Adieu les TPE ! En ce mois de janvier 2019, dans tous les lycées, les 1ères achèvent leurs Travaux Personnels Encadrés et écrivent la fin d’une belle histoire pédagogique. Car la réforme du lycée supprime les TPE : un dispositif lancé en l’an 2000 pour mettre en œuvre au lycée la pédagogie de projet, le travail de groupe, l’interdisciplinarité, le développement de compétences transversales (informationnelles, numériques, collaboratives, créatives …) : pour favoriser l’implication des élèves dans les apprentissages. Fallait-il supprimer ce dispositif au lieu de le rénover et le revitaliser ? Le grand oral annoncé en terminale pourra-t-il en être le prolongement alors qu’il n’est pas prévu d’horaire spécifique ? Le Café pédagogique a interrogé des lycéens qui durant 2 décennies ont goûté aux TPE. Des années après, devenus ingénieurs, enseignants, infirmiers, architectes, médecins, étudiants …, ils disent combien les TPE leur ont permis de resserrer les liens avec l’Ecole et les savoirs tout en les préparant aux études, au travail, à la vie. Et ils interrogent : pourquoi donc supprime-t-on les TPE ?
Quelques rappels
1997 : un grand mouvement lycéen débouche sur une enquête nationale dont émerge l’aspiration des élèves à plus d’autonomie et de responsabilité dans la classe et au lycée.
2000-2001 : les Travaux Personnels Encadrés sont progressivement mis en place en 1ère.
2001-2002 : les TPE sont étendus à la terminale sur le mode d’une épreuve facultative.
2005-2006 : les TPE sont supprimés en terminale, le travail de 1ère devenant le support de notation pour le bac.
2019 : les TPE sont supprimés en 1ère par la réforme du lycée de Jean-Michel Blanquer.
Les TPE en 1ère se déroulent durant le 1er semestre de l’année sur une plage de 2 heures hebdomadaires. Les élèves sont encadrés par 2 enseignant.es de 2 matières différentes. Les élèves y disposent de certaines libertés : constitution du groupe, choix du sujet (qui doit être en lien avec des thèmes nationaux et avec les disciplines représentées), définition de la problématique, adaptation des démarches (recherches, lectures, enquêtes, interviews …), planification du travail, répartition des tâches, forme(s) de la production finale (dossier, site web, écriture créative, vidéo …). Au final, les élèves passent un oral devant un jury : ils exposent le résultat de leur travail et répondent aux questions du jury, ils justifient leurs choix et témoignent des connaissances et compétences acquises.
Mélanie (2004-2005) : « Créer une réflexion sur les apprentissages »
Sujet : Les camps de concentration (en 1ère) – Le totalitarisme dans 1984 (en terminale.)
« Je me souviens qu’au départ nous étions un peu perdues car nous n’avions pas l’habitude de travailler sur un projet totalement personnel, à long terme et en groupe. Mais, par la suite, nous nous sommes investies et, guidées par nos professeurs, nous avons fait émerger une réflexion originale qui nous a permis, dans le premier TPE de produire une exposition mi-historique, mi-littéraire que nous avons exposée au CDI pendant un mois. Le second TPE a abouti à la création d’une peinture inspirée de 1984, présentée au jury lors de l’oral de TPE. Je me rappelle de la satisfaction d’avoir pu explorer en toute autonomie des thèmes qui m’intéressent personnellement.
Aujourd’hui, je suis professeure de Français Langue Etrangère et je travaille très souvent par projet avec mes étudiants. La pédagogie de projet fait partie de la perspective actionnelle préconisée dans le CECRL par le Conseil de l’Europe. Et, en effet, elle est tout à fait intéressante car elle permet de motiver les étudiants en personnalisant les contenus des cours et en variant les productions.
Je fais ici le rapprochement avec les TPE car ils fonctionnent de manière similaire. D’abord, ils sont l’occasion de réunir 2 matières dans un seul espace ce qui est assez peu courant, voire unique, dans le système scolaire français. De même, ils laissent une grande liberté aux élèves quant au choix du sujet, de la production finale, de l’organisation du chronogramme. Ils permettent vraiment aux étudiants de devenir autonomes dans leurs recherches et leurs apprentissages. En cela, ils préparent également les élèves qui souhaiteraient étudier à l’université car les TPE ressemblent beaucoup aux travaux proposés dans les cursus universitaires. Enfin, il s’agit d’un travail en groupe. Souvent, au lycée, c’est la performance personnelle qui est évaluée. Dans les TPE, on travaille en groupe du début jusqu’à la fin et, normalement, on obtient une note de groupe.
