2 août 2018 – 13h – « Nous ne ralentirons pas ». Dans Ouest France et dans un communiqué officiel, le premier ministre confirme l’accélération du rythme des réformes éducatives. Le premier ministre affirme vouloir faire « de profondes transformations, pas de petites économies ». Mais en fait il prolonge le gel salarial et annonce des suppressions de postes dans le second degré, alors que le nombre d’élèves augmente. La prime de Rep+ sera bien donnée en fonction des résultats des élèves. Le mouvement se heurtera à un nombre accru de postes à profil.
Le gel salarial entériné
La principale annonce concerne directement le pouvoir d’achat des enseignants. Le rapport Cap 22 prévoyait la création d’un nouveau corps enseignants, bivalent et avec un temps de travail augmenté. Cette perspective est écartée par le premier ministre. Mais il annonce que » l’agenda social du ministère de l’Education nationale permettra d’aborder la question du développement du pouvoir d’achat des professeurs, via notamment le développement des heures supplémentaires ». Si l’on décrypte bien cette annonce, cela veut dire que le Premier ministre écarte la possibilité d’un dégel du point Fonction publique tout comme la montée en puissance des accords PPCR. Comme sous Sarkozy, c’est par des heures supplémentaires que les enseignants pourront gagner plus. Cela écarte toute évolution dans le premier degré, où il n’y a pas d’heures supplémentaires, et la rend très hypothétique dans le second.
Suppressions de postes en 2019
Car ce qu’annonce aussi E Philippe, c’est « la priorité donnée à l’école primaire dans les évolutions budgétaires ». Comme en 2018, on devrait assister à des suppressions de postes dans le second degré dès 2019. Il faut rappeler que, en 2018 déjà, le budget prévoyait un gel des créations de postes dans le second degré qui est devenu, du fait des postes restés sans candidats, une baisse du nombre de postes. Fin juillet, le gouvernement a été amené à annoncer officiellement l’abandon de la perspective d’un taux de croissance de 2% qui fondait le budget 2019 présenté fin juin à l’Assemblée. Ce qu’annonce en réalité E. Philippe, c’est que les arbitrages définitifs de la loi de finances devraient acter une réduction du nombre de postes dans le second degré.
E. Philippe révèle en fait une baisse du nombre de postes dans le 2d degré au budget 2019. Dans Ouest France, le premier ministre dit que « la démographie y aide « . C’est faux : les prévisions du ministère de l’Education nationale annoncent près de 30 000 élèves en plus en 2018 et près de 40 000 en 2019 pour le second degré. Ce qui va aider ce sont les réformes du lycée général et technologique et du lycée professionnel qui prévoient toutes deux une baisse conséquente du volume d’enseignement et donc du nombre de postes. Le premier ministre se défend de faire des réformes comptables mais la réalité est toute autre.
JM Blanquer va devenir le premier ministre de l’Education national incapable de défendre son budget depuis 2012. Tous ses prédécesseurs depuis cette date ont au moins obtenu le maintien des postes et, dans la grande majorité des cas, des créations de postes. Le grand changement réel se situe là. Sous les mots, « priorité au primaire » c’est la baisse en termes réels du budget de l’Education nationale que met en application JM Blanquer comme il l’avait fait sous Sarkozy en tant que Dgesco.
La prime Rep+ en fonction des résultats des élèves
Le communiqué de Matignon clarifie aussi le devenir de la prime Rep+ qui a été promise par E. Macron avant l’élection présidentielle. Le communiqué confirme l’annonce dans Ouest France du versement étalé de la prime de 3000 € de 2018 à 2020. Mais il la subordonne aux résultats des élèves. « Elle sera composée d’une part fixe et d’une part variable prenant en compte les projets d’établissements et les progrès des élèves. Elle sera progressivement déployée jusqu’en 2020, avec le versement d’une première part de 1000 euros nets dès la rentrée 2018 », annonce Matignon.
