Création de postes dans le premier degré, 800 millions en plus… Pour le ministère l’Education nationale reste « une priorité » et les suppressions de postes voient leurs effets négatifs niés. Pourtant les 2650 postes supprimés dans le second degré vont bien manquer au moment où le nombre d ‘élèves augmente. Pourtant les promesses d’améliorer la situation matérielle des enseignants changent fortement de dimension quand on y regarde de plus près. Et même les 811 millions supplémentaires du budget sont peut-être un mirage… Ce que révèle le budget 2019 c’est que la politique éducative de le France se décide maintenant à Bercy.
1800 postes supprimés en 2019
« On est dans une logique de rompre avec les politiques quantitatives , inflationnistes et uniformes précédentes dont les résultats, au niveau des élèves n’ont pas été au rendez-vous », dit-on dans l’entourage ministériel. « On acte à travers le budget des choix politiques ».
Regardons les emplois, puisque à l’Education nationale ils représentent 90% des dépenses. Dans le premier degré on comptera en 2019 1800 emplois de professeurs supplémentaires. Mais dans le second degré 2650 postes d’enseignants seront supprimés. A cela s’ajoutent une réduction de 550 chez les administratifs. Le ministère annonce 550 suppressions de postes dans le privé. Mais la Loi de finances n’en compte que 214. Selon le calcul ministériel on arrive à 1800 postes supprimés dans le budget 2019.
Des créations de postes insuffisantes dans le premier degré
L’entourage ministériel met en avant les créations de postes dans le premier degré. « Ces 1800 postes ne seront pas exclusivement réservés aux dédoublements des CE1 en éducation prioritaire. Ils serviront aussi pour améliorer l’école rurale, l’instruction obligatoire à partir de 3 ans », affirme sérieusement l’entourage du ministre. Interrogé sur le nombre de postes nécessaires aux dédoublements annoncés pour 2019, le ministère dit ne pas avoir fait le point…
En réalité les dédoublements des CE1 de Rep+ pas encore dédoublés et ceux des Ce1 de Rep vont consommer selon notre évaluation 4100 postes, selon le Snuipp Fsu 4000 postes. Autrement dit, les créations de postes ne permettront pas faire face aux dédoublements. Le ministère devra prélever 2200 ou 2300 postes ailleurs dans le premier degré. Il est probable qu’il prélèvera des moyens parmi les 1496 postes de « maitres plus » encore existants, mettant fin peut-être à une expérimentation pédagogique particulièrement prometteuse. Malgré la baisse démographique annoncée, cela ne suffira pas. En 2018 il avait fermé des classes en maternelle et en zone rurale pour assurer les dédoublements des Rep et Rep+.
Statistiquement la ratio professeurs / élèves devrait effectivement s’améliorer en 2019. Mais l’amélioration dans les Ce1 de l’éducation prioritaire va s’accompagner d’une dégradation ailleurs.
Les postes supprimés dans le second degré compensés par des heures supplémentaires ?
Dans le second degré, l’impact de la suppression de 2650 postes est minoré par le ministère. D’abord la rue de Grenelle annonce un effort exceptionnel en heures supplémentaires annuelles à hauteur de 65M. « La diminution de 2450 moyens d’enseignements (calcul du ministère) sera compensée par l’augmentation du volume des heures supplémentaires », écrit le ministère. « Le développement des heures supplémentaires constituera un levier important d’augmentations individuelles des rémunérations ». Le ministère annonce consacrer 65 millions à ces heures supplémentaires (la suppression de 2650 postes représente 132 millions).
Des améliorations de carrière ?
En réalité ces 65 millions, s’ils existent, sont à situer par rapport aux heures supplémentaires versées par le ministère dans le second degré. En 2016-17, elles représentaient 1253 millions. Les 65 millions ne vont pas radicalement changer le salaire des professeurs du second degré…
De toutes façons les professeurs du second degré n’ont pas à se plaindre. La hausse attendue de 30 000 élèves au collège en 2019 c’est « 6 élèves par collège en moyenne, 1 élève pour 3 ou 4 classes » calcule-t-on rue de Grenelle…..
On relativisera aussi l’annonce par JM Blanquer d’un effort exceptionnel de revalorisation des enseignants débutants. Le ministre a annoncé 1000€ par an pour les premiers échelons. Ce n’est que l’application d’une mesure PPCR décidée par le gouvernement précédent et qui était bloquée depuis l’été 2017.