Pour moi, il serait vraiment dommage d’abandonner ce type de projet qui sort un peu de l’ordinaire et permet de créer une véritable réflexion sur les apprentissages. D’autant plus que ce que l’on apprend lors des TPE, en plus des contenus, ce sont des savoir-faire et des savoir-être : des connaissances réutilisables tout au long des études et de la vie professionnelle
Estelle (2004) : « Les compétences de la vie professionnelle »
Sujet : les camps de concentration et le devoir de mémoire.
« J’en garde en souvenir la fierté de produire quelque chose qui nous paraissait important à transmettre aux autres !
Ce type de travail revient régulièrement par la suite au cours des études : j’ai fait des études en soins infirmiers, où j’ai fait de nombreux travaux de groupe, d’analyses de pratiques, et je m’aperçois que ça ressemble aussi à la méthodologie que j’ai suivie pour mon travail écrit de fin d’études… Et même maintenant, en tant qu’infirmière, je fais toujours des travaux de groupe, que ce soit pour les professionnels ou pour les patients ! Au final, les TPE m’ont permis d’aborder les notions de travail d’équipe en autonomie, le partage des tâches, la planification et l’organisation dans le temps, les objectifs à atteindre, la réflexion sur comment présenter un sujet, quel type de support utiliser et pourquoi, tenir un carnet de bord tout le long du processus, évaluer son travail ainsi que de celui des autres groupes, trouver des axes d’amélioration et d’évolution. Bref, sur le moment on ne s’en rend pas compte, mais ça sert plus tard ! »
Marianne (2008) : « Le goût de la mise en page et de l’objet livre »
Sujet : Ecriture du journal intime d’un garçon de café parisien dans les années 30, abordant entre autres l’évolution des femmes au cours de cette période.
« J’en garde le souvenir précieux de la découverte des textes de Colette, d’un travail important en groupe, de recherche de mise en forme originale.
Ces TPE allaient bien plus loin que de « simples » exposés classiques, c’était une belle occasion de travailler de façon très approfondie en équipe et en semi autonomie. Cela me semble essentiel pour se préparer aux études supérieures. C’était aussi un travail très riche grâce à la rencontre de deux disciplines. En y repensant, il me semble que c’était aussi l’une des premières fois où nous avons recherché à associer le fond et la forme. J’ai poursuivi mes études en arts appliqués et en édition, ces TPE ont certainement nourri mon goût pour la mise en page et l’objet livre. »
Marine (2008) : « Liberté et créativité »
Sujet : Ecriture du journal intime d’Arthur Rimbaud
« J’en garde un très bon souvenir. Un des intérêts à mon avis des TPE est de favoriser le plaisir que l’on peut avoir à faire des recherches « sans » l’équipe enseignante. Je me souviens de l’effervescence juste avant le rendu de la production : le projet qui bat son plein, vieillir avec un briquet et du marc de café toutes nos feuilles sur lesquels étaient rédigées le journal de Rimbaud pour un souci d’authenticité, écrire les dialogues de notre saynète qui servirait pour l’oral, avoir l’air ridicule en costume car chacune d’entre nous joue Rimbaud à un âge différent, en rire beaucoup …
L’intérêt est d’apprendre à travailler en autonomie, de trouver sa méthode, celle qui nous plait. Pour ceux qui font le choix par la suite d’aller à la fac, les TPE sont tout à fait pertinents. Il y aussi la possibilité d’explorer un sujet de manière personnelle et approfondie, et le plaisir de travailler en groupe. Enfin et surtout, le plus intéressant selon moi est la liberté laissée dans ces travaux, qui permet une grande créativité et au final une grande satisfaction. »
Logan (2009) : « Travailler plusieurs disciplines en même temps »
Sujet : Ecriture du journal de bord de Guillaume Apollinaire durant la guerre 14-18
« J’en garde de très bons souvenirs car j’étais dans un groupe avec des camarades que je ne connaissais pas à l’époque, et ça m’a permis de découvrir des gens passionnants et qui m’ont marqué. Le travail en lui même était assez riche puisque qu’il fallait utiliser deux matières différentes en une fois. Pour moi l’intérêt principal reste l’apprentissage du travail collaboratif et coopératif, chose qui n’était que très peu mise en avant, surtout d’une manière aussi poussée. Le fait de devoir rendre un objet physique unique était aussi une expérience mémorable. De plus, le fait que deux disciplines scolaires soient travaillées en même temps (trois avec la création artistique du journal) reste quelque chose qui n’est pas assez développé durant la scolarité, ça aurait dû bon de pousser ce concept. »
Barbara (2010) : « Une initiation à la professionnalisation »
Sujet : Les Temps Modernes, de Chaplin
« J’en garde surtout le souvenir d’avoir pu travailler en profondeur sur un thème que nous avions choisi, impliquant les responsabilités qui vont avec l’autonomie (du travail théorique au choix de présentation).
