Inattendu. On savait JM Blanquer favorable à l’école du socle. Mais c’est par un amendement présenté par les députés LREM Rilhac, Amadou, Le Bohec et Sorre que l’école du socle a fait son chemin dans la loi Blanquer sous l’appellation « établissements publics des savoirs fondamentaux ». Que prévoit exactement cet amendement ? Qu’en pensent les enseignants ? Quels risques pour les enseignants avec ce nouveau article ?
Un amendement inattendu
L’amendement adopté le 30 janvier établit que » les établissements publics des savoirs fondamentaux sont constitués de classes du premier degré et du premier cycle du second degré. Ils regroupent les classes d’un collège et d’une ou plusieurs écoles situées dans le même bassin de vie. Ces établissements sont créés par arrêté du représentant de l’État dans le département sur proposition conjointe du département et des communes ou établissements publics de coopération intercommunale de rattachement du collège et des écoles concernés, après conclusion d’une convention entre ces collectivités. L’établissement public des savoirs fondamentaux est dirigé par un chef d’établissement qui exerce les compétences attribuées au chef d’établissement.. Un directeur-adjoint exerce, sous son autorité, les compétences attribuées au directeur d’école par l’article L. 411‑1 et assure la coordination entre le premier degré et le second degré ainsi que le suivi pédagogique des élèves et anime le conseil des maitres ». L’établissement a un conseil d’administration où des professeurs des écoles siègent. L’amendement prévoit même l’application de la législation spéciale des enseignants du 1er degré en cas de grève.
L’exposé de l’amendement dit que » ce type d’établissement ne doit être mis en place que là où les communautés éducatives l’estiment utile ». Mais la communauté éducative va bien au delà des enseignants et le texte réglementaire n’évoque pas cette consultation. Dans son exposé, C Rilhac prévoit qu’il y ait un collège et toutes les écoles d’un bassin de vie. » Ces structures permettront de faciliter le parcours et le suivi individuel des élèves de la petite section à la troisième. Elles permettront aussi à de très petites écoles (la moitié des 45000 écoles de France comptent moins de 4 classes) d’atteindre une taille critique rendant possibles certains projets pédagogiques ainsi que des collaborations entre enseignants de cycles différents », dit elle. » Les tâches qui incombent aux directeurs d’écoles, sans aide administrative et avec très peu de décharges dans les petites écoles, pourraient ainsi être réparties entre le directeur-adjoint et l’équipe administrative du collège. »
Une vieille idée…
L’idée de l’école du socle , regroupant collège et écoles, avait déjà été avancée dans le rapport remis en 2018 par C Rilhac et V Bazin Malgras. Mais ele était dans l’air depuis plus longtemps. En 2014, un rapport de Terra Nova (JP Obin, C Krepper, G Langlois, RF Gauthier, J Maraval, JM Zakhartchouk) la recommandait sous le nom « d’école commune ». En 2018 la revue de l’AFAE consacrait un numéro à ce sujet. Elle montrait l’intérêt d’avoir une structure qui permette aux enseignants de l’école et du collège de partager une culture commune. Et elle ne faisait pas l’impasse sur les avantages gestionnaires qui sont attendus de ce type d’école comme la redéfinition des services des enseignants.
Mais dans le cas de cet amendement, la création de ces établissements se fera sans aucune consultation des enseignants du collège ou des écoles, ce qui n’est pas la meilleure façon de démarrer. En cas de regroupement physique dans un même lieu cela condamnerait les enfants à des trajets longs pour aller à l’école. S’il y a maintien des écoles dispersées leur vie quotidienne va devenir très difficile. Derrière cet amendement on voit bien les économies de personnel qui sont attendues par l’éducation nationale et celles de locaux pour les budgets communaux.
Pour une directrice d’école
L’annonce n’a d’ailleurs pas séduit les syndicats. » On ne sait pas encore trop comment cela va se concrétiser mais cela me parait catastrophique s’il n’y a plus d’autorité sur place », nous a dit Charivari, une directrice d’école rurale très célèbre sur les réseaux sociaux. » Aujourd’hui, vis à vis des élèves et des parents, le titre de directeur signifie encore quelque chose… D’autre part, j’ai vraiment l’impression que personne n’a vraiment répertorié les tâches quotidiennes des directeurs. Qui appellera les parents des enfants absents ? Qui pointera les commandes de fournitures ? La gestionnaire du collège va se déplacer dans les écoles peut-être ? Qui s’occupera de vérifier et renflouer la pharmacie ? Qui s’occupera de pointer les règlements des photos de classe ? Qui ira chercher le courrier chaque jour ? »
Des syndicats opposés
« Si l’établissement compte plusieurs école rurales , s’il faut que les parents aillent au collège pour rencontrer le directeur ça ne va pas passer auprès des parents », nous dit Francette Popineau, co-secrétaire générale du Snuipp Fsu. « Où est l’avis des enseignants sur ce regroupement ? Qui va s’occuper du quotidien de l’école et surtout de la sécurité ? Un directeur c’est quelqu’un qui est là , qui voit les problème tous les jours. Ce qui nous interroge aussi c’est l’appellation: « établissement des savoirs fondamentaux ». Ca veut dire que tout ce qui se fait en cycle 3 va être tourné vers les fondamentaux ? Quid des projets autour des sciences ou des arts ? » F Popineau relève aussi les craintes des enseignants en cas de regroupement dans un seul lieu : quelle place pour les écoliers dans la cour de récréation ? »
« Cet amendement nous laisse plein de questions et d’oppositions », nous dit Stéphane Crochet, secrétaire général du Se Unsa, un syndicat qui réunit des enseignants des 1er et 2d degrés. « Le texte ne dit pas si l’établissement est sur un ou plusieurs lieux. I n’y a aucune consultation de l’éducation nationale, à aucun niveau pour ouvrir ces établissements, ni le CA du collège, ni le conseil des maitres, ni même le Dasen. Pour nous c’est un motif d’opposition ». S Crochet voit dans cet amendement « un texte très mal fagoté ».
François Jarraud