Comment essayer de redonner une place plus importante à la pédagogie durant les conseils de classe ? Professeur d’EPS au collège Roger Martin du Gard à Epinay Sur Seine, Valentin Perraud présente un nouveau modèle de conseil de classe avec l’objectif d’impliquer davantage les élèves et les parents dans la réussite scolaire. Dans ce sens, chaque élève et chaque parent d’élève sont invités à y participer ce qui amène des véritables échanges durant ce temps scolaire.
Divers constats sur les pratiques du conseil de classe :
Qui n’a jamais entendu parler des conseils de classe ? Ce conseil est un moment très important de la vie scolaire et fait partie de la vie des collèges et des lycées. En effet, ce dispositif permet de faire un bilan trimestriel ou semestriel sur chaque élève de l’établissement et intègre deux fonctions complémentaires : l’une de nature pédagogique l’autre relative à l’orientation (Magliluo, 20171). Ce conseil, avec les membres qui le constituent, doit donc prendre des décisions pour l’avenir des élèves, ce qui en fait un moment très important où les membres sont amenés à engager leur responsabilité individuelle et collective.
Dans ce sens, les textes officiels et plus particulièrement l’article R421-51 (2018) du code de l’éducation relatif aux rôles du conseil de classe rappellent formellement cette double mission : « le conseil de classe est chargé du suivi des élèves, il examine toutes les questions pédagogiques intéressant le suivi des acquis des élèves et la vie de la classe, (…) et de l’évaluation progressive de leurs acquis en cohérence avec le volet pédagogique du projet d’établissement » et « le conseil de classe examine le déroulement de la scolarité de chaque élève afin de mieux l’accompagner dans son parcours scolaire, à la fois dans la progression de ses apprentissages à l’intérieur d’un cycle, dans son passage d’un cycle à l’autre et dans la construction de son projet personnel ». Néanmoins, combien de fois les questions pédagogiques semblent se limiter à la lecture de la moyenne de l’élève (ou de sa courbe), au mieux, un bref commentaire sur ses difficultés et ses réussites. De plus, le cas par cas peut devenir un « défouloir » pour blâmer l’élève qui n’a pas toujours un comportement scolaire attendu. Les compétences psychosociales semblent prendre le pas sur l’aspect pédagogique, alors qu’aucun outil ne permet de les décliner objectivement dans le curriculum.
Comment redonner une place plus importante à la partie pédagogique pour favoriser la réussite de tous les élèves ? Que reste-t-il après ce conseil pour faire progresser les élèves ?
Un autre aspect qui peut interroger sur le conseil de classe, c’est sa composition. En effet, outre l’équipe pédagogique et la direction, sont conviés les délégués des élèves et des parents d’élèves. Cela a pour but de donner plus de transparence à ce conseil qui peut être vu comme sacré (Magliluo, 20171). Toutefois, à l’instar de Verney (20182), nous sommes en accord avec le fait que leur fonction nous semble bien anecdotique. En effet, les délégués donnent sur le premier tour de table l’avis sur la classe travaillé en amont, puis prennent des notes (surtout des moyennes) de leur camarade. Or, ils participent que très rarement au débat durant le conseil de classe, et quand on leur demande leurs avis où un renseignement, ils ne savent pas forcément. Quant aux délégués des parents d’élève, quand ils peuvent être présents, ils n’ont pas toujours eu le temps de se renseigner auprès des autres parents et par conséquent ils ont peu de choses à dire. Finalement, ils suivent / subissent, généralement, en silence le conseil de classe.
Comment responsabiliser les élèves dans leur réussite scolaire et rendre plus actifs / présents les parents ?
