Que sait-on des pratiques pédagogiques en France par rapport aux autres pays ? Finalement pas mal de choses si on suit l’enquête Talis 2018 de l’OCDE, publiée le 19 juin. Entre pratiques structurantes, management de la classe, pratiques axées sur les élèves et activités d’approfondissement, l’école française est celle de la tradition…
Comment classer les pratiques pédagogiques ?
Proposée à 48 systèmes éducatifs, l’enquête Talis permet de comparer les pratiques pédagogiques entre les pays. Talis les classe en trois grandes catégories : la gestion de classe, les pratiques qui apportent de la clarté dans l’enseignement (comme présenter les objectifs d’apprentissage, se référer à un problème de la vie quotidienne pour expliquer pourquoi la leçon est utile, présenter un résumé de ce qu’on a appris, laisser les élèves refaire jusqu’à ce qu’ils comprennent), des pratiques axées sur l’élève , ce que Talis appelle « cognitive activation (comme donner des taches qui invitent à l’esprit critique, faire travailler en groupe, laisser les élèves décider de leurs procédures) et des activités d’approfondissement (comme donner des projets demandant une semaine ou plus, inviter les élèves à utiliser les TICE ou donner des taches pour lesquelles il n’y a pas de solution évidente).
Des pratiques traditionnelles encore bien installées
Si l’indiscipline est un problème particulièrement grave en France, les enseignants français font appel aux mêmes pratiques que la moyenne des pays de Talis pour la gestion de classe : 76% invitent les élèves à écouter (contre 70% en moyenne des 48 pays de Talis), 69% invitent les élève sà se taire en début de leçon (61%), 77% invitent à respecter les règles de la classe (contre 71%). Sur tous ces aspects les professeurs français sont plutôt forts.
On va voir que c’est aussi le cas pour ce qui relève de la clarté de l’instruction. 90% des enseignants expliquent ce qu’ils attendent des élèves (moyenne ocde 90%), 79% fixent des objectifs en début de séquence (80% en moyenne), 78% font un résumé (73%). Ils sont juste un peu moins nombreux à laisser les élèves refaire jusqu’à ce que ça rentre (55 contre 68%).
Peu d’encouragements cognitifs
L’écart se fait sur les activités axées sur l’élève (la cognitive activation). Par exemple seulement 26% des enseignants français invitent les élèves à résoudre des tâches complexes selon leur propre procédure contre 44% en moyenne dans l’Ocde. Ils sont seulement 26% encore à donner des tâches où la réponse n’est pas évidente (contre 34%). Par contre le travail de groupe est bien implanté (49% contre 50%) et c’est un gros changement depuis 2013 (+12%).
Là où la différence est la plus sensible c’est sur les activités d’approfondissement. Seulement 36% des enseignants invitent à utiliser les TICE (contre 53% en moyenne dans l’Ocde). Là aussi il ya une forte progression depuis 2013 (+12%) mais l’écart reste important. Ils ne sont que 27% à donner des tâches demandant au moins une semaine de travail. Mais la moyenne de l’OCDE est de 29%.
Suspecte, la bienveillance ?
On voit aussi des différences pour l’évaluation. Les enseignants français fabriquent beaucoup plus souvent leurs évaluations que la moyenne des autres pays (96 % contre 77%). Ils apportent un retour écrit sur le travail de l’élève en plus de la note plus souvent (77 contre 57%). Mais ils laissent nettement moins souvent que les autres les élèves s’auto évaluer : 20% des professeurs français contre 41% en moyenne dans l’OCDE.
es enseignants français apparaissent aussi comme moins encourageants. Seulement 72% disent aux élèves qu’ils vont réussir contre 85% en moyenne dans l’OCDE. 65% valorisent le travail des élèves contre 81%. Et sur ces points là les taux sont en diminution depuis 2013 comme si la bienveillance était devenue suspecte depuis qu’elle est portée officiellement.
La France semble donc un pays aux pratiques pédagogiques classiques qui visent plus à transmettre qu’à aider à développer les compétences des élèves. Mais somme toute, la France n’est aps seule dans ce cas et d’autres pays renommés dans les évaluations internationales font de même : la Corée du Sud, le Japon ou même la Finlande sur certains points.
Une certaine fermeture au multiculturel
Avec un pourcentage important de classes qui comptent au moins 10% de jeunes issus de l’immigration, on pourrait penser que l’école français soit particulièrement attentive à l’enseignement en contexte multiculturel ou plurilingue.
« En France, 12% des enseignants ont été formés pour enseigner dans des contextes multiculturels ou plurilingues au cours de leur formation initiale, tandis que 8% des enseignants en moyenne se sentent préparés à enseigner dans ce cadre à la fin de leurs études. De plus, seuls 6% des enseignants ont participé à des activités de développement professionnel dans ce domaine au cours de l’année précédant l’enquête. La France est le pays, parmi l’ensemble des pays et économies participant à TALIS, présentant les valeurs les plus faibles sur ces trois indicateurs. Le fait que malgré une faible participation à ce type de formation continue, 17% des enseignants rapportent un besoin élevé de formation dans ce domaine, suggère une demande non satisfaite ou une offre inadaptée pour ce type de formation continue », note Talis. « Néanmoins, en moyenne en France, 66% des enseignants considèrent qu’ils peuvent « dans une certaine mesure » ou « beaucoup » faire face aux défis d’une classe multiculturelle s’agissant de l’enseignement (contre 67% pour l’OCDE en moyenne) ».
C’est ce que montre ce graphique. Les enseignants français ont des classes où les élèves viennent souvent d’autres cultures. Ils ne sont pas formés à y faire face. Mais finalement ils estiment être capable de faire ce qu’il faut. Un peu comme si cette ouverture aussi était suspecte au regard d’un système éducatif conçu plutôt comme assimilateur qu’intégrateur.
François Jarraud