L’évaluation des résultats des enseignants
Cette part des résultats des élèves sera rendue possible par la multiplication des évaluations nationales. » Une véritable culture de l’évaluation, transparente et publique, doit se déployer au service de la réussite des élèves et de la qualité de la vie scolaire », affirme Matignon. « La mise en place d’évaluations des acquis des élèves en début de CP, mi-CP, début de CE1, début 6ème et début de 2nde générale, technologique et professionnelle sera effective à la rentrée 2018 ». On peut se demander si on ne retrouve pas là le vieux projet sarkozien d’une évaluation des enseignants par les résultats des élèves fondée sur des évaluations nationales chaque année. JM Blanquer avait été l’instrument de cette politique entre 2010 et 2012. Il est particulièrement inquiétant de lire que le premier ministre veut créer « une instance d’évaluation par voie législative au 1er trimestre 2019 ». Cela semble annoncer la mise à mort du Cnesco dont les travaux et l’indépendance ont été salués ces dernières années.
Multiplier les postes à profil
« Au service des établissements, dans une logique de responsabilisation, le ministère entend développer significativement les postes à profil, de façon à répondre à des besoins spécifiques (professeur particulièrement expérimenté en REP+, conseiller principal d’éducation pour encadrer un projet d’internat,…) ». Cette annonce est dans la droite ligne du rapport Cap 22. Il signifie que le gouvernement s’entête sur la suppression à terme des commissions paritaires. L’idée que des postes à profil permettraient le recrutement en éducation prioritaire , même avec une prime de 3000 € soumise à résultats, reste à démontrer. Darcos puis Chatel, à l’époque où Blanquer était Dgesco, s’y sont essayés en pure perte. La question de l’enseignement prioritaire est d’abord une certaine stabilité des postes et là, la prime de 3000 €, si elle est effective et accompagnée d’autres mesures, pourrait y aider.
La formation vidée des « pédagogistes » ?
Dans son communiqué, Matignon annonce » une formation initiale plus professionnalisante des professeurs en lien avec l’enseignement supérieur. L’excellence scientifique et l’approche concrète seront renforcées… La formation continue sera également renforcée. Cette redéfinition devra permettre le développement professionnel de chaque enseignant sans se faire au détriment des apprentissages des élèves ». Serait ce à dire que les formateurs des Espe seront licenciés et remplacés par des acteurs de terrain et les « excellents scientifiques » discernés par la rue de Grenelle ? Le rapport Cap 22 prévoyait de donner à l’Education nationale la main sur les nominations en Espe. Une mesure qui ne serait pas forcément mauvaise si le ministre en place n’avait pas autant de certitudes en éducation…
Ce que veut dire le report des concours
« Le pré recrutement sera développé. Cette nouvelle conception de la formation initiale conduira à revoir la place du concours mais aussi le cahier des charges et la gouvernance des Ecole supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) », confirme Matignon. Là on est sur une réforme de fond qui vise, à travers le report de la place du concours, à récupérer les emplois de professeurs stagiaires (environ 25 000) et à distinguer concours et accès à l’emploi. C’est le modèle de l’enseignement privé que veut étendre le gouvernement.
La réforme territoriale avancée au 1er janvier 2020
Sans grande surprise, le Premier ministre annonce aussi la mise en place accélérée de la réforme territoriale. » Les recteurs d’académie travaillent dès à présent pour faire émerger, au 1er janvier 2020, 13 académies correspondant aux 13 régions métropolitaines. Cette dynamique est notamment l’occasion d’imaginer une organisation de terrain renouvelée dans laquelle la gestion des ressources humaines de proximité prendra tout son sens ». On retrouve là deux idées chères au gouvernement. Cette réforme va rendre plus arbitraires le mouvement des enseignants mais permettra de supprimer des postes administratifs et d’enseignement par la suppression des limites administratives. Ce sera aussi l’occasion d’un réexamen des politiques éducatives régionales. Rien ne dit qu’il se fera par un alignement « vers le haut » des aides aux familles et aux personnels.
François Jarraud
Sur la réforme de la formation
Blanquer accélère la réforme territoriale