Enfin, lorsqu’arrive le tour du cas par cas, à l’instar de Magliluo (20171), nous pensons que la durée allouée à ce temps ne permet pas nécessairement de faire un bilan et de proposer des conseils concrets à chaque élève. En effet, au regard du temps de la durée moyenne d’un conseil de classe (une heure trente minutes à deux heures), le temps accordé pour chaque élève est d’en moyenne de deux minutes. Or, pour certains élèves pour qui cela va de soi, le temps peut être raccourci, et à contrario, pour les élèves où cela est plus complexe, le temps allongé. Comment faire un bilan, conseiller et réfléchir à une orientation pour chaque élève en consacrant si peu de temps par élève ? Qu’adviennent les conseils donnés durant le conseil de classe et normalement retransmis à l’élève concerné par les délégués ? Et comment sont-ils interprétés quand ils arrivent de manière descendante suite à la mise en synergie des propositions de chaque membre de l’équipe pédagogique par le professeur principal ?
Nous pouvons alors nous demander, si ce dispositif, si important au sein d’un établissement est réellement modulable ?
Points positifs et déroulé du conseil de classe participatif
Le projet du conseil de classe participatif est donc né de ces différents constats et interrogations. Ce projet a pour objectif de rendre les élèves acteurs du conseil de classe en leur permettant de verbaliser sur leurs apprentissages à travers des bilans pédagogiques de chaque discipline et en les faisant analyser leur bulletin devant leurs parents. De plus, ce projet a aussi pour objectif d’impliquer les parents en offrant une meilleure visibilité sur le conseil de classe, mais aussi en leur permettant de se rendre compte de ce qui a été enseigné / appris durant le trimestre. Mais aussi, nous en faisons le pari, qu’en les impliquant davantage dans la scolarité de leur enfant, cela favorisera la réussite de leur enfant. Ce conseil de classe participatif a une durée moyenne d’une heure et quinze minutes, et se déroule en 3 temps (temps 1 => cinq minutes / temps 2 => quinze à vingt minutes / temps 3 => quinze minutes par élève avec un professeur). Les deux premiers temps se déroulent en plénière en présence de tous les élèves, tous les parents, ainsi que les professeurs de la classe et le principal. Enfin, ce sont les délégués qui dirigent les deux premiers temps en donnant à tour de rôle la parole aux personnes concernées.
Temps 1 – Bilan général
Durant ce premier temps en plénière (présences des parents, des professeurs et de la direction), les deux délégués vont chacun leur tour donner le point de vue des élèves sur leur classe. Ce premier temps est un résumé des avis de chaque élève construit durant l’heure de vie de classe. Puis, vient le tour du professeur principal, qui après avoir résumé les différents constats des collègues, explicite et fait un bilan sur le fonctionnement, le climat de la classe. Ce premier temps, plutôt « classique » permet d’avoir une vue d’ensemble sur la classe de la part des élèves et des professeurs.
Temps 2 – Bilan pédagogique par discipline
Ce deuxième temps a pour but de « faire entrer les parents dans la classe » . Autrement dit, l’idée est de permettre aux parents de se rendre compte des compétences travaillées en classe, dans chacune des disciplines. Ici, les élèves ont pour objectif de faire, par petit groupe de deux / trois élèves, un résumé pédagogique pour la discipline dont ils sont « responsables ». Pour cela, ils ont le droit de mettre en scène leur discours, de se poser des questions entre eux. Par exemple, lors de la restitution pédagogique en mathématique, une des élèves peut demander à un autre de faire un calcul mental pour démontrer la compétence « calcul mental ». Par contre, durant ce temps, ils doivent, normalement, restituer par cœur, leur résumé. Cette « contrainte » permet aux élèves d’avoir un nouveau temps d’apprentissage sur une matière, mais surtout, il leur permet d’être plus audibles en facilitant la restitution. De plus, cela leur permet de développer la compétence à s’exprimer à l’oral qui leur sera nécessaire lors des différents oraux qu’ils auront à faire durant leur scolarité.
Temps 3 – Analyse du bulletin.
