A quelques jours de la Journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie qui aura lieu le 17 mai, l’association SOS Homophobie publie son 23ème rapport annuel. Le bilan est alarmant : en 2018, 1 905 témoignages d’actes LGBTphobes ont été recueillis, soit une augmentation de 15 % par rapport aux données précédentes, qui prolonge celle de 2017 (+4,8 %) et celle de 2016 (+19,5 %). Dans le monde scolaire, le phénomène reste hélas particulièrement fort : insultes, brimades, cyberharcèlement … frappent douloureusement des adolescent.es et des enseignant.es. Et « dans plus d’un quart des cas, l’hostilité vient du corps enseignant ou de la direction. » Comment tolérer que l’Ecole couve ou couvre de telles discriminations ? Le rapport livre aussi des pistes pour ne pas s’y résigner.
A l’Ecole de l’homophobie
L’Ecole est-elle celle de l’homophobie, tant elle tend à l’accepter, l’abriter, voire la générer ? Le rapport présente en la matière plusieurs témoignages, affligeants et édifiants. Il analyse aussi les processus qui, à l’Ecole, mènent à la haine. « Les éléments déclencheurs de ces LGBTphobies sont principalement l’outing par des camarades ou collègues, et le fait d’avoir été vu en couple. L’autre phénomène qui conduit à des insultes, rebuffades et discriminations est lié aux stéréotypes de genre avec la pratique, par les garçons, d’activités « réservées » aux filles, sans parler des filles jugées trop « masculines » et des garçons aux allures trop « féminines ». Dans une société encore très hétéronormée qui ne reconnaît que deux sexes et rejette l’idée de non-binarité, les LGBTphobies frappent celles et ceux qui ne correspondent pas à l’image attendue. « Vous ne vous habillez pas de façon assez féminine ! » dit le proviseur à une élève. À cela s’ajoute le concept de « nature » qui réduit l’identité des individus à la biologie. « L’homme et la femme sont défini•e•s par le sexe », explique cette professeure de SVT. »
L’Ecole contre l’homophobie
Le rapport salue la campagne ministérielle de sensibilisation qui a été lancée en janvier 2019. Mais il appelle à aller plus loin pour que dans chaque établissement soit menée une politique volontariste. Cela passe par la parole, l’écoute, la formation des adultes, la déconstruction des stéréotypes de genre. Car « les violences LGBTphobes sont trop souvent encore passées sous silence. Parfois les adultes ne sont pas au courant car les faits se déroulent à l’écart, hors de la classe, parfois ils ferment les yeux, minimisent et laissent faire. Les victimes ont beaucoup de mal à trouver un•e adulte à leur écoute et qui les soutienne. Cette situation contribue à renforcer le désarroi des victimes, et ce d’autant plus qu’elles sont très jeunes. Les exemples ne manquent pas : « Ce sont des plaisanteries » dit cette proviseure ; tel surveillant, témoin de faits LGBTphobes, ne transmet pas de rapport ; une CPE fait semblant de ne pas entendre les propos malveillants et change de conversation ; l’administration refuse de sanctionner des élèves ayant insulté le professeur… » Intensifier les efforts, c’est en particulier prendre en considération « les catégories de victimes trop souvent passées sous silence et qui ont cette année davantage pris la parole : les lesbiennes et les trans. » C’est aussi mener un vrai travail de sensibilisation auprès des élèves, comme celui dont témoigne Gaëlle Dubois, CPE dans un lycée professionnel à Paris puis dans un collège rural de Loire-Atlantique. C’est enfin ne pas oublier que « de nombreuses disciplines permettent d’aborder le sujet : la philosophie, les lettres, mais aussi l’histoire. En Écosse par exemple, l’histoire des luttes LGBT est enseignée. »
Ajoutons, une fois encore, que la question appelle à mettre aussi en œuvre, à tous les niveaux, une réelle Education aux Médias et à l’Information : pour combattre les discriminations qui déferlent sur certains sites et réseaux sociaux, pour décrypter et dépasser les stéréotypes sexistes qui font des ravages dans trop d’images et propos diffusés, pour aider chacun.e à se comporter, jusque sur internet, en citoyen.ne éclairé.e.
Jean-Michel Le Baut