17 juillet 12h – C’est toute la réforme du bac et l’essentiel de celle du lycée qui sont publiés au Journal officiel du 17 juillet. Un décret et pas moins de 7 arrêtés définissent les horaires des classes du lycée à partir de la rentrée 2019 et l’organisation du bac à compter des épreuves anticipées de 2020. Ces réformes, repoussées en CSE, portent la marque de la hâte avec laquelle elles sont mises en place : beaucoup de bricolage, une baisse sensible des horaires et des postes, un bac rendu plus complexe. Trois caractères dominent : la fin du bac national, les suppressions de postes et la concurrence relancée entre établissements.
La réforme du lycée en seconde
Un arrêté publie les volumes horaires des enseignements en série générale et un autre ceux de la série technologique.
En seconde (sauf seconde hôtellerie qui a un horaire à part), les modifications entrent en application à la rentrée 2019. Les enseignements comportent un tronc commun composé de français (4h), histoire-géo (3h), deux langues (5h30), SES (1h30), maths (4h), physique-chimie (3h), SVT (1h30), EPS (2h), EMC 18h/an) et « sciences numériques et technologie » (1h30). L’accompagnement personnalisé n’est pas défini, l’accompagnement à l’orientation représente 54h / an. S’ajoutent deux options : une enseignement général (LCA, 3ème langue, arts, EPS etc. (3h chaque) et un en enseignement technologique (management, santé social, biotechnos, sciences laboratoire, sciences de l’ingénieur etc. (en général 1h30). Cet horaire tient compte de la domination des SES en seconde pour les introduire , sur une base minimale, dans le tronc commun. Le ministère a maintenu un choix d’options qui pèseront pour l’orientation. On remarque aussi l’entrée d’un enseignement d’informatique sans qu’on sache trop qui l’enseignera. Enfin une évaluation nationale de tous les élèves est annoncée pour la rentrée en seconde.
En première et terminale
En série générale et pour le cycle terminal (première et terminale) les enseignements comportent un tronc commun comprenant français (4h en 1ère), histoire-géo (3h), deux langues (4h30), eps (2h), « enseignement scientifique » (2h) et EMC (18h par an). En terminale la philosophie se substitue au français et l’horaire de langues passe à 4h.
S’ajoutent des enseignements de spécialité, 3 au choix en 1ère et 2 en terminale. En première le choix se fait entre arts, biologie écologie, histoire géo géopolitique sciences po, humanités littérature philo, littératures étrangères, LCA, maths, numérique sciences info, physique chimie, SVT, sciences de l’ingénieur et SES chacun pour 4 heures. S’ajoutent l’accompagnement personnalisé (volume horaire non déterminé) et l’accompagnement à l’orientation (54h annuelles). Les élèves peuvent aussi choisir une option. En terminale il reste deux enseignements de spécialité (au lieu de 3) , chacun à 6 heures. Les enseignements optionnels sont plus nombreux et comprennent par exemple « droit et grands enjuex du monde contemporain » et deux enseignement de maths. Mais l’élève ne peut toujours choisir qu’un seul enseignement optionnel. Surtout on remarque la disparition des maths du tronc commun au profit d’un enseignement scientifique bien flou.
Interrogé par le Café pédagogique, le ministre nous avait dit que « la réforme n’est pas faite pour des raisons économiques ». Il avait annoncé une réforme sans réduction de moyens. Mais ces nouvelles grilles horaires disent le contraire.
En séries technologiques
Le ministère maintient l’existence des séries en lycée technologique mais leur applique la logique de la réforme du lycée général. Un arrêté fixe la liste des enseignements de spécialité par série. Il fixe aussi un volume horaire de 36 h/an pour un enseignement technologique en langue 1. Une enveloppe spécifique est prévue pour ces séries : » Le volume de cette enveloppe horaire est calculé en divisant par vingt-neuf le nombre d’élèves dont l’inscription est prévue dans l’établissement à la rentrée scolaire suivante dans les classes de première et de terminale de chaque série, puis en multipliant le résultat obtenu par : huit pour la série STMG ; dix pour la série ST2S ; quatorze pour les séries STD2A, STHR, STI2D et STL, et, enfin, en arrondissant le résultat ainsi obtenu à l’entier supérieur ».
