Les « projets d’ajustement et de clarification » des programmes de la scolarité obligatoire ont été publiés fin juin par le Conseil supérieur des programmes. Ils ont ensuite été présentés au Conseil supérieur de l’Education du 12 juillet où ils ont été salués par un geste unique des syndicats : à l’exception du Snalc, de la CGC et du Snpden, tous les autres syndicats ont quitté la séance. Mais pourquoi ?
Un net rejet des syndicats enseignants
Dans un communiqué commun, les syndicats ont dénoncé « la méthode de travail, l’absence de concertation, de consultation comme la politique autoritaire et la vision idéologique de l’école qui entre en contradiction avec l’école de la confiance ou le pragmatisme prôné dans les médias… La communauté éducative réclame que l’école ne soit pas l’affaire de partis pris mais l’objet de débats appuyés sur les travaux de la recherche et la concertation avec ceux qui sont directement concernés ». Une déclaration de principe qui s’explique par la précipitation avec laquelle ils sont mis en place. Mais que contiennent vraiment ces nouveaux programmes et pourquoi cette
En maths
En maths, les changements semblent bien légers. Présentés bien différemment des autres, les programmes pour l’école et le collège en maths semblent copiés – collés des programmes de 2015. En apparence rien n’a changé. Une anomalie que Rémi Brissaud éclaire dans un article donné au Café pédagogique. Si les nouveaux programmes ne changent guère c’est que le changement est ailleurs, dans les « repères pour les mathématiques » que le ministère a aussi publiés déjà pour les CP. Pour R Brissiaud, ce document signe la fin des cycles et alourdit sérieusement les contenus en CP. R Brissiaud souligne « l’alourdissement irresponsable de ce qui est demandé aux élèves de CP », notamment avec une rédaction ambigüe sur les 4 opérations en CP. Roland Charnay , dans un article donné au Café pédagogique, distingue « des orientations générales maintenues, mais influencées par le rapport Villani-Torossian… L’une des inflexions, notamment pour le cycle 2, concerne la référence plus marquée au rôle des manipulations… La part à donner à l’institutionnalisation des connaissances est soulignée ainsi que l’importance à accorder aux traces écrites ».
En français
Les programmes de français suscitent beaucoup plus de réserves. » Au premier regard, pas de bouleversement, des petites modifications par ci, par là… Un mot en moins, un mot en plus. Une structure qui rappelle celle des programmes de 2015. Mais en y regardant de plus près, on remarque que ces petits riens changent beaucoup l’impression générale », note Lilia Ben Hamouda à la lecture des programmes pour l’école.
Viviane Youx, présidente de l’AFEF, est plus critique et mentionne « des programmes de grand père ». » Au cycle 2, l’entrée Lecture et compréhension de l’écrit , malgré un titre conservé, change de manière assez radicale, comme on pouvait s’y attendre après les déclarations du ministre », note-elle dans un article donné au Café pédagogique. « L’injonction de la méthode syllabique entraine une insistance sur encodage et décodage, mais des détails nous laissent perplexes… Peu après, la disparition du « rappel de récit (racontage) » nous inquiète, tant cette activité est essentielle pour la compréhension. De même, dans l’entrée Écriture, la dictée à l’adulte a disparu, alors qu’elle constitue depuis longtemps maintenant une étape essentielle de l’entrée dans l’écriture… Certains énoncés précis sont remplacés par des lieux communs ou des mots-étiquettes appartenant à la tradition. Dans l’ Étude de la langue (grammaire, orthographe, lexique), des suppressions floutent les apprentissages ; pour le vocabulaire, on remplace « identifier les relations entre les mots, entre les mots et leur contexte d’utilisation » et « s’en servir pour mieux comprendre » par « construire le lexique »…comme si cela allait se faire par magie… En ce qui concerne l’écriture, un lecteur peu averti pourrait n’y voir que du feu. Si ce n’est quelques suppressions… Dans l’introduction, au cycle 3, une phrase disparait : « les élèves affirment leur posture d’auteur et sont amenés à réfléchir sur leur intention et sur les différentes stratégies d’écriture. », et cette suppression modifie clairement la conception de l’écriture. Produire des écrits variés en s’appropriant les différentes dimensions de l’activité d’écriture devient Rédiger des écrits variés. Or rédiger et produire des écrits variés ne renvoient pas à la même conception de l’écriture, dans un cas un texte préexistant que le scripteur rédigerait, dans l’autre un processus d’écriture au cours duquel le scripteur élabore et fait des choix. Même si le mot processus est conservé dans le tableau, il n’est pas sûr qu’il soit bien raccroché à la théorie de l’écriture de référence. »
En EMC
Quant aux programmes d’EMC ils ramènent à une conception très traditionnelle de l’instruction civique. L’exemple de la Marseillaise, découpée en tranches d’année en année presque couplet par couplet , montre à quel point la communication politique s’est emparée de ces programmes.
Une réécriture nécessaire ?
Car rien ne justifiait ces réécritures. Les programmes de 2015 sont à peine entrés en vigueur. Aucune évaluation n’en a été faite et aucune critique sérieusement argumentée ne peut être dressée. Cette énième réforme ne s’appuie donc sur rien de sérieux. Le calendrier retenu la rend inapplicable pour cette rentrée. Finalement il semble que le ministère ait voulu détricoter pour le principe. Et aussi communiquer vers les parents en leur donnant à entendre qu’on va enfin vraiment enseigner sérieusement. Là JM Blanquer annonce la dictée quotidienne, l’accent mis sur le calcul, la Marseillaise. Toutes mesures déjà en vigueur depuis plus de 10 ans. La ministre précédente avait utilisé les mêmes arguments lors des programmes de 2015 ! Le problème de cette communication c’est qu’elle entretient la suspicion envers les enseignants, accusés de ne pas travailler en classe. Une stratégie populiste, déjà mise en oeuvre en 2006, et qui finalement nuit en premier chef aux élèves.
François Jarraud
NB
Le Conseil supérieur des programmes a aussi publié de nouveaux programmes en sciences. Mais ils ne sont pas passés devant le CSE. Ils n’ont donc pas été publiés au Bulletin officiel et ne s’appliquent pas à cette rentrée.
Les nouveaux programmes de maths et français au BO