A l’école primaire Petit Prince de Saint-Ouen (93), l’éducation aux médias est un enjeu majeur. Dès l’école élémentaire, les élèves de CM1/CM2 de la classe d’Emmanuel Corbin y sont initiés. Depuis 2017, il enseigne à l’école primaire – maternelle et élémentaire – Petit Prince de Saint Ouen. Une école flambant neuve de dix-neuf classes aux locaux flambants neufs agréables et fonctionnels située dans le nouveau quartier des Docks de la ville. Un quartier où la mixité sociale prend tout son sens, accueillant des élèves de milieux populaires mais aussi de classes plutôt favorisées voir très favorisées. Emmanuel est connu par ses collègues pour l’énergie qu’il déploie dans l’accompagnement de ses élèves mais aussi parce qu’il mène plusieurs projets de front.
De la finance à l’éducation
Ancien élève de l’ESSEC de Singapour entre autres, ancien consultant bancaire ayant occupé des postes stratégiques à travers le monde, Emmanuel est aujourd’hui un enseignant épanoui et investi. Après s’être questionné sur le sens de ses fonctions dans le monde de la finance, il a décidé de changer de vie et a passé le concours de professeur des écoles en 2015 au sein de l’académie de Créteil. « C’est l’envie d’exercer un métier qui ait du sens, et le désir de trouver un équilibre entre vie privée et vie professionnelle, qui m’a donné envie de devenir enseignant » nous explique-t-il. Pour lui, « l’école est un lieu d’égalité, qui permet aux enfants, d’où qu’ils viennent, d’acquérir les savoirs fondamentaux et la culture citoyenne qui les arment pour faire face au monde de demain, qui leur permet de faire des choix éclairés qui concourent à leur propre bonheur et au bien collectif ».
Des projets variés qui rythment la semaine
Alors comme dans toutes les classes de l’école française, les apprentissages alternent plusieurs formes : des séances de découverte avec parfois de la manipulation, des leçons classiques et même des évaluations. Mais ce qui interpelle dans la classe d’Emmanuel, c’est la richesse de ses projets. Tous les lundis, la semaine commence par une séance de théâtre, « la semaine débute par cela car j’estime que c’est un bon moyen d’assurer une transition heureuse entre le weekend et l’école. Cela permet de redémarrer avec entrain la nouvelle semaine de classe ».
Le jeudi matin, c’est conseil d’élèves pendant une heure. « Ce conseil permet d’installer entre les élèves un espace de débat, d’expression libre, de suggestion, de décision sur des projets et événements en relation avec la vie de la classe. Les élèves formulent des opinions, expriment leurs émotions, prennent des décisions argumentées, se responsabilisent dans leurs comportements individuels et collectifs. Le but est d’encourager l’autonomie et l’initiative des élèves, de développer leur esprit critique, de susciter la coopération, la solidarité et leur capacité à vivre ensemble dans le respect des différences ».
Il y a aussi le rituel proverbe qui a lieu une fois par semaine et qui dure quinze minutes. « Chaque semaine, juste après le Conseil d’élèves, un élève pioche un proverbe et le lit. Nous essayons collectivement de le comprendre, puis les élèves le copient. L’idée est d’offrir aux élèves des éléments d’une culture de la bienveillance. La lecture-compréhension de proverbe permet également d’aborder, ce qui est difficile en début de cycle 3, le raisonnement par analogie, l’utilisation du sens figuré… ». L’éducation au patrimoine, par le biais de l’histoire des arts, est aussi un domaine que privilégie Emmanuel, avec sa collègue du même niveau. « Nous allons visiter des lieux incontournables du patrimoine artistique ou citoyen existant en région parisienne ». Par exemple, entre l’année dernière et cette année, ses élèves ont eu la chance de visiter le Musée d’Orsay, Château de Versailles, Arc de Triomphe, Palais de la Découverte, Panthéon et le Musée du Louvre.
Éduquer aux médias en analysant toutes les infos, quelles qu’elles soient
Et pour finir, le projet d’éducation aux médias. Dans la semaine, deux séances de vingt minutes permettent aux élèves et à leur enseignant d’analyser l’actualité. « L’objectif de ce travail est d’essayer d’apprendre aux élèves à exploiter l’information de manière raisonnée, à développer leur capacité d’écoute et leur aptitude à reformuler des propos entendus. C’est également bien sûr un moyen de découvrir le monde actuel, d’être informé sur quelques grands enjeux de notre époque. Ce travail s’appuie surtout sur une écoute régulière d’un court flash info d’une station de radio, suivi d’un temps d’échange lors duquel les élèves reformulent ce qu’ils ont entendu et posent des questions.
De temps en temps, le travail se fait plus analytique lorsque je demande aux élèves de décortiquer les flash infos : qui a-t-on entendu à l’antenne ? quel est le rôle de chacun ? le temps de parole de chacun ? la même importance a-t-elle été donnée à tous les sujets ? telle ou telle info a-t-elle évoluée depuis le début de semaine ? ». Malgré une actualité qui n’est pas toujours aisée à expliquer aux élèves, Emmanuel ne censure jamais de flash info. « Cela m’est arrivé une seule fois en dix-huit mois. Lorsque le sujet de la PMA a été abordé. J’ai beaucoup regretté, je le regrette encore, mais ma crainte d’ennuis avec des parents m’a poussé à ne pas diffuser le flash info prévu ce jour-là. Cette crainte est d’ailleurs peut-être infondée, car en dix-huit mois de ce rituel, et alors que nombre de sujets plus ou moins sensibles ont été diffusés en classe, jamais un parent n’est venu me parler de quoique ce soit ».
S’émanciper par l’école
Dans le cadre de son projet d’éducation aux médias, Emmanuel a emmené, ses élèves mardi 18 décembre, passer une journée dans les locaux de radio France. Ils ont participé à une conférence de rédaction, ont préparé un journal, abordant les thématiques « Monde », « France », « Culture » et « Sport » qu’ils ont enregistré, casques sur les oreilles et face au micro. Les élèves ont aussi profité aussi d’une visite guidée de la Maison de la Radio reprenant les grandes lignes de l’histoire de ce monument national.
Alors tous ces projets, Emmanuel les porte parce qu’il a conscience « du côté coercitif de l’école républicaine, lieu fermé avec des règles, un rythme, des tâches et un savoir qui peuvent parfois sembler manquer de sens. C’est pour cela que j’essaie d’accorder une importance maximale à des apprentissages permettant aux élèves de se sentir bien dans ce lieu qui est avant tout un lieu d’émancipation. Ce bien être, et le sens donné à chaque apprentissage, permettent de favoriser la réussite des élèves, y compris dans les domaines classiques de l’enseignement, dont je ne sous-estime jamais l’importance ».
Lilia Ben Hamouda