des partisans de Mélenchon jugent que le salaire n’est aps assez important contre 20% des lepènistes. 38% des Français jugent que les enseignants ne travaillent pas assez mais 54% des lepènistes.
L’influence de la communication gouvernementale
Mais cette opinion ne résulte pas que de la rédaction de la question. La communication gouvernementale y est aussi pour beaucoup. JM Blanquer n’arrête pas de dire que les enseignants vont gagner 1000 euros de plus , sans préciser qu’il s’agit de 1000 euros annuels résultant des accords PPCR pris par le gouvernement précédent. A force de répéter que le gouvernement veut augmenter les enseignants, les gens vont bien finir par croire qu’il les a augmentés..
En janvier 2019, en pleine crise des Stylos rouges, le gouvernement avait déclaré qu’il « travaille depuis 18 mois pour améliorer le pouvoir d’achat et les conditions de travail des enseignants ». Un joli bobard car le communiqué oublie le blocage du point Fonction publique (débloqué en 2016 et 2017) mis en place dès l’arrivée au pouvoir d’E. Macron, suivi du report d’un an des accords PPCR.
Et le gouvernement de promettre dans sa communication un milliard sur le quinquennat pour les professeurs et 700 millions consacrés à l’avancement des enseignants chaque année. Ce dernier chiffre était grossi car le glissement vieillesse technicité ne correspond qu’à 379 millions et non 700. L’application des accords PPCR représente 264 millions en 2019. Le tout pour plus de 800 000 enseignants et un million de fonctionnaires au total. Mais 4 fois 264 ça fait bien un milliard…
Des salaires plus bas que la moyenne OCDE
Ce qui est bien réel c’est que les salaires des enseignants français sont nettement en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE, sans même parler de nos voisins.
Comme le montre Regards sur l’éducation 2018, en moyenne, dans l’OCDE le salaire annuel d’un professeur des écoles s’établit à 32 258 $ en début de carrière et 41 884 au bout de 15 ans de service contre 29 516 et 35963 en France. L’écart est donc significatif et défavorable. Il reste négatif au collège : 33 948 en début de carrière contre 31 003 et 46 780 au bout de 15 ans contre 37450. Au lycée l’écart perdure : 34 943 contre 31 003 en début de carrière et 48697 contre 37 450 au bout de 15 ans. En fait 19 pays sur 37 ont un salaire des enseignants plus élevé que celui versé en France. Ainsi pour un enseignant de collège en début de carrière, le salaire va de 79 551 $ au Luxembourg à 14 267 en république slovaque en passant par 63 555 en Allemagne, 39 707 aux Etats Unis et 30 739 en Italie.
Plus compliqué, l’OCDE calcule aussi le coût salarial moyen des enseignants. Celui ci varie selon le niveau des salaires mais aussi selon la durée de l’enseignement et bien sur la taille des classes. On a alors une image de la vraie considération d’une société pour ses enseignants.
Un coût salarial particulièrement bas
La France se trouve dans les pays de l’OCDE avec le coût salarial le plus faible. Ainsi un enseignant coute en moyenne par élève 2936 $ dans l’OCDE contre 1827 en France dans le premier degré. Au collège c’est 3604 et 2615 et au lycée 3723 contre 2999. Plusieurs facteurs expliquent cet écart. Non seulement les enseignants français sont moins bien payés mais le temps d’instruction est généralement plus long en France (comprenez : on les fait travailler davantage) et surtout les classes plus chargées.
En effet en France on compte davantage d’heures de cours : 8100 heures pour l’école obligatoire contre 7500 dans l’OCDE et même 7250 pour l’UE. C’est surtout à l’école élémentaire que l’écart est fort : 864 heures en France contre 793 dans l’OCDE.
Parlons de la taille des classes. Au primaire en France c’est 23 élèves en moyenne contre 21 dans l’OCDE et au collège 25 contre 23. Cette taille des classes a augmenté en France depuis 2005 ce qui n’est pas le cas de tous les pays…
Dernière particularité : depuis 2005 les salaires des enseignants ont augmenté dans les pays de l’OCDE en moyenne de 8% au primaire, 7% en collège et 5% en lycée. La France fait partie, avec la Grèce, l’Angleterre, l’Espagne, le Japon et le Danemark, des exceptions. Chez nous le salaire a diminué. Et ça continue.
François Jarraud
Le sondage Les Echos Opinion Way