Des suppressions de postes à venir
En seconde générale et technologique, le futur horaire prévoit 26 heures de cours hebdomadaires alors qu’actuellement une classe de seconde nécessite 28h30. Le différentiel représente environ 2700 postes. On s’interroge sur ce qui reste de l’accompagnement personnalisé (2 h actuellement). En effet il n’a plus d’horaire dédié sauf 54 h annuelles « d’éducation au choix de l’orientation » largement ouvertes aux interventions régionales.
En première on passe à 28h alors que l’horaire actuel est plutôt de 30 heures. Là aussi on a un gain sensible de postes. Les trois filières du bac général disparaissent en première comme en terminale ce qui rend le calcul horaire plus difficile. Un enseignement scientifique est créé avec 2 heures hebdomadaires ce qui est nettement inférieur aux horaires de maths actuels. Certes il y a dans les spécialités un enseignement de maths (4h) et un autre de « numérique et sciences informatiques » (4 h aussi) mais cela ne compense pas la réduction de l’enseignement obligatoire ?
Enfin la disparition des séries a un effet d’aubaine. Les élèves sont mélangés pour les enseignements du tronc commun, là où aujourd’hui il faut prévoir des classes différentes selon les séries. Cela optimise le remplissage des classes…
Mais le principal changement c’est que » les recteurs fixent la carte de ces enseignements en veillant à l’équilibre et à leur bonne répartition dans le cadre géographique le plus adapté au territoire, après avis des instances consultatives concernées ». Concrètement cela veut dire qu’il n’y a pas d’offre minimum d’enseignements comme cela avait été annoncé et que l’offre scolaire va fortement varier selon les lycées. Selon une logique bureaucratique bien établie, l’offre maximum ira là où les services rectoraux sont certains de la « rentabiliser ». Autrement dit on peut prévoir qu’elle sera plus riche dans les lycées de centre ville. Le ministère fait ainsi le choix d’aggraver la concurrence entre établissements et les différences entre eux.
C’est cette nouvelle organisation qui rend délicat le calcul des postes dans le nouveau lycée. Une évaluation du Café ne prenant en compte que les réductions d’horaires (sans les effets de structure) évaluait la réduction à 7000 postes. Le SNES va plus loin. « On a commencé à calculer l’impact de la réforme et on arrive à 7 à 10% d’heures de cours en moins et donc des suppressions de postes », nous a dit Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes en mai 2018. « Même si le ministère tend à minimiser , il ne récuse plus ce fait ». Cela représenterait de 12 à 17 000 postes, un volume tout à fait significatif. Ce qui est sur c’est que le nouveau système va donner beaucoup plus de souplesse de gestion au ministère qui pourra de fait supprimer des postes sans que cela soit décelable par les parents.
Où sont passés le « grand oral » et l’orientation ?
Le ministère a largement communiqué sur la nécessité de renforcer l’orientation au lycée et de mettre en place un enseignement de l’expression orale. C’est au nom de cette priorité qu’il supprime les TPE, un enseignement qui prépare directement aux études supérieures.
Largement mis en avant pour faire passer la réforme, le « grand oral » ne dispose finalement d’aucun horaire. Il est précisé que » les élèves réalisent pendant le cycle terminal un travail de projet individuel ou collectif adossé à un ou aux deux enseignements de spécialité suivis, dans la perspective de l’épreuve orale terminale ». Autrement dit la préparation à la recherche et à expression orale, qui existe dans les TPE, disparait. La préparation orale va entrer en concurrence avec les enseignements disciplinaires des enseignements de spécialité.
Quant à l’orientation elle ne dispose que de 54h annuelles qui seront probablement prises en charge par la région (les textes le permettent) dans le cadre de la « semaine de l’orientation ». On est très loin d’un enseignement de l’orientation.
Aussi on peut dire que sur ces deux points phares de la réforme il y a au final tromperie.
