Quelques mois après le vote de la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », Administration & éducation, la revue de l’AFAE, consacre un nouveau numéro à la formation professionnelle tout au long de la vie. Un numéro qui montre comment on passe à une logique de parcours et à ce qu’elle implique pour l’Education nationale. Mais qui révèle aussi comment cette évolution porte une transformation des finalités de cette formation professionnelle décidément confiée aux acteurs économiques.
Dirigé par Micheline Barthout-Casale, Paul Fayolle et Annie Tobaty, ce numéro 161 clôt une série de trois numéros sur « l’école de demain ». Les deux précédents numéros ont traité de l’école du socle et du Bac -3 Bac +3.
» Ce numéro aborde le sujet sur deux aspects. Le premier s’interroge sur l’accès à cette formation sous l’angle de l’équité : comment assurer une égalité dans le droit à la formation toute la vie ? Le second aborde les méthodes, les principes qui organisent cette formation dans son exercice. Nous analyserons en quoi les notions de compétences et de parcours de formation sont des paradigmes essentiels et transformateurs du système global de formation », annoncent les responsables du numéro.
Trois parties composent le numéro. Après une description des évolutions de la formation des adultes et une présentation des notions de compétences et parcours, la dernière partie montre comment l’institution éducation nationale et les universités réagissent.
Ainsi Jacques Tardif présente l’approche par compétences pour organiser un parcours de formation. J Renton montre un exemple écossais celui du curriculum pour l’excellence. P Quénet évoque la place des Greta, C Jacq et L Ria l’apprentissage en situation de travail en contexte scolaire.
Mais l’essentiel du numéro ne concerne pas le monde scolaire. Et c’est déjà un indice de son évolution. Ecoutons René Bagorski, président de l’association pour la réflexion et l’échange sur la formation (AFREF), quand il oppose Condorcet et la loi de 2018. « La loi… affiche clairement que tout dispositif, tout droit, y compris les droits individuels de l’ensemble des actifs, ne pourront être utilisés que dans le cadre d’une réponse aux besoins de l’économie qui, s’ils sont satisfaits doivent conduire à la promotion sociale et à l’émancipation. Que restera-t-il des humanités demain ? Donnera-t-on encore les moyens d’être autre chose qu’un professionnel répondant aux besoins de l’économie ? Il semble loin le temps où le marquis de Condorcet voulait « Offrir à tous les individus de l’espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d’assurer leur bienêtre, de connaître et d’exercer leurs droits, d’entendre et de remplir leurs devoirs » ! Il est loin le temps où la formation s’inscrivait dans le cadre de l’éducation permanente et donnait à chaque individu les moyens de devenir un citoyen avisé. On peut aussi légitimement avoir quelques interrogations : comment les personnes les plus éloignées de l’emploi pourront-elles faire usage de ce droit, y compris construire un projet qui ne soit pas uniquement un projet professionnel à court terme ? Comment ignorer les liens de subordination qui lient le salarié à son entreprise ? N’est-il pas dangereux d’intégrer le droit à la formation à ce lien de subordination en soumettant l’offre de formation à l’imprimatur des entreprises ou des branches professionnelles ? »
F Jarraud