Comment faire face à la disparition programmée de la médecine scolaire ? En faisant du vent chaque automne ? En novembre 2017, Agnès Buzyn , ministre de la Santé, et JM Blanquer avaient déjà publié un communiqué sur le parcours e santé des enfants de 0 à 6 ans et la collaboration entre éducation nationale et Agences régionales de santé. Le 17 septembre, les deux ministres ont ouvert un séminaire sur cette collaboration en l’ouvrant à tous les acteurs, enseignants compris. Un rapport sera remis en mars 2019. En attendant moins de la moitié des enfants passent la visite médicale obligatoire avant 6 ans…
Disparition de la médecine scolaire
La situation catastrophique de la médecine scolaire se lit dans les chiffres fournis par le ministère. En quelques années on est passé de 57 à 47% d’enfants ayant passé la visite obligatoire à 6 ans. Selon un récent rapport de l’Académie de médecine, on compte un millier de médecins scolaires , un nombre en rapide déclin compte tenu de l’âge moyen des médecins (58 ans). On est passé de 1400 à 1000 médecins scolaires depuis 2006.
En principe chaque élève doit avoir une visite de dépistage des troubles éventuels à l’âge d e6 ans. Selon JM Blanquer seulement 47% des élèves en bénéficient, avec des taux allant de 0 à 90% selon les territoires. Dans certains départements il n’y a plus aucun médecin scolaire. C’était le cas de l’Indre par exemple en 2014. Chaque médecin encadre de 2000 à 46 000 élèves. En moyenne, on est arrivé à un médecin scolaire pour 12 000 élèves. Cette situation pénalise en premier lieu les enfants des familles défavorisées qui n’ont souvent pas d’autre accès à la médecine en dehors de la médecine scolaire. Car dans les territoires les plus défavorisés le tissu médical s’est délité.
Les enseignants en charge du diagnostic ?
« IL n’y a pas d’éducation possible si l’enfant n’est pas en bonne santé », a rappelé JM Blanquer le 17 septembre 2018. Les inégalités de santé se voient dès la maternelle . Dès la grande section 21% des enfants d’ouvriers sont en surpoids contre 8% des enfants de cadres par exemple. D’où l’intérêt de la visite obligatoire avant 6 ans qui permet de détecter des problèmes de santé et aussi des troubles des apprentissages. Mais moins de la moitié des enfants bénéficient de cette visite médicale que la loi rend obligatoire.
Dans son discours, JM Blanquer se fixe comme objectif de rendre effective la visite médicale avant 6 ans. Mais comment faire ? Les deux ministres aimeraient y associer tous les intervenants possibles, PMI, médecins de ville et aussi « tous les acteurs de la petite enfance ». « Certians examens peuvent être délégués à une autre personne que le médecin », a expliqué A Buzyn. « On se rend compte que des dépistages peuvent être pratiqués par des professionnels de la petite enfance sans que le médecin soit en 1ère ligne ».
Le dossier sur le parcours de santé insiste sur « le champ de compétences de l’enseignant qui lui permet de déceler des difficultés d’apprentissage » et sur les professionnels de la petite enfance qui « peuvent repérer très tôt des premières difficultés (troubles du développement, du comportement). Des dépistages sont effectués par le médecin traitant ou l’équipe de PMI ».
Tout en reconnaissant que « les 47% qui ont passé la visite avant 6 ans ne sont pas forcément lesplus pauvres » et que « ce sont les plus défavorisés » qui en ont leplus besoin, les deux ministre sont visiblement abandonné l’objectif d’attirer et recruter des médecins scolaires au profit d’un vague parcours. Un rapport réalisé par une députée, Stéphanie Rist et une directrice de PMI, Marie Sophie Barthet, devrait faire des propositions en ce sens en mars 2019.
Quelles solutions ?
L’appel aux professionnels de la PMI, aux médecins libéraux et maintenant aux enseignants, infirmiers, spécialiste de la petite enfance peut-elle remplacer la visite médicale scolaire ? Sur les territoires les plus défavorisés, le taux d’encadrement des médecins libéraux est déjà très faible et celui de la PMI insuffisant. Ainsi , dans le 93, le bilan à 4 ans, assuré en principe par la PMI, n’est plus assuré. Le risque d’un accompagnement à deux vitesses, avec d’un coté des enfants bien suivis et de l’autre les enfants défavorisés sans accompagnement médical est déjà installé.
Les deux ministres ont annoncé la création d’un fichier nuémrique de santé où tous les acteurs pourront inscrire leurs repérages. Il est clair qu’on va faire courir aux enfants le risque de repérages erronés inscrits par des non spécialistes mais qui vont suivre les enfants tout au long de leur enfance. Au final, s’agissant de compétences médicales, personne ne pourra remplacer le médecin scolaire. Et la seule clé est bien là.
Comment en est-on arrivé là ? Les médecins scolaires sont les moins bien payés des médecins de la fonction publique. Le recrutement est donc très insuffisant. Ce sont aussi les plus seuls. Ils n’ont autour d’eux aucun personnel de santé pour les aider. Sans action sur ces deux points on voit mal comment la situation pourrait s’améliorer.
FRançois Jarraud