Avec le recul, l’intérêt majeur du travail de TPE était de proposer une initiation au projet de groupe. J’exerce aujourd’hui en tant que neuropsychologue dans une unité de recherche clinique dans un C.H.U. (pole psy), où la conduite de projet et la coordination des acteurs de recherche constitue un axe majeur. Or, si les formations pro de chacun contiennent des modules en méthodologie, il y a peu d’occasions de se former à la pratique et à la gestion « humaine » d’un projet. Avoir cette première expérience dès le lycée fut un atout majeur dans mon parcours universitaire, où il aura fallu rendre beaucoup de dossiers de groupes, avec peu de soutien sur la gestion du groupe malgré le fait que c’est un facteur majeur de réussite. Bien sûr ceci est mis en pratique sur les terrains de stages et donc devient une compétence professionnelle qui peut faire la différence sur le marché de l’emploi. Au final, les TPE sont une première approche, une initiation à la professionnalisation. »
Zoé (2010) : « Apprendre autrement qu’assis dans une salle »
Sujet : La bande-dessinée Tintin au Congo et le colonialisme.
« J’en garde de très bons souvenirs. Ça nous a permis de travailler en groupe et de créer des liens plus forts avec nos camarades. On s’est amusé tout en portant un projet qui nous était personnel. On a pu apprendre autrement qu’assis dans une salle de classe. On a aussi beaucoup plus communiqué avec les professeurs. C’est très valorisant de choisir son propre sujet et d’en faire un dossier solide et intéressant pour les autres, élèves comme professeurs. Les TPE offrent une première approche du travail de recherche. On apprend le travail en autonomie et l’organisation au sein d’un groupe. L’oral est aussi un très bon entraînement pour tous les examens futurs. Par ailleurs, on est amenés à se demander quels sujets nous intéressent vraiment, à prendre des décisions et à nous affirmer. »
Florine (2011) : « Travailler en équipe sur des projets d’envergure »
Sujet : Alice au Pays des Merveilles, un pont entre fantasme et réalité.
« C’était réellement la première fois que je collectais des connaissances, pour ensuite les intégrer parfaitement et en tirer quelque chose qui m’était propre… J’ai rarement eu l’occasion de mener des travaux aussi approfondis par la suite, et c’est une chose que je regrette. Le temps alloué sur cette période est très précieux, autant que la possibilité de travailler en équipe sur des projets d’envergure (chose qui ne se produit que très rarement dans le secondaire). »
Mona (2011) : « Travailler les capacités coopératives »
Sujet : L’impressionnisme
« Je garde un très bon souvenir de ce travail. Les intitulés des thèmes proposés étaient très larges et nous permettaient donc de choisir un sujet qui nous intéressait et nous inspirait. Le travail lors des TPE permettait aussi une plus grande liberté que lors des cours « classiques », nous faisions nous-mêmes toutes les recherches nécessaires et cela nous permettait de travailler à notre rythme et de découvrir énormément de choses. L’oral des TPE a bien entendu été un moment un peu angoissant, s’agissant de notre premier « vrai » oral de bac, mais nous nous en sommes bien sorties et étions contentes de nous.
Avec le recul, je ne retire que du positif de cette expérience. Aucune autre discipline scolaire ne nous permet de mener un travail de longue haleine, en groupe, sur un sujet quasiment libre. Cela nous a forcés à travailler sur notre capacité à discuter, à nous mettre d’accord, à faire des compromis, à mener des réflexions en commun. Nous avons ainsi travaillé nos capacités coopératives aussi bien que nos responsabilités individuelles au sein du groupe. »
Claire (2011) : « Une très belle expérience »
Sujet : La montée du nazisme dans les années 1930 à travers sa représentation dans Adieu à Berlin de Christopher Isherwood et Cabaret de Bob Fosse.
« J’ai gardé le cahier format A6 que nous avions fabriqué pour composer le « rendu » de ce TPE. Cabaret reste à ce jour l’un de mes films préférés. Je me souviens notamment d’avoir préparé, avec mes camarades, une entrée musicale sur le thème de la chanson Welcome : ce qui nous avait fait beaucoup rire. Cela a été l’occasion pour moi de découvrir mes deux camarades que je ne connaissais que très peu avant cela.
Ces TPE m’ont notamment préparée, sans le savoir, aux nombreux projets que j’ai eu à réaliser au cours de mon cursus universitaire (en termes de méthode de recherche, d’organisation, de planning, de travail de groupe, de rédaction). Ces TPE nous ont aussi permis d’exprimer notre créativité. L’oral final nous a préparé à parler devant un jury. Cela a aussi été une autre manière d’apprendre : moins magistrale car les heures destinées aux TPE étaient des heures consacrées au travail en groupe et plus personnelle car nous pouvions exprimer nos goûts pour tel ou tel sujet. Je déplore la suppression de ce qui a été pour moi une très belle expérience. »
Adèle (2012) : « Une épreuve essentielle qu’il serait regrettable de supprimer »
Sujet : La guerre du Vietnam à travers l’art
« J’ai adoré mon sujet et avec mes camarades nous étions fières du résultat, parce que nous avions pu mélanger les supports, en faisant appel aux aptitudes de chacune (écriture, peinture, connaissances personnelles) pour produire la meilleure version possible d’un travail.
