Peut-on mettre fin au chômage de longue durée ? C’est ce que propose Véronique Soulé dans « Un emploi, c’est mon droit » (éditions ATD). L’ouvrage présente une expérience lancée par ATD Quart Monde avec les territoires zéro chômeurs. Véronique Soulé est allée à la rencontre de ces « entreprises à but d’emplois » (EBE). Comment peut se développer une économie et des emplois qui reposent sur la solidarité et non le profit ? Est-ce économiquement viable ? L’emploi peut-il vraiment devenir un droit ? Qui peut en bénéficier ?
Vous présentez des expériences de territoires zéro chômeurs. De quoi s’agit-il ?
C’est un projet lancé par ATD Quart Monde et d’autres associations. C’est plus qu’un dispositif car le projet part du bas vers le haut et il est mis au point avec des personnes en situation de pauvreté, à la manière de ce que fat ATD et non l’Etat. Il s’agit d’initiatives qui partent du terrain où tout le monde est mobilisé pour essayer de recréer de l’emploi en utilisant les besoins non couverts pour offrir du travail à des chômeurs de longue durée.
Vous écrivez que « l’argent ne manque pas » à ces « entreprises à but d’emploi ». Elles ne coûtent pas « un pognon de dingue » ?
On sait que la privation d’emploi coûte de l’argent. Il y a celui des allocations de solidarité, du RSA, les manques à gagner fiscal, le coût de la CMU etc. Quand on additionne tout cela on arrive à des sommes très importantes alors que ces personnes veulent travailler et qu’il y a des besoins non satisfaits par l’économie classique car jugés non rentables. L’idée c’est de diriger ces sommes vers la création d’emploi. On paye les salaires avec l’argent dépensé pour compenser le chômage de longue durée.
Cela concerne quel genre d’emplois ?
Le livre présente plusieurs entreprises EBE sur les 10 territoires expérimentaux. De nombreux emplois sont liés à l’économie verte : recyclerie, épicerie solidaire, maraîchage, bucheronnage, etc.
Qui en bénéficie ? Et comment intégrer des chômeurs de longue durée ?
Pour entrer dans une de ces entreprises, il faut être chômeur de longue durée (plus d’un an), vivre sur un des 10 territoires zéro chômeurs de longue durée depuis plus de 6 mois et être volontaire. Au niveau local, on voit ce que vous savez faire et votre envie de faire. Et on essaie de faire coïncider cela avec des emplois à créer. C’est une démarche originale qui porte sur des territoires à taille humaine (5 à 10 000 habitants).
Plus de 600 emplois ont déjà été recréés avec des chômeurs de longue durée (en moyenne 4 ans de chômage). Il s’arrivent dans une structure qui n’est pas une entreprise et ils ne sont pas dans l’obligation de s’adapter à l’entreprise. Par exemple on fête les anniversaires dans ces entreprises !
Le management est humain. Les gens qui entrent dans les EBE travaillent en autonomie, à leur rythme. Ils reprennent ainsi contact avec le travail. Il y a peu de renvois. L’économie se met au service de l’humain.
L’emploi peut-il vraiment devenir un droit ?
Il devrait ! La plupart des gens y aspirent. L’emploi donne du lien social, de la dignité, bien plus qu’un salaire. Evidemment ces EBE ne sont pas la solution unique au chômage de longue durée. Elles emploient 600 ex chômeurs dans des EBE à taille humaine (maximum 100 emplois) alors qu’il y a près de 3 millions de chômeurs. Mais elles peuvent se multiplier. On est aujourd’hui à 10 territoires zéro chômeurs. Près d’une cinquantaine se préparent à le devenir.
On peut aussi essaimer dans les esprits. Si de grosses entreprises voient que de petites entreprises avec ce management réussissent à travailler avec des personnes très éloignées de l’emploi et à les intégrer, ça peut servir d’exemple. L’idée d’un management différent peut se propager.
Propos recueillis par François Jarraud
Véronique Soulé, Un emploi, c’est mon droit, Editions ATD Quart Monde, octobre 2018, 80 p., 3€. ISBN: 979-10-91178-6-17 . Disponible en librairie.