Jeudi 9 mai, c’est « nuit des écoles » dans de nombreux établissements parisiens. Alors que les enseignants et nombre de leurs collègues de la fonction publique défilent le 9 mai contre la réforme de la Fonction Publique mais aussi contre le projet de loi Blanquer, la FCPE appelle les parents à se mobiliser dans le cadre de « nuits des écoles ». Et leur mobilisation n’est pas nouvelle. Depuis maintenant plusieurs semaines, l’association de parents d’élèves n’a de cesse de dénoncer la « loi de l’école de la confiance ». Renaud Carpy, responsable premier degré de la FCPE Paris, explique les raisons de leur colère.
« Il s’agit pour les parents et les enseignants de se rassembler et d’occuper les écoles et les établissements du second degré afin de montrer leur rejet des réformes Blanquer. L’occupation peut prendre différentes formes suivant les choix fait dans les différents établissements : débat ou réunion d’information au sujet de la loi Blanquer ou encore simple occupation plus festive ». Et leur appel est sans ambiguïté, « Parents, notre mobilisation contre les réformes destructrices de l’école publique est historique ! Ce combat rejoint celui des enseignants. Notre responsabilité en tant que défenseurs du service publique d’éducation et de l’école pour tous est d’amplifier encore la mobilisation » peut-on lire sur l’affiche. Une mobilisation dont les organisations syndicales d’enseignants se réjouissent comme l’explique Jérôme Lambert, secrétaire départemental du SNUipp-FSU Paris. « Nous sommes entrés en contact avec la FCPE pour proposer des actions communes. Sur le terrain, très vite, des réunions se sont organisées dans les préaux de la plupart des écoles. Une fois les parents d’élèves informés du contenu de la loi, la mobilisation est partie très fort. Ils ont été effarés par les dispositions de celle-ci concernant notamment les EPSF, la formation initiale, le cadeau financier fait aux écoles privées avec la scolarisation obligatoire dès trois ans… La communauté de chaque école s’est donc mobilisée dans le cadre des actions parisiennes, mais a aussi su créer des moyens d’actions quasi-quotidiens au sein de chaque école ».
Une mobilisation qui perdure
Depuis plus de huit semaines la FCPE, plus importante fédération de parents d’élèves en France, dénonce le projet de loi porté par le ministre. Les actions se multiplient et prennent différentes formes, comme cette pétition en ligne qui recueille à ce jour plus de 18 000 signatures ou encore la carte postale « Allo Monsieur le Président ? ». « Un geste simple, qui ne coûte rien puisque les courriers adressés à la présidence de la République sont dispensés de timbrage, mais qui a pour but de montrer l’entière détermination des parents à faire entendre leurs voix pour de vraies réformes éducatives qualitatives et concertées ! » précise Renaud. Mais ce n’est pas tout, elle propose aux parents un kit complet, disponible sur son site, pour les accompagner dans leur mobilisation, avec des tracts à distribuer devant les écoles, des trames de courriers type à adresser aux sénateurs et sénatrices ou encore des motions à lire en conseil d’école ou en conseil d’administration. Forte de la participation massive des parents à la manifestation du 30 mars, la FCPE Paris a lancé conjointement avec les syndicats enseignants l’opération « 1 école 1 Banderole » invitant les parents à poser des banderoles sur les établissements parisiens puis à diffuser les photos de ces banderoles sur les réseaux sociaux avec l’hashtag #1Ecole1Banderole.
La nuit des écoles, c’est une façon différente de montrer sa colère selon Renaud. Se retrouver avec parents et enfants dans d’autres moments que pour des réunions formelles est déjà important mais dans ce contexte, il semblerait qu’il s’agisse plus de montrer que l’école est la leur et que tout changement les concerne directement. On peut penser que l’utilisation des écoles en soirée peut être compliquée mais pas pour la FCPE Paris. « Nous n’avons pas eu d’opposition de la Mairie de Paris à l’utilisation des locaux des écoles par les parents d’élèves. D’ailleurs, le conseil de Paris a adopté début avril un vœu s’adressant au Parlement et l’invitant à modifier de façon conséquente le projet de loi Blanquer ».
Des revendications partagées avec le monde enseignant
Les revendications de la FCPE contre les différents projets de réforme du ministre sont nombreuses. « Pour ce qui est de la loi Blanquer, la FCPE Paris a regardé de près son contenu et ce qui en ressort est aussi limpide qu’inquiétant. La confiance, pour le ministre Blanquer, c’est l’obéissance. Celles des élèves, comme celles des enseignants à qui le ministre vient d’imposer un devoir de réserve considéré par le monde enseignant comme liberticide. Dans ce projet de loi, les moindres aspects gestionnaires passent avant tous les aspects pédagogiques, grands absents de cette nouvelle copie législative qui, in fine, ne résout aucun des problèmes du système éducatif français. Cette loi témoigne en outre d’un fort degré d’impréparation : comment expliquer sinon la prolifération et la nature des débats sur nombre d’amendements et d’articles ? La FCPE Paris en appelle à la responsabilité des parlementaires dans leur ensemble, sénateurs et députés, pour ne pas voter cette loi qui méprise déjà et fragilisera les élèves comme l’ensemble de la communauté éducative. Pour ce qui est de la réforme du lycée, la FCPE Paris demande au Ministre de prendre la sage décision de l’annuler. Pas un seul établissement parisien n’est épargné par l’inquiétude et l’incompréhension face à l’improvisation qu’ils observent et subissent. La FCPE Paris estime que les élèves français méritent mieux : une « copie neuve » pour une future et nouvelle réforme du lycée à la rentrée 2020 qui serait cette fois-ci réellement co-construite avec l’ensemble de la communauté éducative et qui mettrait au cœur de ses priorités des logiques pédagogiques portées par les moyens indispensables à leur réussite ».
Des revendications partagées par les syndicats enseignants. Jérôme rappelle le contexte de ce vent de révolte qui souffle sur la capitale. « La mobilisation des écoles parisiennes a été très forte avant les vacances. Elle a démarré pour dénoncer les pressions et menaces de sanctions disciplinaires par la hiérarchie contre les enseignantes et les enseignants de CP mobilisés contre les évaluations nationales. 35% de nos collègues n’avaient pas fait passer ou remonter les résultats. Les menaces exercées par l’académie ont créé un fort émoi chez les enseignants mais aussi chez les parents. Malgré le recul sur d’éventuelles sanctions, la contestation a perduré et s’est élargie à l’ensemble de loi Blanquer. 70% des enseignants étaient en grève le 4 avril et depuis lors, les actions se sont diversifiées et multipliées : banderoles sur le fronton de centaines d’écoles, occupations d’écoles, journée « écoles désertes, rassemblement devant les mairies d’arrondissement ».
Une mobilisation qui dure, des enseignants et des parents qui font front ensemble. Rien de rassurant pour la rue de Grenelle. Les prochaines semaines seront décisives. « Avec 45% de grévistes, la détermination des enseignants demeure intacte. Avec les parents d’élèves, nous allons continuer à intensifier encore la mobilisation d’ici la manifestation nationale du 18 mai ! » conclut Jérôme.
Lilia Ben Hamouda