Alors que le président de la République doit apporter une réponse aux gilets jaunes le 10 décembre, c’est Jean-Michel Blanquer qui doit faire face à la contestation. La journée du 7 décembre a encore vu de très nombreux blocages de lycées et des incidents. Le ministre de l’Education nationale n’entend pourtant pas écouter les organisations lycéennes. Il en appelle au seul Conseil national de la vie lycéenne, une assemblée dont la représentativité est contestable. C’est que la contestation lycéenne porte sur ses réformes. En refusant le dialogue avec les organisations lycéennes il les pousse dans la rue.
Deux fois plus de lycées en une semaine
Ce sont 400 lycées qui ont été perturbés le 7 décembre, soit une centaine de plus que la veille et le double du début de la semaine. Les appels au calme du ministre, des recteurs, les messages envoyés à tous les professeurs n’ont pas calmé les lycéens.
Il faut dire que les images des lycéens de Mantes la Jolie sont dans toutes les têtes. La scène est devenu un symbole pour les manifestants. Elle a été jouée un peu partout face aux forces de l’ordre aussi bien le 7 que le 8 décembre. Les revendications lycéennes restent les mêmes : l’arrêt des réformes du lycée, du lycée professionnel et du bac et la suppression du SNU.
Voilà donc JM Blanquer face à la première contestation sérieuse de ses réformes. Est-il capable d’écouter et transiger ?
Blanquer veut-il négocier ?
On peut en douter. D’abord parce qu’il n’a pas hésité en pleine crise à faire passer en conseil des ministres le projet de loi sur l’école de la confiance. Rejeté massivement au CSE (3 voix pour seulement), tout comme d’ailleurs les réformes du lycée, du lycée professionnel et du bac, cela n’empêche pas le ministre d’accélérer son lancement en ne tenant aucun compte de la contestation massive dans la rue.
Le 7 décembre sur France Inter, puis le 9 sur France 3, JM Blanquer s’est déclaré « choqué » par la scène de Mantes la Jolie. Mais tout de suite il l’a mis en doute. « Ces images sont faites pour attiser », dit-il sur FRance 3. « A Mantes la Jolie il y a eu des violences extrêmes avant et quelques policiers, qui n’étaient d’ailleurs pas très nombreux, ont eu à maîtriser une foule d’environ 130 personnes, dont des lycéens, et cette foule avait commis des exactions et était sur le point d’en commettre de pire… La chose la plus importante c’est qu’il n’ ya pas eu de blessés ». Pour le ministre le problème n’est pas les faits mais les images qui participeraient à une campagne de mensonge. De la même façon, interrogé par la mère d’un lycéen d’Ivry gardé à vue pendant 36 heures pour avoir écrit « Macron démission » sur un mur, le ministre estime que « ce n’est pas à lui de dire » si c’est disproportionné et qu’il « est possible que certaisn aient fait plus d’un tag ».
Déni des organisations lycéennes
Face à la contestation lycéenne, que va faire JM Bkanquer ? Le 7 décembre il était question de recevoir les organisations lycéennes. Elles avaient été reçues sans véritable dialogue le 5. Le 9 décembre, confronté à L Boyard, président de l’UNL, il l’accuse à plusieurs reprises de participer à la campagne de mensonges (« il ne dit pas toujours des choses exactes »). JM Banquer envisage de dialoguer uniquement sur l’application de la réforme et qu’avec le Conseil national de la vie lycéenne et pas avec les organisations. « Dans tous les aspects de la mise en place de la réforme c’est avec le CNVL que l’on va avancer », dit-il sur FRance 3.
Le Conseil national de la vie lycéenne (CNVL) tout comme les Conseils de la vie lycéenne (CVL) sont nés des révoltes lycéennes. Novembre 1990, 300 000 lycéens surtout en banlieue manifestent. Le ministère crée les CAVL en 1991. 1995 les manifestations contre le CIP aboutissent à la création du CNVL. Les CVL sont nés des manifestations anti Allègre en 1998. Toutes ces instances sont nées sous la pression des « nouveaux lycéens » issus des quartiers populaires.
Le CNVL : « un outil de contrôle »
Mais les CVL jouent un role très négligeable dans la grande majorité des lycées. On ne se bat pas pour y être élu. Et les CVL sont confisqués par les enfants les plus favorisés. Or ce sont les membres de ces CVL qui vont élire les CAVL qui désigneront le CNVL, sans tenir d’ailleurs compte de la taille fort différente des académies.
Dans un livre publié en 2017, E Nouaille et A Moinet, deux élus au CNVL, décrivaient en ces termes le CNVL : « le CNVL apparait davantage comme un outil de controle des élus lycéens pour canaliser leur colère éventuel en donnant un semblant de cadre de dialogue. Cette instance est peu prise au sérieux à l’image de l’ensemble de la démocratie lycéenne ». Eux deux avouaient au Café pédagogique avoir candidaté pour paralyser ce conseil postiche. Ils dénonçaient aussi la composition du CNVL : des élèves venus des milieux les plus favorisés. « Les instances sont une colonie de vacances », concluaient-ils.
La politique du pire
En choisissant de dialoguer avec le seul CNVL , JM Blanquer applique un vieux truc , utilisé déjà par exemple par F Fillon en 2005 face aux organisations lycéennes.
Le ministre ne les reconnait pas comme des interlocuteurs. Et il n’entend pas négocier sur ses réformes. Il ne laisse donc aux organisations lycéennes qu’un seul moyen pour se faire entendre : la rue. Plusieurs organisations lycéennes appellent à des journées « noires » mardi et vendredi.
Des soutiens pour les organisations lycéennes
Les événements de Mantes-la-Jolie ont suscité des prises de position de plusieurs organisations. D’abord de l’UNL SD qui a immadiatement appelé à « un mardi noir » le 11 décembre et déposé plainte pour « violences sur mineurs de 15 ans et plus par personnes dépositaire de l’autorité publique ». Les parents de la Fcpe exigent « du gouvernement qu ele harcèlement des lycéens cessent ». La Fcpe « demande au ministre de l’intérieur que toute la lumière soit faite sur ces violences policières ». Un peu partout des parents s’organisent pour accompagner les lycéens dans les manifestations prévues le 10 et le 11 décembre. Chez les enseignants, la Fsu « condamne ces violences ». « C’est une réponse politique qu’il faut apporter à ce mouvement. La Fsu demande au gouvernement d’entendre les revendications de la jeunesse, de recevoir les organisations de jeunesse et celles des personnels pour trouver une solution négociée ». En Ile de FRance et dans les Bouches du Rhône s’amorcent des intersyndicales régionales pour protéger les manifestations lycéennes. Sud Education a déposé des préavis de grève et appelle les enseignants à la grève « à partir du 10 décembre » et le 14 décembre contre les réformes Blanquer.
François Jarraud