Les intérêts des TPE sont multiples et importants. C’est d’abord un premier travail de recherche sur du moyen terme, qui requiert d’autres qualités qu’un « simple » exposé : l’élaboration d’une problématique pertinente, le riche travail de documentation (recherche de documents, vérification des sources, sélection..), et enfin la production en elle-même qui invitait à la créativité et à la diversité. Cela permettait de sortir un peu du cadre scolaire, pour valoriser les intérêts et qualités de chacun, et ça c’était formidable. Bien souvent, le plaisir pris par les élèves et leur investissement se retrouvaient dans les travaux finaux. La multitude de supports et de sujets témoignaient de leurs différentes aptitudes et de leur créativité. C’est un premier travail personnel qui demande de la patience et de la persévérance. C’est important de laisser à l’élève un espace de liberté et d’expression, c’est plus encourageant et motivant que les travaux plus classiques, et ça permet aussi de révéler certains élèves qui sont moins « scolaires ». De plus, le travail de groupe est enrichissant, et c’est intéressant de partager cette épreuve du baccalauréat avec des amis quand le reste des épreuves c’est juste toi et ta feuille. Ce n’est pas seulement une épreuve « sympa », qui soulage un peu par rapport au reste du programme, c’est une épreuve essentielle qu’il serait regrettable de supprimer. »
Laura (2012) : « S’ancrer dans la réalité »
Sujet : Orgueil et Préjugés (Jane Austin) sur le réseau social Facebook
« Nous avions crée des comptes pour chacun des personnages du livre, et les avons fait dialoguer à travers différentes publications à partir de leur propre compte. Nous avons pris des captures d’écran de tout ce que nous avions pu retracer du livre et raconter à travers Facebook, pour les relier et en faire un livre. Lors du passage devant le jury, nous avions pensé notre « exposé » comme une interview entre un sociologue, un journaliste, et l’auteur Jane Austen, de manière à expliquer nos recherches sur le réseau social, le but de notre travail final donc, en rendant le tout animé de cette façon.
Bien évidemment j’en garde de très bons souvenirs ! C’était un travail conséquent, mais drôle quand j’y repense ! On a pu s’intéresser à beaucoup de choses. La littérature anglaise : nous connaissions le film mais pas le livre (et on l’avait lu en entier !). Le nouveau réseau social Facebook qui était ouvert depuis 2008 : on a pu vraiment comprendre ce qui se cachait derrière ! On avait même visionné le film à ce propos » The social Network » , et j’avais même été très loin en envoyant un mail au siège européen Facebook pour leur demander les données personnelles qu’ils gardaient sur moi ! J’avais écrit le mail avec mon professeur d’anglais et Facebook nous avait répondu !
C’est un travail qui permet de s’ancrer dans la réalité, de se détacher du cadre scolaire. De nous préparer aux oraux que l’on passera dans la vie, d’aboutir à un projet, un vrai projet avec une vraie réflexion. Ce travail nous montre aussi que plus tard on ne travaillera pas nécessairement avec les gens que l’on veut (c’est le cas pour moi, bientôt architecte en juin prochain !) et ça n’empêche que l’on peut faire un très beau projet ! C’est aussi un travail que je pourrais qualifier de « libre », nos professeurs nous ont aidées pour le choix du livre, et après c’était « allez-y ! », avec un regard bienveillant et critique, qui nous permettait de rester sur le bon chemin malgré tout. »
Jeanne (2013) : « Loin du formatage des autres matières »
Sujet : Alice au pays des merveilles et ses réécritures
« J’en garde d’excellents souvenirs ! Il y avait une véritable cohésion de groupe, portée par l’enthousiasme que nous inspirait notre travail. Les intérêts de cette épreuve du TPE sont nombreux. Tout d’abord, la liberté dans le choix du sujet et de son traitement. Il s’agit de la seule épreuve du bac où l’élève a la possibilité d’exprimer sa créativité, loin du formatage des autres matières. Cela est également un travail de groupe sur le long terme, ce qui permet aux élèves de mener un véritable projet avec du temps de réflexion, d’analyse et de partage. L’oral final de groupe sur le projet mené est également une excellente introduction à l’exercice de l’expression orale dans le cadre d’un examen officiel. Enfin, même si le coefficient de la note finale est faible, quelques points en plus permettent à certains élèves d’obtenir une mention, voire leur bac. »
Brenda (2015) : « Un point d’orgue de mes années lycée »
Sujet : Les révolutions de l’écriture
« Je garde – et je pense que c’est le cas pour tous les membres du groupe – un excellent souvenir de ce projet : je ne dirai pas « épreuve » car même si l’écriture de nos nouvelles a pu être parfois un vrai challenge, nous y avons pris tellement de plaisir que nous n’avions pas l’impression de travailler. Bien sûr, les étapes de recherches des faits et contextes historiques afin que les nouvelles soient plausibles nous ont donné du fil à retordre, au même titre que l’expérience d’écriture de groupe. En tant que littéraires, nous avions l’habitude d’écrire souvent seuls tandis que pour les TPE, il fallait suivre le rythme de chacun, inclure les idées de tous, tenter de garder une cohérence de style… Mon professeur d’Histoire-Géographie en seconde nous avait recommandé de ne travailler qu’avec des gens avec qui nous n’avions pas beaucoup d’affinités, car il avait vu des amitiés partir en lambeaux sous la pression des travaux de groupe. Mon groupe et moi avons tenté le pari TPE + amitié et cela a plus que bien fonctionné : créer ensemble un travail de cette envergure sur le long terme nous a rapprochés et nous étions impatients chaque semaine de poursuivre le projet. En quelques mots comme en cent, je garde beaucoup de joie, de partage et d’énergie créative.
