« L’existence d’ensembles scolaires communs premier et second degré ne jouerait pas un rôle significatif sur la qualité de la continuité école ‐ collège, qui à ce jour, se limite, dans la grande majorité des établissements concernés, à des échanges à faible impact sur la continuité des apprentissages ». En 2016, l’Inspection générale lançait une réflexion sur la liaison école collège, confiée à Marie-Hélène Leloup et Pierre Lussiana. Leur rapport voulait aller au fond des choses pour comprendre pourquoi c’est si difficile d’assurer une transition heureuse entre ces deux niveaux scolaires. Trois ans plus tard, alors que la loi Blanquer veut imposer les établissements publics des savoirs fondamentaux (EPSF) pour faciliter cette transition, un retour sur leurs conclusions s’impose…
Comment assurer la continuité pédagogique entre l’école et le collège ? Sous la direction de Marie Hélène Leloup et Pierre Lussiana, l’Inspection générale publie en octobre 2016 un rapport qui veut aller au fond des « freins » qui sapent la logique du socle commun, revigoré par la loi d’orientation de 2013. Car le bilan que dresse les deux inspecteurs généraux c’est la pauvreté des actions tentées en ce sens qui souvent se résument à la visite du collège par des classes de Cm2.
Quand l’Inspection générale écarte les cités scolaires…
Ce qui est intéressant dans le rapport c’est qu’il tente de comprendre pourquoi la continuité est mal assurée et qu’il écarte d’emblée les facteurs structurels.
Un chapitre intéressant est consacré aux cités scolaires regroupant école et collège fréquentes dans l’enseignement catholique. On a là des organisations qui ont chacune statutairement un vrai chef d’établissement (un pour l’école et un pour le collège). Mais elles sont réunies dans les mêmes murs.
Et pourtant la continuité y est mal assurée. Comme dit le rapport » En s’affranchissant d’une vraie démarche de connaissance mutuelle quant à leur pratique professionnelle, les équipes se trouvent finalement ne pas tirer profit de la proximité géographique « .
Pour les rapporteurs, » l’existence d’ensembles scolaires communs premier et second degré ne jouerait pas un rôle significatif sur la qualité de la continuité école ‐ collège, qui à ce jour, se limite, dans la grande majorité des établissements concernés, à des échanges à faible impact sur la continuité des apprentissages ».
Le rapport semble donc écarter l’idée de grande école du socle, comme elle existe dans plusieurs pays européens (nordiques par exemple) comme facteur de continuité.
Les statuts permettent déjà les échanges de service
Le rapport écarte aussi les problèmes statutaires. Les professeurs des écoles disposent de l’enveloppe des 108 heures rémunérées et pas les professeurs du secondaire. Mais il est possible de s’organiser en amont et de doter les professeurs du secondaire d’IMP. Il relève aussi qu’il est possible statutairement d’échanger des services entre primaire et secondaire.
Pour le rapport, » les contraintes juridiques et organisationnelles sont apparues à la mission comme des éléments de l’existant dont il convient de tenir compte mais qui peuvent être surmontées moyennant une juste appréciation de ces dernières et une bonne anticipation organisationnelle au niveau du pilotage ».
Développer une nouvelle professionnalité
Le rapport met donc en avant les écarts culturels. » En réalité travailler à l’amélioration de la continuité implique la mise en oeuvre d’une professionnalité spécifique, jusque‐là peu développée », note-il. » L’harmonisation des pratiques entre l’école et le collège passe par un travail sur les progressions disciplinaires, une bonne maitrise de la construction et de l’évaluation des compétences du socle commun tout au long du cycle, l’harmonisation des pratiques de classe en matière de différenciation pédagogique et de construction de l’autonomie des élèves, notamment », quelque chose de complexe.
Pour les rapporteurs la solution est dans la formation des enseignants. Le rapport préconise « une politique régulière de formation et d’accompagnement des équipes qui concerne chaque secteur de collège et porte sur des objets de travail concrets à partir des besoins des acteurs concernés ».
Il imagine » le développement d’un modèle de formation‐action sur une classe dite de « continuité école ‐ collège », classe ayant à mettre en oeuvre un projet privilégiant, soit des échanges de services, soit des séquences d’enseignement conjointes PE / PLC au bénéfice des CM2 de secteur si possible dans les locaux du collège, voire des classes mixtes « CM2 ‐ 6ème ».
Le rapport renvoie ainsi le système éducatif à sa culture et ses objectifs. Construire le pont entre l’école et le collège n’est pas une affaire de structure commune comme les EPSF. C4est du moins ce que l’Inspection générale expliquait en 2016…
François Jarraud