Un bac faussement allégé
On nous avait promis un bac plus simple avec moins d’épreuves et qui garderait son caractère national. La réalité est toute autre. La réforme construit un bac général et technologique comprenant pas moins de 28 épreuves (!) avec un bachotage étalé sur deux années au lieu d’une. Il reste dans la logique des moyennes avec des coefficients permettant de rattraper dans une matière ce qu’on a loupé dans une autre.
Le nouveau bac comprend en effet pas moins de 18 épreuves de contrôle continu qui comptent pour 40% du total des points du bac. Mais attention ! Compliquons encore un peu les choses ! Ces 40% se décomposent en « des notes obtenues aux épreuves communes de contrôle continu, pour une part de trente pour cent (30 %) ; la prise en compte, pour une part de dix pour cent (10 %), de l’évaluation chiffrée annuelle des résultats de l’élève au cours du cycle terminal, attribuée par les professeurs et renseignée dans le livret scolaire ».
Ces épreuves du controle continu ont lieu en première (2 épreuves dans chaque discipline concernée) et en terminale (1 épreuve). Elles portent sur « Histoire-géographie ; Langue vivante A ; Langue vivante B ; Enseignement scientifique ; Education physique et sportive et l’enseignement de spécialité choisi par le candidat ne donnant pas lieu à une épreuve terminale ». Cela fait donc déjà 18 épreuves sur deux ans. En fait les candidats seront évalués pour le bac dès le second trimestre de première. Finie donc la longue préparation aux épreuves du bac qui se construisaient en 2 ou 3 ans avec une acquisition lente des méthodes propres à chaque discipline. Très probablement les épreuves vont se recadrer dur des connaissances brutes aux dépens des compétences qui ne pourront plus être construites.
S’ajoutent les épreuves anticipées de première : français écrit et oral (coeff 10). S’ajoutent encore les épreuves terminales : philosophie (coeff 8, épreuve orale de 20 minutes en lien avec la spécialité (10) et épreuve de spécialité (16).
Si les épreuves finales sont allégées, il faut bien dire que le nouveau bac comporte davantage d’épreuves et étalées sur deux longues années de bachotage effréné aux dépens des acquisitions de compétences.
Un bac qui n’est plus national
Il est rendu encore plus complexe par les faux semblants concernant le maintien d’un caractère national du bac. C’est un des enjeux majeurs. Car maintenir un niveau national n’est aps seulement nécessaire pour maintenir la valeur du diplôme. C’est aussi un levier pur amener les établissements défavorisés à ne pas trop « adapter » leurs enseignements et donc réduire l’écart entre les établissements (qui est déjà très grand !).
Le ministère a prévu des dispositifs qui semblent aller dans le sens du maintien du caractère national. Les sujets des épreuves au contrôle continu doivent être choisis dans une banque de sujets numérique nationale, ce qui va dans le sens d’un diplôme national. Il y a une commission d’harmonisation. Les épreuves sont corrigées sous couvert de l’anonymat et les examinateurs ne peuvent pas corriger leurs élèves de l’année en cours.
Mais au final » l’organisation des épreuves communes de contrôle continu relève de chaque établissement scolaire, qui en détermine les modalités d’organisation ». Ce sont des enseignants de l’établissement, éventuellement connaissant les élèves, qui corrigeront les épreuves. Faute de vraies épreuves nationales, les logiques de différenciation entre établissements vont pouvoir jouer à plein. Encore a-t-on finalement échappé à un article qui donnait au seul chef d’établissement la responsabilité d’arrêter les notes…
Au final le trait dominant de ces réformes est donc bien le choix d’augmenter les écarts entre établissements. Avec un système comme Parcoursup qui prend en compte largement l’origine scolaire des futurs bacheliers, avec une carte scolaire qui sera nettement plus inégalitaire, la réforme va aggraver rapidement les écarts entre établissements. Or, on le sait, ceux ci sont aussi sociaux. En supprimant les références nationales, le ministre de l’éducation nationale fait le choix d’une nouvelle Ecole encore plus inégalitaire que celle d’aujourd’hui.
François Jarraud