Avec le recul, je dirais que les TPE ont certainement été l’un des points d’orgue de mes années lycée. Il est rare (et c’est bien dommage) d’avoir l’occasion dans l’enseignement secondaire d’être acteur de ses apprentissages de la sorte. Nous avions la liberté de choisir la forme finale de notre production, et surtout de travailler sur un sujet qui nous intéressait, et puisque nous avions besoin des informations pour écrire nos nouvelles, nous allions les chercher : en faisant des recherches, je pense avoir retenu plus de choses sur la naissance de l’écriture en Mésopotamie ou le fonctionnement des imprimeries au 16ème que si l’on nous avait donné un cours magistral sur le sujet en classe. A l’aube d’un master recherche, je me rends compte que les TPE sont les premiers travaux qui donnent vraiment un aperçu de l’enseignement supérieur : les choix des sujets, l’autonomie dans le travail, les recherches à faire en amont et l’oral comme une mini-soutenance. Cette autonomie qui nous a été donnée a été synonyme de responsabilisation : pour une fois nous étions maîtres de notre gestion du temps dans un projet à long terme, maîtres aussi de notre contenu et de la forme qu’il prendrait. Nous avons gardé les nouvelles, comme d’autres groupes ont pu garder les journaux de bord ou vidéos qu’ils ont réalisés, et tous ces projets sont aujourd’hui et pour les années à venir des preuves tangibles de notre investissement et de ce que nous étions déjà capables de réaliser. »
Morgane (2015) : « Développer des qualités d’écoute, de cohésion, d’organisation, d’humilité et d’émulation »
« Notre production finale se présentait sous forme de nouvelles. Un prologue traitait de l’invention de l’écriture au IVe millénaire avant J-C ; la première nouvelle se situait dans le milieu des imprimeries et de la censure dans le Lyon du XVIème siècle ; la seconde se passait à notre époque contemporaine (début d’année 2015) ; la dernière imaginait un futur proche dans une sorte de récit d’anticipation. Puisque nous étions au cœur de la troisième révolution de l’écriture, à l’heure où les tableaux numériques s’invitent dans nos salles de classe et où le blog et les réseaux sociaux deviennent autant un outil pédagogique que des moyens d’expression et d’écriture créative, nous avions trouvé intéressant d’étudier les différents enjeux de ce bouleversement du support, ce passage du papier à l’écran.
J’en garde d’excellents souvenirs, d’heures de travail en groupe où les idées fusaient, de recherches fastidieuses mais passionnantes, de séances d’écriture à huit mains et sur divers supports (tableau, papier, Google doc…), de débats sur la structure narrative, le style et le mélange des styles. Nous avons eu la chance de travailler sur un sujet qui nous intéressait en rendant compte de notre travail de manière créative mais non moins rigoureuse.
