Présentant les résultats de Talis le 19 juin, Ludger Shuknecht, secrétaire général adjoint de l’OCDE, Karine Tremblay et Noémie Le Donné, analystes, ont mis l’accent sur la nécessité de soutenir davantage les enseignants débutants, de revoir l’offre de formation continue et d’encourager les enseignants « à être les moteurs de la société de demain ». Des recommandations qui imposent une refonte de la formation initiale et continue.
Une formation inadaptée
« La formation initiale n’est pas ajustée à ces défis ». Les propos de Ludger Shuknecht ciblent la difficulté des enseignants français à prendre en charge les enfants à besoins particuliers. Ils visent aussi les problèmes de discipline plus importants en France que dans la plupart des autres pays de l’OCDE.
Moins d’un quart des enseignants français ont suivi une formation à la gestion de classe, un taux qui est le plus faible de l’enquête Talis. C’est aussi en France que le pourcentage d’enseignants ayant participé à de la formation continue est le plus faible.
L’OCDE fait trois recommandations pour la France. La première c’est « un meilleur soutien enseignants étudiants et débutants ». L’OCDE lie ainsi la formation initiale et les premières années d’exercice, une vision qui s’est imposée aussi dans la réforme de la formation portée par la loi Blanquer.
Renforcer la gestion de classe
« La France a un profil atypique de formation car les enseignants commencent par préparer un diplôme supérieur axé sur un contenu disciplinaire avant de se spécialiser dans l’enseignement », explique K. Tremblay. « De ce fait, la préparation aux aspects professionnels du métier est plus faible ». 20% des enseignants français n’ont une formation que disciplinaire ce qui est « unique » pour K Tremblay. Pour elle, la loi Blanquer avec la pré professionnalisation des étudiants est « intéressante ». « Elle accompagne les enseignants dans la découverte du métier de façon progressive. Cela rapproche le modèle français de celui des autres pays ».
L’OCDE demande un renforcement de la formation initiale en pédagogie, gestion de la classe et prise en charge des élèves à besoins particuliers. Cette demande va dans le sens de ce qu’annonce JM BLanquer, notamment quand avec l’appel à des enseignants de terrain pour former les enseignants dans les futures INSPE.
Revoir l’affectation des enseignants
Mais les recommandations OCDE vont plus loin. L’organisation demande à « revoir l’affectation des enseignants débutants et expérimentés pour leur premier poste ». Talis montre que les enseignants débutants ont plus de mal à gérer les élèves et qu’ils sont affectés dans des collèges difficiles. L’OCDE en conclut qu’il faut revoir les règles d’affectation des débutants et aussi des expérimentés.
Jusque là le ministère a opté pour une autre solution : dégager du temps pour la formation des enseignants dans les établissements les plus défavorisés (rep+) et y encourager le travail en équipe. Changer les règles d’affectation alors que celles-ci participent de la reconnaissance de l’ancienneté et du travail des enseignants supposerait que le ministère puisse récompenser autrement les enseignants, ce qui n’est pas acquis.
L’OCDE souhaite aussi que le tutorat soit développé et que la collaboration entre enseignants soit encouragée. Là aussi les Rep+ apparaissent comme un laboratoire. Mais généraliser la mesure a un coût.
Prendre en compte l’avis des enseignants pour la formation continue
L’OCDE souhaite revoir « l’offre et les modalités » de la formation continue. L’enquête Talis montre que les demandes de formation des enseignants comme des chefs d’établissement ne sont pas prises en compte. Alors que l’enquête montre que les enseignants préfèrent les formations de pair à pair et répondant à leur demande.
L’OCDE souhaite des incitations à la participation à la formation continue. On sait que la loi Blanquer la rend obligatoire.
Enfin l’enquête Talis insiste sur l’innovation pédagogique. Les enseignants français font partie des professeurs qui croient le moins dans la capacité d’innovation de leurs collègues. Pour N Le Donné, la France pourrait s’inspirer du Portugal où la collaboration entre enseignants est encouragée et où les enseignants réfléchissent ensemble à des pratiques pédagogiques innovantes. L’objectif pour les enseignants français serait de les aider à « tirer plus de profit de la diversité des classes ».
C’est donc un appel à la transformation de la formation, mais aussi des règles de fonctionnement de l’Ecole française, que lance l’OCDE au moment où la loi Blanquer arrive en fin de parcours. Si le Parlement a renoncé à changer les règles d’affectation, les recommandations de l’OCDE rejoignent la réforme de la formation menée par JM BLanquer.
F Jarraud