Les articles 10, 11 et 12 de la récente loi pour l’école de la confiance donnent naissance aux « Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation » (INSPÉ) qui formeront désormais les enseignants de la maternelle au lycée. Ces nouveaux instituts succéderont en 2019 aux « Écoles supérieures du professorat et de l’éducation » (ÉSPÉ), qui elles-mêmes prirent la suite en 2013 des « Instituts universitaires de formation des maîtres » (IUFM) qui eux-mêmes avaient remplacé en 1989 les « Écoles normales » (ÉN) fondées en 1879.
Derrière cette valse des dénominations, y a-t-il eu évaluation des modifications de cursus et de contenus intervenues à chacun de ces changements de cap ? Y a-t-il eu amélioration de la formation ?
Un seul exemple si l’on s’en tient au premier de ces changements de dénomination, consacrant la création des IUFM en 1989. Il correspondait à la volonté politique du ministre Jospin de promouvoir les antiques instituteurs au rang de professeurs des écoles, en posant néanmoins comme exigence initiale le diplôme universitaire de la licence ou une équivalence.
Aucune évaluation systémique n’a été conduite après une réforme qui représentait pourtant un véritable séisme dans l’histoire de l’éducation en France. La première conséquence de cette réforme a été de fermer l’accès à l’enseignement pour les classes populaires qui trouvaient jusqu’alors dans cette voie une possibilité d’ascension professionnelle et sociale. En outre, l’expérience sur le terrain a montré que l’arrivée d’enseignants fraîchement émoulus des universités, nantis d’une spécialité universitaire, mais sans connaissance de milieux sociaux, pourtant majoritaires, dont ils n’étaient ni issus ni familiers, contribuait à déréaliser un peu plus l’école. L’ignorance de situations contrastées en matière d’emploi, de santé, de structures familiales, de culture, etc., s’est renforcée au sein de la nouvelle formation. Dans les IUFM, la formation placée sous la responsabilité d’universitaires (bien que l’université n’ait pas vocation à la formation professionnelle des enseignants !), restait l’apanage de professeurs recrutés dans les collèges et les lycées, sans formation spécifique suffisante, favorisant le formatage de l’école à l’image du second degré. On sait seulement que ce changement de paradigme, en transformant l’école en une institution sans avenir pour les classes populaires, participe à une catastrophe sociétale dont les prémisses sont déjà sensibles.
Auprès de la dégradation constante de l’université française à l’échelle internationale, on devrait maintenant s’inquiéter du devenir de l’école. Au fil des « réformes » périodiques de la formation, aucune évaluation, aucune réaction salutaire ne sont intervenues. Quel ministre aura le courage de revenir à une formulation plus pragmatique de l’éducation de base ? Rien n’interdit de supposer que cette spirale de dénominations, d’écoles en instituts, puis en écoles de nouveau, puis de nouveau en instituts, reviendra ensuite à des écoles… pourquoi pas des écoles normales plus solidement ancrées dans le réel social ?
Reviens vite, Jules Ferry !
Pierre-Louis Gauthier
Inspecteur d’académie (H).