Pour moi, ce travail a été très enrichissant à bien des égards. Il nous a permis à l’époque d’interroger certains aspects de notre société, en appréhender les travers comme les valeurs, prendre conscience de ce qu’elle doit en matière d’écriture aux temps passés. D’autre part, il s’agit à mes yeux du premier travail de « recherche » d’importance avec évaluation orale qui nous ait été donné. Étant actuellement étudiante en troisième année de prépa littéraire, je me rends compte combien cette première approche de l’exercice m’a permis de poser des bases, maintenant solides, me permettant de mener à bien exposés, dossiers, colles et oraux en tout genre. Il s’agissait en outre d’un vrai travail d’équipe qui nous a permis de nous confronter aux difficultés et avantages que suppose un projet de groupe : inévitables désaccords, nécessaires concessions, mais aussi enrichissement de la réflexion, et travail de l’argumentation pour défendre ses propres idées auprès du groupe et les idées du groupe auprès du jury. En somme, les TPE sont à mes yeux l’occasion de développer des qualités d’écoute, de cohésion, d’organisation, d’humilité et d’émulation. Enfin, si cette première expérience d’écriture collaborative constitue un atout certain pour les travaux de groupe en études supérieures, il en va certainement de même pour ma future vie professionnelle. (Pour être un peu plus précise, au-delà de « l’esprit de groupe » en général, je peux mentionner le projet de nouvelle collective que je mène actuellement avec six autres lauréates d’un prix d’écriture suisse : avec le recours aux outils de partage numérique et les défis d’une rédaction à plusieurs mains, je suis en terrain relativement connu grâce à ces TPE formateurs en la matière.) »
Justine (2015) : « Se révéler en tant qu’élève »
Sujet : Le féminisme des années 1950 à d’aujourd’hui
« Les souvenirs les plus marquants sont les moments de tournage et de montage de la vidéo puisque ce sont des activités que l’on ne fait pas souvent dans le cadre scolaire, mais également l’ambiance dans mon groupe qui était agréable pour travailler : nous étions sérieuses tout en rigolant (surtout lors du tournage…) et il y avait une bonne cohésion.
Tout d’abord, les TPE nous amènent à être autonomes, que ce soit dans le choix du sujet ou dans le travail en lui-même. De plus, l’aspect travail de groupe nous oblige à nous organiser, à être responsables de notre travail mais aussi de celui des autres. Ces deux aspects, déjà, nous les retrouvons, peu importe le parcours, dans les études supérieures : avoir donc une première approche du travail autonome et du travail de groupe est un bon moyen de se projeter. Les TPE permettent aussi de se révéler en tant qu’élève, puisque nous sommes libres dans le travail : nous faisons donc des recherches et une production qui nous plaisent et cela est davantage stimulant et motivant. Nous pouvons donc montrer aux professeurs que nous sommes capables de fournir un travail complet et complexe. D’un point de vue personnel, ces TPE m’ont permis de réfléchir, dans le cadre de cours sur les méthodes d’apprentissage, sur l’aspect interdisciplinaire. Je pense que ces TPE sont une très bonne manière de permettre aux élèves d’apprendre et approfondir de nouvelles notions par eux-mêmes, ce qui n’aurait pas été forcément possible dans une séquence ordinaire, et de leur montrer qu’il ne faut pas cloisonner les matières mais les lier entre elles pour accéder à d’autres savoirs. Ne plus avoir les TPE est une grosse perte dans la mesure où cela permettait à l’élève de connaître, et au professeur de produire, une forme différente d’enseignement. »
Marion (2015) : « De véritables journalistes–reporters en herbe »
« J’en garde d’excellents souvenirs. Comme tout travail de groupe, il y a eu quelques hauts et bas notamment lors du choix du sujet qui ne fut pas facile. Mais une fois le sujet, le plan, la forme de la production finale et de l’oral trouvé, ce ne fut qu’un immense plaisir de travailler ces TPE.
Tout d’abord, comme tous travaux de groupe les TPE nous apprennent à travailler ensemble, à construire et développer une ligne directrice à notre travail en prenant en compte les opinions/idées de chaque personne du groupe. Cette confrontation de différentes opinions est, selon moi, l’une des raisons qui rend cet exercice d’une richesse incroyable. Ensuite, de par le choix de notre production finale (la restitution d’un débat TV), les TPE nous ont amenées à développer des aptitudes autres que celles que l’on pratiquait au lycée. En effet, outre le côté argumentation et écriture du débat, nous avons dû nous charger de gérer les caméras, la manière dont on voulait que le tout soit filmé, les textes, mais aussi le montage, les interviews à incorporer… Cette expérience nous a amenées à nous transformer en de véritables journalistes-reporters en herbe. Enfin, le sujet que nous avions choisi (le féminisme) était un sujet qui nous touchait particulièrement. Les TPE nous ont donc permis d’approfondir nos connaissances, littéraires et historiques, sur ce sujet déjà d’actualité à l’époque. »
Morgane (2015) : « Etre un petit chercheur en physique ou en chimie »
Sujet : L’action du fluor sur les dents
« Je garde de très bons souvenirs du TPE. Choisir son sujet, sa problématique et y répondre… je trouvais ça très intéressant. C’était comme être un petit chercheur en physique et en chimie !