Car l’application des accords PPCR restent la seule amélioration réelle de la situation des enseignants en 2019 avec la prime versée en Rep+. Celle-ci est la seule mesure à mettre au crédit du gouvernement. Elle représentera 2000€ (sans condition de mérite) en 2019). L’application des accords PPCR, décidés par le gouvernement précédent, coutera 130 millions au gouvernement. La prime devrait couter 160 millions.
Une nouvelle chute brutale des postes mis aux concours
Plus inquiétant pour l’avenir se profile la baisse des recrutements de nouveaux enseignants. En 2019, 1450 emplois de fonctionnaires stagiaires sont annoncés. Mais le ministère annonce 23 360 postes mis aux concours du privé et du public 2019. Or en 2018, selon les chiffres du ministère, 35 636 postes ont été proposés. Si le ministère confirme ses chiffres et leur périmètre, on aurait une chute brutale des recrutements et des postes annoncée pour 2020.
Que signifie la hausse budgétaire de 811 millions ?
Le ministère préfère parler de la hausse du budget de l’Education nationale. En 2019, le budget va s’établir à 51.7 milliards (sans pensions) soit 811 millions supplémentaires. C’est effectivement une somme.
Mais elle est à relativiser avec les augmentations obtenues les années précédentes. En 2017, N Vallaud Belkacem avait obtenu 3 milliards supplémentaires. En 2018, JM Blanquer s’est contenté de 1.3 milliard. On réduit encore de moitié la progression en 2019.
C’est que le budget de l’Education nationale est condamné à augmenter. Et on va voir que les 850 millions supplémentaires ne permettront pas de faire face aux nouvelles dépenses.
Il faut d’abord retirer des 811 millions, 213 millions qui résultent d’un changement de périmètre de l’Education nationale. Le ministère devra payer directement les accompagnateurs des enfants handicapés qu’il emploie, comme l’a annoncé Les Echos.
Le « glissement vieillesse technicité », c’est à dire la hausse automatique des salaires liée à l’ancienneté montante des personnels, représente 350 millions. L’application des mesures PPCR en 2019 va se chiffrer à 130 millions de dépenses en plus. Enfin la prime Rep+ atteindra 2000 € supplémentaires en 2019, soit 160 millions.
Sans dépense imprévue, on a déjà dépassé les 811 millions prévus par la loi de Finances. Ce qui veut dire que pour boucler le budget le ministère devra rogner une quarantaine de millions sur les dépenses prévues.
La politique éducative dictée par Bercy
En apparence « privilégiée » l’Education nationale est en réalité frappée par ce budget. Les conditions d’exercice des enseignants et des élèves vont se dégrader en 2019. Dans le premier degré l’amélioration des conditions de travail dans les Ce1 de l’Education prioritaire sera payée majoritairement par une aggravation de celles des autres enseignants du primaire. Dans le second degré, le discours « gagner plus pour travailler plus » s’avère être un miroir aux alouettes alors que les suppressions de postes arrivent en période de hausse démographique. Pour les professeurs des collèges la situation va se dégrader.
On retiendra aussi de ce budget une politique de rééquilibrage des moyens entre 1er et 2d degré. JM Blanquer transfère des postes du 2d vers le 1er degré alors que les évaluation internationales soulignent qu’on dépense plus que la moyenne OCDE dans le premier et moins dans le second.
Cela pourrait paraitre un choix politique. En réalité le principal enseignement du budget 2019 c’est la soumission de la rue de Grenelle à Bercy. On croyait que JM Blanquer avait les coudées franches avec le premier ministre et ses entrées à l’Elysée. En 2018 il a déjà du accepter un budget d’austérité. En 2019 il accepte des suppressions de postes et une dégradation des conditions d’exercice dans les deux degrés qui vont plomber ses réformes. Alors que ses 3 prédécesseurs faisaient respecter leur budget et leur politique par Bercy , lui a beaucoup cédé. On sait bien que les réformes à venir, lycée et encore plus lycée professionnel, vont se traduire par de nouvelles suppressions de postes. Et on comprend que JM Blanquer n’est que le télégraphiste de la rue de Bercy et qu’il ne siège qu’au 11ème rang protocolaire.
François Jarraud
Le projet de loi de finances : dossier presse