« L’orientation est le sujet majeur de notre société ». Président délégué de Régions de France, François Bonneau signe le 28 mai avec Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal « le cadre national de référence » pour l’orientation scolaire. Censé organiser la collaboration entre l’Etat et les régions sur l’orientation dans les établissements scolaires, depuis que la loi Avenir professionnel l’a imposée, ce cadre laisse pourtant en suspens bien des questions. A commencer par l’avenir des personnels des Dronisep et des CIO qui reste en suspens encore pour des mois. L’utilisation des heures consacrées à l’orientation dans les établissements scolaires reste également dans le flou. Une seule certitude : les régions pourront utiliser ces heures dans les établissements scolaires et y faire entrer les entreprises et les associations de leur choix.
Compétences de l’Etat…
L’orientation c’est un peu le lot de consolation des régions après que le gouvernement leur ait arraché la formation professionnelle avec la loi Avenir professionnel. Décidé de façon brutale par compromis entre le gouvernement et les régions, le transfert de l’orientation scolaire aux régions a été inscrit dans la loi. A charge à l’Etat et aux collectivités locales de s’entendre sur son application concrète.
Ce 28 mai, c’est de cela qu’il est question. Après des mois d’échanges musclés, Etat et régions arrivent à un accord qui prend la forme d’un « cadre national de référence » pour la mise en oeuvre des compétences de l’Etat et des régions en matière d’orientation des publics scolaires.
Selon le texte de cette convention, » l’État conserve sa compétence au niveau national dans la définition de la politique d’orientation des élèves… avec l’appui notamment des CIO… À cet effet, il transmet, en lien avec les services de la région, aux élèves et aux étudiants, l’information nationale relative aux différentes voies de formation produite et certifiée par l’Onisep. Il prend les décisions d’orientation des élèves à l’issue du dialogue avec les familles. Il procède à l’affectation des élèves. Il prend en charge la dimension éducative et pédagogique de l’orientation et de l’affectation des élèves ». Comme le dit JM Blanquer , « le conseil de classe reste le conseil de classe ». L’Etat garde seul la compétence en matière de décision d’orientation et d’affectation dans un établissement.
Et des régions…
La région » construit une représentation objective du monde économique et social et des métiers qui le composent ; propose une offre de services concourant à favoriser l’ouverture sur le monde économique et professionnel, notamment par l’organisation d’actions d’information sur les métiers et les formations, et de découverte de l’entreprise à destination des élèves… À ce titre, elle mobilise l’ensemble des réseaux d’acteurs concernés, dont les branches, les entreprises et les représentants du monde économique ». La région « est amenée à intervenir dans les établissements scolaires et universitaires et les CFA en concertation avec les personnels de direction, les équipes éducatives et les psychologues de l’éducation nationale « éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle » intervenant dans les établissements ; dans l’enseignement secondaire, elle le fait notamment dans le cadre des temps dédiés à l’accompagnement à l’orientation ». La convention précise encore que » Lorsque des interventions de la région sont organisées dans les établissements du second degré, elles le sont dans le cadre de l’horaire dédié et s’inscrivent dans les axes pédagogiques du « parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel », dit parcours Avenir, défini à l’article L. 331-7 du Code de l’éducation. Elles s’effectuent après concertation avec le chef d’établissement, et en coordination avec les professeurs principaux et les psychologues de l’éducation nationale ».
Enfin la région « élabore la documentation de portée régionale sur les enseignements et les professions avec le concours de l’Onisep ».
Les rôles de chacun sont décidés localement au niveau de chaque région académique dans une convention locale.
Quel avenir pour les personnels Dronisep et les psy EN ?
On voit que la convention insiste sur trois points qui font débat depuis des mois sans réussir vraiment à les trancher.
Le premier c’est l’avenir des personnels de l’Etat qui seront affectés aux régions. Plusieurs agents des Directions régionales de l’Onisep (Dronisep) ainsi que des psychologues de l’éducation nationale exerçant en CIO attendaient le ministre le 28 mai et ont échangé avec lui. Alors que la loi est entrée en application, ils ne savent toujours pas quel poste ils auront l’année prochaine. A l’Onisep tous ne sont pas fonctionnaires. Les psychologues ne savent pas si leur CIO va rester ouvert ou si ils vont se retrouver en établissement scolaire comme, semble t -il, JM Blanquer le souhaite.
La loi Avenir professionnel a prévu une compensation de l’Etat aux régions pour le transfert de 200 emplois. Interrogé par le Café pédagogique, JM Blanquer n’a pas pu indiquer le nombre de postes qui sera réellement transféré aux régions. Il se retranche derrière la publication du rapport Charvet, fin juin. Seraient transférés les personnels Dronisep et des fonctionnaires engagés dans des expérimentations locales. Mais en réalité le nombre réel d’agents concernés sera discuté cet été région par région selon ce qu’elles veulent accepter. F Bonneau n’a pas caché que cela dépendrait des moyens versés par l’Etat. Un décret fixera ensuite à l’automne les conditions de ces transferts. Les fonctionnaires en question auront deux années pour choisir le passage à la fonction publique territoriale ou le maintien dans la fonction publique d’Etat.
Quelle information donnée aux élèves ?
Le second point flou concerne l’information donnée aux élèves. Aujourd’hui cette information délivrée par l’Onisep est indépendante des milieux politiques et économiques locaux. Les personnels Onisep craignent que l’information donnée aux élèves perde cette indépendance. La convention insiste à plusieurs reprises sur l’information « objective » des élèves. Mais pour les régions cette information doit faire connaitre les emplois disponibles et la prospective économique régionale. Les régions veulent associer à cette information les entreprises. « Il est nécessaire que les branches professionnelles s’investissent par exemple dans les semaines de l’orientation », dit F Bonneau. Derrière cette question de l’information locale, c’est aussi l’avenir de l’Onisep qui est posé. En effet celui-ci réalise ses publications avec les Dronisep. Comment pourra-t-il continuer demain à faire son oeuvre d’information ?
Les entreprises entrent au lycée et au collège
La troisième question c’est celle des heures dédiées à l’orientation dans les établissements. Des heures sont prévues dans les textes officiels pour ce travail d’orientation souvent prix en charge par le professeur principal. Il est prévu par exemple 36 heures en 3ème et 54 heures en lycée.
Mais qui fera ces heures ? Si elles sont inscrites dans les textes elle ne sont pas fléchées dans la DHG. Leur attribution varie selon les établissements. Interrogé par le café pédagogique, JM Blanquer répond que ces heures « seront faites selon les cas par le personnel de la région ou pas selon ce qui sera établi avec la région ». Les 54 heures du lycée pourront devenir deux « semaines de l’orientation » organisées par les régions en lien plus ou moins étroit avec les enseignants et le psy EN. La région pourra utiliser ces heures pour mettre les élèves en contact direct avec des entreprises locales ou des associations.
Selon F Bonneau ces modifications apportées par la loi permettront « d’aller vers un meilleur emploi pour les années à venir ». »Le grand scandale c’est le chomage de masse notamment des jeunes », poursuit JM Blanquer. « C’est le problème des jeunes qui n’exercent pas d’emploi car on ne leur a pas fait prendre conscience des opportunités. Pour cela il faut une meilleure implication des branches professionnelles. »
La limite de cette politique c’est l’adéquationisme. Régions et ministère affirment éviter cet écueil. Mais comment faire quand l’information donnée aux élèves est réalisée avec les entreprises locales ? Quelle attitude prendre pour les enseignants si des élèves sont confiés à des entreprises sur le temps d’obligation scolaire ?
F Jarraud