Nous étions un groupe de trois filles et nous nous sommes très bien entendues. Le choix du sujet s’est fait très rapidement, en partie parce que ma mère en tant qu’hygiéniste dentaire connaissait un peu le sujet. Au fil des semaines, nous avons non seulement compris l’oxydo-réaction qui se produisait sur les dents. Mais surtout nous avions résolu notre question, notre problématique ensemble. Ce projet nous a permis d’apprendre d’une manière différente : apprendre à répondre aux questions que nous nous posions par nous-mêmes. De plus il s’agissait de mener un projet de groupe, ensemble pendant plusieurs semaines. Par ailleurs l’approche avec les professeurs était différente : nos professeurs n’étaient plus là pour nous noter, mais pour nous aider à répondre à notre problématique. Cette expérience a été très enrichissante et une bonne préparation pour les études supérieures, où dossiers, exposés, mémoires ne sont rien d’autres que des TPE, grandeur nature. »
Léo (2015) : « Un excellent entrainement pour le TIPE de classe prépa »
Sujet : Le pouvoir séparateur (= la faculté qu’a l’œil humain ou tout autre appareil optique à séparer deux points, ce qu’on appelle la résolution d’un appareil)
« Je garde un très bon souvenir du TPE. D’abord parce que c’est un projet collectif et que cela permet une émulation de groupe importante. C’était très agréable et gratifiant de voir le projet se créer peu à peu, puis de présenter le résultat final. Ce n’est pas toujours facile, nous avions eu des problèmes de compréhension de notre sujet et nous avions eu du mal à les surmonter mais je me souviens m’être beaucoup amusé pendant le TPE. Il m’avait aussi permis de rencontrer des personnes passionnées comme des membres d’un club d’astronomie ou une orthoptiste.
C’était mon véritable grand projet. En effet, c’est la première fois de ma vie que je travaillais ainsi sur un long exposé (délimitation du sujet, recherche de problématique, mise en place d’expériences, recherches documentaires, etc.), en groupe qui plus est. Par conséquent j’ai appris beaucoup de mon TPE : savoir comment se placer dans un groupe, comment gérer un projet sur le long terme, comment organiser le travail et la recherche, … Je ne me souviens pas entièrement du fond de mon sujet, en revanche j’ai beaucoup appris en méthodologie grâce à lui. C’est d’ailleurs un excellent « entrainement » pour les élèves voulant faire une classe préparatoire scientifique. En effet, en deuxième année il y a un projet très similaire (plus approfondi et plus autonome), le TIPE, le i étant pour « d’Initiatives ». Avoir bien fait mon TPE m’a aidé à bien débuter mon TIPE (qui est évalué à l’oral des concours aux Grandes Ecoles). »
Juliette (2015) : « On m’a donné la possibilité de me découvrir moi-même »
Sujet : La culture urbaine
« J’en garde un très bon souvenir, l’un des meilleurs de mes années lycée, notamment grâce au sujet, qui m’a permis de découvrir une culture humaniste moderne et m’a apporté des valeurs qui habitent aujourd’hui mon quotidien. Ce que j’en retiens, c’est qu’on m’a ainsi donné la possibilité de me découvrir moi-même.
Tout d’abord, c’est le premier projet dans notre scolarité que l’on mène sur le long terme, cela nous donne l’occasion de nous projeter dans le temps, de nous organiser et donc d’être plus autonome. En groupe, il nous aide véritablement à appréhender le travail en équipe, présent dans la plupart des professions. C’est aussi une expérience ludique, qui nous permet de choisir un sujet plus éloigné de nos cours, qui nous tient à cœur, et dans lequel on a envie de s’investir. C’est un défi rassurant comparé aux autres épreuves du baccalauréat. »
Kathleen (2016) : « J’ai pu donner sens à ce que je faisais »
Sujet : La thématique du rêve dans le film Big Fish de Tim Burton.
« Les TPE, ainsi que d’autres magnifiques projets de mon année de première littéraire, font partie de mes meilleurs souvenirs du secondaire. J’ai pu lier l’utile à l’agréable, la passion pour le cinéma et pour la littérature à un dossier obligatoire à rendre. J’ai pu donner un sens à ce que je faisais tout en vivant de magnifiques expériences humaines et de réflexion.
