« Une conséquence de la réforme du lycée concernant les sciences de la vie et de la Terre (SVT) est passée relativement inaperçue », nous dit Jérôme Ozouf, professeur de SVT au lycée Marcel Gambier de Lisieux. L’application de la réforme du lycée sur deux années (2de et 1ère) en 2019 va priver une génération d’éducation à la sexualité.
Dans le cadre des sciences de la vie et de la Terre (SVT), l’éducation à la sexualité (mise en place de l’identité sexuée de la fécondation jusqu’à la puberté en passant par le développement embryonnaire et fœtal, physiologie de la procréation intégrant la notion de système hormonal, contraception, méthodes de PMA palliant l’infertilité, IST, liens entre cerveau et plaisir sexuel…) qui faisait jusqu’alors l’objet d’un enseignement quasi identique quelle que soit la filière de la classe de première générale (S, ES ou L) sera transféré en classe de seconde. A l’heure où le premier rapport sexuel en France, selon la plupart des études, semble se situer entre 17 et 18 ans, il n’y a rien de choquant à aborder ces questions un peu plus tôt qu’auparavant.
Malheureusement, tous les élèves n’auront pas droit à cet enseignement en SVT. Le problème réside dans le calendrier de mise en place de la réforme. Dans la mesure où celle-ci sera mise en œuvre dès la rentrée prochaine pour les élèves qui entreront en classe de première, ces derniers, qui auront donc suivi l’ancien programme de seconde dans lequel il n’est nullement question de sexualité (à part peut-être d’un point du vue évolutif…), ne recevront donc aucun enseignement scientifique relatif à celle-ci durant l’intégralité de leur scolarité au lycée (il semble peu probable en effet d’y revenir en classe de terminale).
Voilà qui contredit formellement le code de l’éducation, rappelé par la circulaire n° 2018-111 du 12-9-2018 relative à l’éducation à la sexualité, indiquant, dans l’article L. 312-16 de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 qu’une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles ». Certes, comme le stipule la circulaire, l’éducation à la sexualité ne concerne pas que les SVT. Cependant, le cours de SVT permet de dispenser aux élèves des informations scientifiques approfondies sur le sujet. En priver la totalité des élèves aujourd’hui en classe de seconde paraît donc pour le moins discriminatoire sinon absurde.
Quant au professeur de SVT que doit-il faire ? Anticiper la réforme et modifier dès cette année le programme de seconde par souci de cohérence – quitte à manquer à ses obligations de respect du même programme. Ou doit-il conserver le programme de seconde en vigueur et priver quelques centaines de milliers d’élèves d’un enseignement indispensable ?
Jérôme Ozouf
Professeur de SVT
Lycée Marcel Gambier, Lisieux