Après la sortie le 17 juillet des réformes du bac et du lycée, le ministère publie le 21 juillet au Journal Officiel les nouveaux programmes de l’école et du collège en français, maths et EMC. Ils seront publiés au Bulletin officiel du 26 juillet. Ces trois programmes entrent en application à la rentrée 2018. La Dgesco devrait publier des repères annuels durant l’été. Les enseignants ont donc moins d’un mois pour revoir totalement leurs cours et leurs projets pédagogiques.
Malgré l’opposition des syndicats
Les « projets d’ajustement et de clarification » des programmes de la scolarité obligatoire ont été publiés fin juin par le Conseil supérieur des programmes. Ils ont ensuite été présentés au Conseil supérieur de l’Education du 12 juillet où ils ont été salués par un geste unique des syndicats : à l’exception du Snalc, de la CGC et du Snpden, tous les autres syndicats ont quitté la séance. Dans un communiqué commun, ils ont dénoncé « la méthode de travail, l’absence de concertation, de consultation comme la politique autoritaire et la vision idéologique de l’école qui entre en contradiction avec l’école de la confiance ou le pragmatisme prôné dans les médias. Depuis un an la distance entre le discours et la manière de procéder de ce ministère constitue un empêchement à une évolution de l’École qui permettrait d’enrayer les inégalités et de faire réussir tous les élèves. La communauté éducative réclame que l’école ne soit pas l’affaire de partis pris mais l’objet de débats appuyés sur les travaux de la recherche et la concertation avec ceux qui sont directement concernés ».
En maths
En maths, les changements semblent bien légers. Présentés bien différemment des autres, les programmes pour l’école et le collège en maths semblent copiés – collés des programmes de 2015. En apparence rien n’a changé. Une anomalie que Rémi Brissaud éclaire dans un article donné au Café pédagogique. Si les nouveaux programmes ne changent guère c’est que le changement est ailleurs, dans les « repères pour les mathématiques » que le ministère a aussi publiés déjà pour les CP. Pour R Brissiaud, ce document signe la fin des cycles et alourdit sérieusement les contenus en CP. R Brissiaud souligne « l’alourdissement irresponsable de ce qui est demandé aux élèves de CP ». Roland Charnay , dans un article donné au Café pédagogique, distingue « des orientations générales maintenues, mais influencées par le rapport Villani-Torossian… L’une des inflexions, notamment pour le cycle 2, concerne la référence plus marquée au rôle des manipulations… La part à donner à l’institutionnalisation des connaissances est soulignée ainsi que l’importance à accorder aux traces écrites ».
En français
Les programmes de français suscitent beaucoup plus de réserves. » Au premier regard, pas de bouleversement, des petites modifications par ci, par là… Un mot en moins, un mot en plus. Une structure qui rappelle celle des programmes de 2015. Mais en y regardant de plus près, on remarque que ces petits riens changent beaucoup l’impression générale », note Lilia Ben Hamouda à la lecture des programmes pour l’école.
Viviane Youx, présidente de l’AFEF, est plus critique et mentionne « des programmes de grand père ». » Au cycle 2, l’entrée Lecture et compréhension de l’écrit , malgré un titre conservé, change de manière assez radicale, comme on pouvait s’y attendre après les déclarations du ministre », note-elle dans un article donné au Café pédagogique. « L’injonction de la méthode syllabique entraine une insistance sur encodage et décodage, mais des détails nous laissent perplexes… Peu après, la disparition du « rappel de récit (racontage) » nous inquiète, tant cette activité est essentielle pour la compréhension. De même, dans l’entrée Écriture, la dictée à l’adulte a disparu, alors qu’elle constitue depuis longtemps maintenant une étape essentielle de l’entrée dans l’écriture… Certains énoncés précis sont remplacés par des lieux communs ou des mots-étiquettes appartenant à la tradition. Dans l’ Étude de la langue (grammaire, orthographe, lexique), des suppressions floutent les apprentissages ; pour le vocabulaire, on remplace « identifier les relations entre les mots, entre les mots et leur contexte d’utilisation » et « s’en servir pour mieux comprendre » par « construire le lexique »…comme si cela allait se faire par magie… En ce qui concerne l’écriture, un lecteur peu averti pourrait n’y voir que du feu. Si ce n’est quelques suppressions… Dans l’introduction, au cycle 3, une phrase disparait : « les élèves affirment leur posture d’auteur et sont amenés à réfléchir sur leur intention et sur les différentes stratégies d’écriture. », et cette suppression modifie clairement la conception de l’écriture. Produire des écrits variés en s’appropriant les différentes dimensions de l’activité d’écriture devient Rédiger des écrits variés. Or rédiger et produire des écrits variés ne renvoient pas à la même conception de l’écriture, dans un cas un texte préexistant que le scripteur rédigerait, dans l’autre un processus d’écriture au cours duquel le scripteur élabore et fait des choix. Même si le mot processus est conservé dans le tableau, il n’est pas sûr qu’il soit bien raccroché à la théorie de l’écriture de référence. »
En EMC
Quant aux programmes d’EMC ils ramènent à une conception presque risible de ce que doit être une instruction civique. L’exemple de la Marseillaise, découpée en tranches d’année en année presque couplet par couplet , montre à quel point la communication politique s’est emparée de ces programmes.
Une démarche populiste
Car rien ne justifie un tel recentrage. Les programmes de 2015 sont à peine entrés en vigueur. Aucune évaluation n’en a été faite et aucune critique sérieusement argumentée ne peut être dressée. Cette énième réforme ne s’appuie donc sur rien de sérieux. Le calendrier retenu la rend inapplicable pour cette rentrée. Il ne reste de toute cette agitation que des motifs de basse politique. Détricoter là aussi ce qui s’est fait avant pour le principe . Communiquer vers les parents en leur donnant à entendre qu’on va enfin vraiment enseigner sérieusement. C’est à dire entretenir la suspicion envers les enseignants. Une stratégie populiste déjà mise en oeuvre en 2006 par de Robien et son directeur adjoint de cabinet de l’époque, un certain Blanquer.
François Jarraud
L Ben Hamouda sur les programmes de français
Nouveaux programmes : Notre dossier
Les textes seront publiés au BO du 26 juillet