Inscrits dans des thématiques que nous évoquions en cours de littérature, les TPE étaient une véritable façon de redynamiser les enseignements que nous recevions et de nous les approprier. On nous donne l’opportunité de sortir du cadre du cours, d’aller chercher plus loin que ce qu’on nous apportait. Ainsi on nous permet de prendre de l’autonomie. Nous avons pu développer des capacités, comme dans le cas de notre TPE, de mise en scène, d’écriture de scénarios, de tournage, de jeu d’acteurs et de montage ce que je n’aurais jamais pu faire en restant dans le cadre même de la filière littéraire. J’ai pu réfléchir à la manière de mettre tous les mots et les significations que nous trouvions dans les poèmes oniriques étudiés en classe en images. Au-delà de l’aspect littéraire, nous avons développé des compétences de rédaction d’un dossier conséquent ce qui nous sera utile dans la suite de nos études, voire dans notre vie professionnelle de la même manière qu’apprendre à prendre le risque de la rencontre et du travail en groupe. »
Nine (1ère 2017) : « Gagner en rigueur et clarté »
Sujet : Le féminisme à travers la littérature en France et en Espagne
« On s’est rapidement mises d’accord sur le sujet alors qu’on ne se connaissait pas. Le plus compliqué fut le travail de recherche, puis la mise en commun des connaissances où l’on a rencontré des différends. On finissait cependant toujours par échanger et trouver un terrain d’entente. Ce qui m’a agréablement surprise, ce sont les liens qu’on a tissés ensemble. Je pense que cet exercice nous a rapprochées, car les TPE sont plus qu’un simple travail scolaire : ils permettent de découvrir nos camarades tout en développant des compétences de travail.
La satisfaction à la fin des TPE, au-delà de réussir à les avoir enfin achevés, était de se rendre compte de l’intérêt qu’il a eu pour notre groupe. Selon moi, outre les liens créés, les TPE m’ont surtout permis d’approfondir mon sujet : le féminisme. On n’aborde pas nécessairement la place du féminisme en cours. C’est un travail qui m’a aussi aidée à être plus à l’écoute des autres. Je pense qu’on a toutes les quatre gagné en rigueur et en clarté, que ce soit à l’oral ou à l’écrit. »
Lou (1ère 2017) : « S’ouvrir à des problématiques au-delà des frontières »
Sujet : La place des mineurs au sein de la Guérilla colombienne
« Je me rappelle que je me suis mis beaucoup de pression pour ce travail, c’était la première fois que je me confrontais à ce genre d’épreuve. Les débuts étaient quelques peu chaotiques car nous avons eu du mal à nous mettre en accord sur le sujet ce qui nous a fait perdre pas mal de temps. Mais une fois le sujet défini, j’ai pris du plaisir à approfondir mes connaissances sur une problématique que je connaissais peu.
Ce travail m’aura été bénéfique sur plusieurs points. Tout d’abord il m’a permis d’apprendre à travailler en groupe, c’est-à-dire prendre en compte l’avis des autres, se confronter au désaccord, dialoguer afin d’isoler les informations les plus pertinentes. Ce projet m’a également appris à effectuer un travail sur le long terme et à gérer mon temps en conséquence. Pour finir j’ai pu, par nos diverses recherches, enrichir ma culture personnelle. La réalisation du dossier m’a permis de m’ouvrir à des problématiques qui existent au-delà de nos frontières. »
Clara et Mona (2018) : « Je n’avais jamais autant travaillé auparavant »
Sujet : L’art de la transgression par Frida Kahlo
« Je garde de très bons souvenirs de ces TPE même si le travail demandé était assez conséquent et requérait beaucoup d’investissement. Mes meilleurs souvenirs sont ceux de nos répétitions pour la restitution orale : on a produit une scénette de théâtre qu’on a voulu comique et j’espère qu’elle l’a été ! Les TPE nous apprennent non seulement à approfondir notre culture générale et à pouvoir pondre un travail en totale autonomie, mais aussi à travailler sur un projet en groupe sur une longue durée. » (Clara)
« Je crois que je n’avais jamais autant travaillé auparavant que pour ce projet, mais ce fut enrichissant et gratifiant ! » (Mona)
Manuel (2018) : « Apprendre à grandir »
Sujet : La peinture du siècle des Lumières en France et en Espagne
« Les points de vue et idées de chacun se confrontaient souvent dans notre groupe, et nous avons eu du mal à nous mettre d’accord sur certains points et avons donc dû trouver un terrain d’entente à maintes reprises. Lorsque nous avons vraiment commencé à nous y mettre, j’ai commencé à beaucoup aimer travailler sur ce sujet, car l’art en général m’intéresse et je ne savais pas grand chose sur la peinture du siècle des Lumières, et j’ai donc appris beaucoup de choses. Et rédiger le dossier m’a plu, car j’aime aussi écrire et rédiger.
Je pense que les principaux intérêts des TPE sont de gérer soi-même son travail et d’apprendre à être autonome, mais aussi d’apprendre des choses, de se cultiver, de susciter la curiosité. Travailler sur les TPE, c’est un peu apprendre à grandir et à être un vrai lycéen. »
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Un dossier du Café pédagogique sur les TPE
Echos du TPE sur les révolutions de l’écriture
Echos du TPE sur l’évolution du féminisme
Echos du TPE sur la culture urbaine
Echos du TPE sur Orgueil et préjugés
Echos du TPE sur la guerre du Vietnam dans l’art