Dérapages en tous genres. Le mouvement contre la réforme du lycée tourne t-il à la jacquerie ? Au regard de ce que publient la presse locale et les réseaux sociaux d’enseignants, l’arrivée des dotations horaires dans les établissements fait de sérieux dégâts. A beaucoup d’endroits les lycées perdent 50 à 60 heures d’enseignement. Souvent les disciplines et les enseignants s’affrontent pour les moyens. Cette situation pousse à des décisions inattendues voir des surenchères. La pagaille est-elle en train de s’installer dans les lycées ?
Le premier effet de la réforme menée par JM Blanquer dans les lycées c’est de pousser les enseignants à s’affronter. Cela tient à la baisse générale des dotations horaires avec ses effets sur les suppressions de postes. Dans chaque lycée la réforme impose des suppressions de moyens, soit BMP, soit poste, soit les deux. Mais c’est aggravé par la mise en place de spécialités partagées qui organise les affrontements entre disciplines.
Il faut lire ce qui remonte par exemple de la mise en place de la spécialité Histoire-Géo/Géopolitique/Sciences Politique (HGGSP). Cette spécialité doit être enseignée par les professeurs d’histoire-géographie et de SES. Si dans certains lycées, le partage des heures se fait harmonieusement, dans beaucoup de lycées la mise en place de HGGSP se traduit par l’opposition frontale des professeurs d’histoire-géo et de SES.
» C’est la guerre », prévient la coordinatrice d’une de ces disciplines, » si on doit partager aussi l’EMC », rapporte une enseignante d’un lycée particulièrement renommé sur un réseau social enseignant après le partage des heures de HGGSP. « Nous avions l’habitude de travailler en bonne entente Et le désenchantement est immense ». « Je suis la seule prof de SES, et la Spécialité HGGPSP a été auto-attribuée aux profs d’Histoire-géo sans contestation possible », rapporte une autre enseignante. « J’ai reçu plusieurs mails m’accusant de dénigrer les collègues, de sous entendre qu’ils sont incapables d’enseigner la science politique. Je vais tomber à14 heures . Je suis dans le privé et serai payée que pour 14 sur 18h. Où trouver le complément ? » Souvent la réforme contraint aussi des enseignants à accepter des enseignements en dehors de leur champ disciplinaire pour boucler leur service.
C’est dans ce climat de zizanie que se construisent les revendications collectives des établissements contre la réforme du lycée. Comment s’étonner que tous les jours la presse locale relate des incidents ? Plusieurs établissements s’engagent dans des grèves reconductibles, comme dans une dizaine de lycées franciliens. Dans plusieurs lycées , par exemple à Toulouse, uen Nuit des lycées est organisée avec occupation des locaux. Les relations avec les autorités sont tendues. Ainsi dans la Haute Loire, selon un site d’information local, le Dasen fait pression pour empêcher une Nuit des lycées au Puy en Velay et à Monistrol. Dans les Alpes de Haute Provence, tous les syndicats et les parents de la Fcpe ont quitté le CDEN du 7 février suite à des violences commises le 26 janvier à Manosque et à l’autoritarisme de la mise en place de la réforme du lycée.
C’est dans ce climat que se décident des actions qui accélèrent la désorganisation des lycées. Contre la réforme on assiste à des vagues de démissions de professeurs principaux, marquant la rupture entre les professeurs et leur administration. A Toulouse ce sont déjà plus d’une centaine d’enseignants qui ont abandonné la fonction. Et l’idée se répand dans d’autres régions. A Vence les professeurs d’un lycée retiennent les notes. Au gel de leur salaire ils répondent par le gel des notes. A Nantes, au lycée Jean Perrin, selon Ouest France, les enseignants ont décidé d’attribuer un 20/20 à tous les élèves. La réforme est en train de désorganiser les enseignements.
François Jarraud
Démissions profs principaux à Toulouse et Martigues