Que nous disent les « sujets zéro » de première de SES publiés par le ministère de l’éducation nationale ? Erwan Le Nader président de l’Apses, l’association des professeurs de SES, analyse les sujets et fait le lien avec les nouveaux programmes.
Que reprochez vous à ces nouveaux sujets ?
Globalement un recul de l’esprit critique concernant notre discipline, les SES. Il y a aussi un point positif : la première partie de l’épreuve propose une étude d’un document statistique qu’il faut interpréter avec des connaissances de cours et des savoir faire statistiques. Globalement c’est intéressant. Par exemple c’est le cas pour le sujet sur l’abstention aux élections.
Mais dans beaucoup de ces sujets zéro on a davantage de questions consacrées à de la technique pour la technique qu’à une véritable explication des grands enjeux économiques ou sociaux. Par exemple avec la question sur 10 points demandant la différence entre taux nominal et taux réel que veut-on expliquer vraiment ? Dans une autre question on demande de calculer un taux de crédit. Cette question vérifie juste des connaissances en maths (niveau collège). La nouvelle épreuve comprend aussi un exercice de résolution graphique. En fait on demande à l’élève de tracer des courbes et de déterminer un point d’équilibre : là aussi où sont les connaissances en SES ? Il n’y a aucune réflexion sur ce modèle néo classique de concurrence parfaite alors qu’il est contestable.
Quel lien entre ces sujets et les nouveaux programmes ?
Ces sujets sont en accord avec le nouveau programme de première qui a fait l’objet d’un rejet massif au CSE : 48 voix contre aucune pour ! Les programmes, surtout en économie, sont très prescriptifs, pas du tout pluralistes. Ils sont axés sur la micro économie. Ils évitent les sujets de débats et de société. On retrouve cet esprit dans les sujets zéro.
Et cela même dans la seconde partie de l’épreuve où on a un sujet avec un document. Car les questions posées sont d’une grande platitude. Il faut toujours « montrer » quelque chose et cela amène le candidat à réciter le cours. Par exemple on demande de « montrer que la sociabilité numérique contribue au lien social ». Mais peut-être pourrait-on s’interroger sur la transformation du lien social ou même le délitement de ce lien ? Tout cela disparait parce que le programme ne pose pas de questions de société, alors même qu’elles intéressent les élèves.
Avec ces questions prépare t-on mieux les élèves au études supérieures ?
Quand on regarde les attendus de licence on voit qu’on demande des étudiants qui aient de l’intérêt pour l’actualité économique et sociale, qui sachent rédiger, qui soient capables de problématiser et synthétiser. Or avec ces sujets on recule sur le plan de la problématisation.
Comment expliquer la médiocrité de ces sujets ?
Les SES sont critiquées sur deux fronts : il y a une critique patronale qui trouve que les SES ne sont pas assez favorables aux entreprises et une critique académique qui trouve qu’elles sont trop éloignées des sciences économiques de licence. Or on sait que la façon d’enseigner l’économie dans le supérieur fait l’objet de critiques alors qu’en ES les élèves trouvent de l’intérêt dans une matière pluridisciplinaire qui fait réfléchir sur le monde.
Quel accueil faites vous à la réforme du lycée ?
L’Apses soutient la grève du 17 juin contre la réforme mise en place à marche forcée. On voit avec ces épreuves aussi comment le bac va perdre son caractère national avec des sujets choisis localement et des notations différentes selon les établissements. D’autre part la réforme entraine aussi des suppressions de postes chez les titulaires (on en a recensé déjà 56 pour 22 académies) mais encore davantage chez les contractuels.
Propos recueillis par F Jarraud