» Seuls le second degré et les services administratifs seront concernés. Le volume d’enseignement sera évidemment maintenu à travers le recours aux heures supplémentaires ». Jean-Michel Blanquer a choisi Le Figaro, un dimanche soir à 18h23 pour annoncer des suppressions de postes à la rentrée 2019. 1800 postes d’enseignants seront supprimés dans le second degré alors que les effectifs élèves vont fortement augmenter et que déjà 2600 postes ont été rayés en 2018.
Le précédent de 2018
Est-ce vraiment une surprise ? Pas vraiment. D’abord parce que les suppressions de postes sont apparues dès que JM Blanquer a été aux commandes. Rentrée 2018, 2600 postes sont supprimés dans le second degré, compensés par un nombre équivalent dans le premier. En théorie. En principe ce devait être indolore, ces postes correspondant à des postes proposés les années précédentes mais jamais pourvus. En fait, la répartition des postes est allée bien au-delà des disciplines en déficit chronique. Et aux 2600 suppressions annoncées et actées se sont ajoutés tout doucement 342 postes non pourvus dans le second degré et 263 dans le premier degré.
Des suppressions annoncées par le Café en août
Pour la rentrée 2019, le budget de l’éducation nationale présenté en juillet était déjà presque à volume constant c’est à dire qu’il ne correspondait pas à la croissance des dépenses à périmètre constant. Durant l’été, le gouvernement a reconnu que ses prévisions de croissance étaient fausses ce qui a entrainé automatiquement un tour de vis budgétaire.
A partir de là les suppressions de postes étaient obligatoires comme le Café l’a annoncé le 20 aout. Le 26 août, E Philippe annonçait 4500 postes dans la fonction publique d’Etat correspondant en fait à 8000 postes à trouver en dehors de l’Intérieur et la Justice. Comment l’éducation aurait elle pu y échapper ? Le 3 septembre, ça se précisait et le Café pédagogique titrait » Blanquer annonce des temps difficiles pour le second degré ».
Un déficit réel de 3300 postes
Dans Le Figaro du 16 septembre, JM Blanquer donne le chiffre de 1800 suppressions de postes dans le second degré. Il le présente comme une opportunité d’améliorer la rémunération des professeurs des collèges et lycées. En effet ceux ci seront astreints à faire des heures supplémentaires : » En cas de nécessité locale, une seconde heure pourra être imposée par le chef d’établissement comme c’était le cas avant les années 2000″. En réalité c’est plutôt une politique sarkozienne que le ministre appuie : gagner plus en travaillant plus.
Mais qu’en sera-t-il en réalité ? Les prévisions officielles de la Depp (division des études du ministère) prévoient 40 000 élèves en plus dans le second degré à la rentrée 2019 dont 38 000 en collège. Cela représenterait environ 1500 postes à créer. Le déficit réel d’enseignants sera donc de 3300 postes dans le second degré et non de 1800.
En lien avec la réforme du lycée
Face au déficit , le ministre annonce que l’administration pourra exiger deux heures supplémentaires de chaque enseignant. Va-t-il se ruiner en heures supplémentaires pour mettre des enseignants dans les classes ? Probablement pas. Les deux heures représentent sur le papier 40 000 postes et il en faut 10 fois moins. Son seul problème c’est que la hausse des effectifs élèves a lieu principalement au collège. L’application de la réforme du lycée qui tombe pile à la rentrée 2019 en 2de et 1ère devrait libérer un nombre de postes au moins équivalent du fait de la baisse des horaires d’enseignement. L’obligation d’accepter des heures supplémentaires facilitera la résolution des problèmes locaux, par exemple pour les disciplines déficitaires.
Les suppressions de postes sont facilitées par la réforme du lycée. Mais on comprend que le ministre ne s’en vante pas. Au final il y a de la constance dans la politique menée par JM Blanquer. Après avoir rayé des milliers de postes d’enseignants entre 2009 et 2012 comme directeur de l’enseignement scolaire, il marque son retour comme ministre par de nouvelles suppressions d’emplois de professeurs dans un pays pourtant en croissance démographique.
Le Se-Unsa appelle à la transparence
Dans un communiqué publié le 16 au soir, le Se-Unsa demande au ministre de clarifier sa politique. » Alors que des chantiers importants sont ouverts telles la réforme du bac général et technologique ou la transformation de la voie professionnelle. Plus que des paroles, il faut des actes pour garantir que les transformations à venir visent bien des améliorations pour les élèves et les personnels et pas des diminutions de postes. Ces premières récupérations de postes sont de mauvais augure », écrit Stéphane Crochet. » Si tout le monde a bien entendu que l’exécutif entend garder le cap, il est temps qu’il dise pour aller où. Quelle est sa programmation pour l’Éducation nationale des suppressions de postes de fonctionnaires qu’il veut amplifier sur le quinquennat ? Quels sont ses projets pour la structuration du tissu scolaire et de l’offre de formation, notamment en milieu rural ? Qu’a-t-il derrière la tête quand il affirme vouloir rénover la formation initiale ? Que promet-il aux personnels derrière une gestion des ressources humaines rénovée ? »
François Jarraud