Ce dernier temps, représente une rare occasion de réunir, dans un cadre sécurisé et sécurisant, les trois partenaires – enfant / parent(s) / école (représenté par l’enseignant) et de « parler de l’école » ensemble. En effet, les parents se retrouvent seuls avec un professeur tuteur (généralement, ce professeur est celui dont l’élève a présenté la matière durant le temps 2) et leur enfant durant environ quinze minutes. Ce temps permet réellement d’échanger avec les parents et l’élève sur son trimestre. Dans ce sens, c’est l’élève grâce à une fiche d’analyse (cf annexe 1 et 2) de son bulletin qui explique / fait un bilan sur son trimestre. Ici, il verbalise sur ses points forts, ses points à améliorer en fonction de différentes matières où il est en réussite et où il est en difficulté. Ce travail effectué en vie de classe lui permet d’avoir un regard réflexif sur son propre travail. Enfin, l’idée en fin d’entretien est de mettre sur papier deux engagements qu’il devra tenir au second trimestre. Ces engagements peuvent être prioritairement sur une compétence (ex : en mathématiques, sur la compétence « calcul mental », passer de fragile à satisfaisant) ou bien sur un problème plus transversal de type comportemental (ex : prendre vingt minutes par jour pour travailler). A la suite de ces engagements et de son analyse, l’élève a la possibilité de démontrer un exercice qu’il a généralement réalisé en cours pour montrer ses compétences à ses parents. Pour faire patienter les parents qui ne passent pas en premier, un musée pédagogique peut être créé. A l’intérieur, on pourra y retrouver des travaux d’élèves (ex : leur chorégraphie en danse, leur présentation d’un livre en français, des dessins…) disposés à divers endroits de la salle pour permettre aux parents de se déplacer librement.
Mise en place du conseil de classe participatif
Avant le conseil de classe : Un temps de préparation d’au moins trois heures de vie classe consécutives (une heure par semaine) semble nécessaire. En effet, une première heure peut être consacrée à la création du bilan de la classe et des bilans pédagogiques. Le bilan de la classe est réalisé par les élèves (points positifs et négatifs du trimestre) et sera lu en temps 1 par les délégués. Le bilan pédagogique est récrit et mis en scène (illustration d’une compétence) par les élèves qui s’appuieront sur les compétences travaillées dans chaque discipline. Pour cela, chaque collègue envoie le bilan rédigé ; soit avec la classe en fin d’heure de cours, soit seul ; au professeur principal qui le transmettra aux élèves responsables de la discipline qu’ils devront présenter en temps 2.
Il serait souhaitable d’avoir aussi une deuxième heure de vie de classe pour travailler sur l’analyse de leur bulletin (cf annexe 1 et 2). Chaque élève recevra son bulletin et sa fiche d’analyse durant cette heure-là. L’idée est de leur permettre de porter un regard rétrospectif sur leur trimestre en les guidant à travers la fiche d’analyse.
Et une troisième heure pour leur permettre de répéter dans les conditions réelles de passage. Cela a pour but de les rassurer et de leur permettre de s’entrainer. Sachant, que si les collègues veulent participer au projet, rien ne les empêchent de faire répéter les élèves durant leur cours. Dans ce sens, cela pourrait être un travail en français sur la compétence : « s’exprimer à l’oral » !
Concernant les récompenses (félicitations, encouragements…) et les appréciations générales, le choix est fait de ne pas se réunir entre collègues, mais de tout faire par mail (cf annexe 3). Ce choix peut se justifier par le fait que chaque collègue travaille dans le même établissement et peut donc échanger sur un élève s’il rencontre un problème. Il ne nous semble pas nécessaire d’attendre le conseil de classe pour « découvrir » des choses sur les élèves.
