« On voit que se dessine un véritable projet éducatif ». Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes, le premier syndicat du second degré, fait le 30 août un état des lieux alarmant de la rentrée de l’Ecole. Programmes « passéistes », réformes opaques, suppressions de postes, salaires bloqués, les décisions de JM Blanquer font système pour le Snes. Et les échéances, que ce soit la réforme du lycée ou celle de la formation des enseignants inquiètent le syndicat. Ca tombe bien : le Snes annonce aussi des adhésions en hausse…
Comment accueillir tous ces élèves ?
Supprimer 2 600 emplois n’est pas sans « impact sur les moyens d’enseignement », affirme le Snes à cette rentrée. » Le ministère prétendait indolore la suppression, au budget 2018, de 2 600 emplois de professeurs stagiaires au prétexte de postes non pourvus aux concours. C’est totalement faux ». F Rolet souligne le fait que le ministère est pris dans une contrainte démographique forte dans le 2d degré. A la rentrée il y aura 26 000 élèves en plus, a calculé le Snes, et 2600 emplois d’enseignants stagiaires en moins dans le second degré. Comment faire face , demande le Snes. D’autant que la hausse est durable et qu’en 2021, dans les seuls collèges, on comptera 110 000 élèves de plus qu’en 2017.
Pour le Snes cette situation crée des tensions dans les établissements même si le ministre sait utiliser les statistiques : le nouveau lycée sera mis en place dans un creux démographique avant une nouvelle hausse. Et le Snes annonce déjà une baisse des moyens en lycée au vu de la réforme. Le syndicat ne voit pas non plus comment l’Education nationale pourrait passer à travers la suppression de 7800 postes annoncée par le premier ministre en 2019.
Un nouveau projet éducatif
« Les mesures prônées par JM Blanquer dessinent un nouveau un nouveau projet éducatif », affirme le Snes. « Le poids des inégalités est minoré, les processus de sélection favorisés ; ainsi de l’absence de prise en main des questions de mixité sociale et scolaire, du projet de réforme du futur lycée structuré en parcours plus ou moins valorisés, de la fermeture de l’accès aux formations du supérieur de leur choix d’une partie des bacheliers, de la promotion de l’apprentissage au détriment des formations sous statut scolaire, de l’appauvrissement des moyens dédiés à l’orientation des élèves. Peut-on toujours parler « d’école de la confiance » quand on change dans la précipitation les programmes du collège et du lycée, quand on considère que tous les personnels en REP+ ne donneraient pas l’investissement maximal et qu’il faut en distinguer certains par une prime d’intéressement ? ». Le Snes critique aussi « la brutalité » des décisions comme la fermeture des académies.
Des programmes « passéistes »
Les nouveaux programmes sont jugés négativement. « La profession n’a pas été consultée », rappelle le Snes. Les modifications sont importantes. Ce ne sont pas de « simples ajustements ». Des repères de progression annuels ont également été écrits pendant l’été par la DGESCO et ne sont pas connus à ce jour. Ils seraient applicables dès la rentrée. Comment les enseignants peuvent-ils s’approprier ces modifications dans un délai aussi court ? Les programmes d’EMC et de français posent des problèmes de fond. Ceux d’EMC remettent en cause la pluralité des pratiques pédagogiques. L’esprit critique semble relégué au second plan au profit de l’apprentissage de valeurs et de règles. Quant au français, l’étude de la langue renvoie à une conception passéiste de la grammaire ».
Le métier confisqué
« On le voit au collège quand on remplit les domaines du socle commun et qu’on nous fixe des objectifs de réussite » explique Valérie Sipahimalani, secrétaire générale adjointe. « Au lycée avec les nouveaux programmes les équipes devront se coordonner de façon très étroites à cause du controle continu. On va être obligé d’adapter notre progression non plus aux progrès des élèves mais au service de la production d’évaluations ». La multiplication des postes à profil, la rémunération au mérite évoquée pour la prime Rep+ sont autant de moyens de mettre les enseignants sous la coupe des chefs d’établissement, estime-t-elle.
Le Snes semble plus hésitant sur la nouvelle évaluation de seconde. Pour Valérie Sipahimalani elle peut être l’occasion d’une prise de conscience par les élèves de leur niveau dans une classe toujours très hétérogène. Pour F Rolet, « elle ne change rien car les enseignants évaluent toujours » et surtout « il n’y a pas de moyens pour faire face à ses résultats ».
La réforme de la formation
Le Snes est d’accord pour une réforme de la formation des enseignants. Mais » il s’oppose catégoriquement à un concours de recrutement placé en troisième année de licence qui ramènerait le second degré près de 60 ans en arrière. Pour le SNES-FSU, le concours de recrutement doit se placer après le master afin de vérifier la maîtrise de la discipline ». Le syndicat critique aussi les pré recrutements Blanquer qui ne sont que des contrats de pré professionnalisation. Il s’oppose à la volonté d emise au pas des Espe et craint des contenus de formation « douteux ».
A quelques mois des élections professionnelles, F Rolet annonce un regain de la syndicalisation avec une hausse de 0.34% des adhésions. Le Snes compte 59 000 adhérents et reste la première organisation du second degré.
François Jarraud