Dans ce cas, le professeur principal peut envoyer un document (cf annexe 3) permettant à chaque prof de mettre la récompense souhaitée dans sa matière en fonction des élèves. Ainsi le professeur principal pourra faire une « moyenne » des différentes récompenses pour l’attribuer à un élève. Et concernant les appréciations générales, le professeur principal dispose de tous les bulletins lui permettant de l’écrire pour chaque élève. Suite à ça, il renvoie par mail un document résumant toutes les appréciations générales et les collègues n’étant pas d’accord avec une appréciation peuvent en parler pour la modifier. Ce choix a été fait pour trois raisons : ne pas doubler les réunions en surchargeant les collègues, mais aussi le fait que pédagogiquement parlant, cela n’est pas toujours très intéressant. Enfin, durant ce temps, les appréciations générales pré-écrites par le professeur principal sont rarement modifiées.
Toutefois, il est vrai que ce temps permettrait à tous les collègues d’échanger sur la classe en fonction de leur matière. Mais travaillant tous dans le même établissement, il est possible d’échanger sans attendre le conseil de classe et via différents moyens (espace numérique, mail, de vive voix…)
Pendant le conseil de classe :
Ce sont les délégués qui gèrent le déroulé du conseil. Ce nouveau procédé valorise davantage les délégués et la place laissée aux élèves. Donc le professeur principal est en retrait pour laisser la place aux élèves après avoir présenté le bilan de la classe. Le professeur principal doit simplement organiser la gestion du temps 3 en indiquant l’ordre de passage des élèves avec chaque professeur. De plus, il distribuera les bulletins des élèves aux collègues avec qui ils passeront sur le temps 3.
Après le conseil de classe :
Les engagements pris par les élèves sont centralisés par le professeur principal qui informatiquement les retape. Une fois cela fait, chaque élève colle dans son carnet ses propres engagements, et chaque collègue reçoit par mail la liste des engagements. Il est possible, qu’à la mi- trimestre, les collègues tuteurs puissent vérifier avec les élèves qu’ils tutorent, si les engagements pris lors du conseil de classe participatif sont en train d’être respectés ou non.
Pour conclure, la circulaire de 1998 concernant l’amélioration des procédures d’orientation lors des conseils, stipule que : « la qualité des échanges d’information avec les élèves et leur famille, dans le déroulement des procédures, conditionne fortement la manière dont les élèves prendront une part active dans leurs choix d’orientation. Tout doit être fait pour que l’élève soit acteur de son évaluation et de son orientation. C’est une forme de citoyenneté que d’apprendre à se connaître et à assumer ses choix. » Cet extrait de circulaire appuie donc l’idée selon laquelle il est important pour l’élève d’être acteur de son avenir et donc de sa réussite scolaire. Dans ce sens, Brau-Antony (19914) explicite le fait que : « la verbalisation des difficultés, l’identification des savoirs et l’auto-évaluation sont des principes catalyseurs de l’apprentissage ». En nous appuyant sur ces propos, nous croyons fortement au fait que la responsabilisation des élèves à travers la verbalisation de leur regard rétrospectif sur leur travail et leurs études, permet de favoriser les apprentissages.
De plus, tout comme le souligne l’article de Rakocevi en 20145, nous sommes intimement convaincus que permettre aux parents de s’investir davantage dans la scolarité de leurs enfants, va leur permettre d’être davantage en réussite. Et cela peut aussi pour certaines familles changer l’image de l’école.
Dans ce sens, ce conseil de classe participatif entre pleinement dans les politiques éducatives actuelles en permettant aux parents de participer à la vie de l’établissement et ainsi prolonger l’école de la confiance et de la bienveillance. En effet, nous permettons à chaque élève et à sa famille d’avoir une visibilité / responsabilité sur la scolarité et aussi de favoriser de réels échanges entre les professeurs, les familles et les élèves. Autrement dit, nous coconstruisons réellement l’avenir de nos élèves en faisant de ce temps un moment de formation et cela nous semble nécessaire pour favoriser la construction d’une citoyenneté participative de nos élèves.
Valentin Perraud,
Professeur agrégé d’EPS, collège Roger Martin du Gard, Epinay Sur Seine (93)