« Ce n’est pas parce qu’elle est associée à l’Etat par contrat que l’Ecole catholique doit être ouverte à tous, c’est bien plus fondamentalement parce qu’elle est catholique », écrit Pascal Balmand en ouverture d’un hors série d’ECA Actualité dédié à la mixité sociale dans l’enseignement catholique.
Une ségrégation bien installée
Ce numéro peut surprendre. En effet la ségrégation sociale est bien installée dans les établissements catholiques, comme le montre par exemple Pierre Merle dans un article du Café pédagogique de 2016. » Les données statistiques ministérielles montrent que le recrutement social des collèges publics et privés est sensiblement différencié à deux titres. D’une part, les élèves d’origine populaire sont deux fois plus présents dans les collèges publics que privés (41% versus 19,5%) ; d’autre part, la proportion d’élèves d’origine aisée est nettement plus forte dans les collèges privés que publics (35,8% versus 19,3%), écrit-il. « D’autre part, de 2002 à 2012, le recrutement social des collèges publics et privés se caractérise par un mouvement de dualisation sociale des deux secteurs. Sur les années 2002-2012, le recrutement social du secteur public est resté stable alors que le secteur privé a connu un mouvement de déprolétarisation (24% des élèves sont d’origine populaire en 2002, seulement 20% en 2012). Sur la même période, le secteur privé s’embourgeoise : la part des enfants des catégories aisées passe de 30 à 36% de 2002 à 2012 ».
Pierre Merle conclue en parlant de » ghettoïsation par le haut des collèges privés ». « Les collèges dont le recrutement social est le plus bourgeois se sont embourgeoisés. Cette ghettoïsation par le haut des établissements privés est plus forte que la ghettoïsation par le bas des collèges publics ».
Un engagement réel
Pour autant ce numéro hors série prend le problème à bras le corps. Sylvie Da Costa, chercheure en sciences de l’éducation missionnée par le Secrétariat général de l’enseignement catholique sur cette question, ne cache rien de la disparité entre public et privé et souligne la contradiction en terme de valeurs que cette situation engendre dans les établissements.
Agnès Van Zanten fait le point sur la question. Elle montre que « plus que les origines sociales c’est l’impact des origines ethniques et raciales » qui est prise en compte par les parents. « La partie la plus conservatrice des familles des classes supérieures exclut d’emblée la mixité sociale au nom d’une différence culturelle infranchissable ». Elle rappelle aussi que « l’anxiété des parents n’est pas totalement irrationnelle. La mixité sociale et scolaire constitue une richesse pour tous à condition qu’elle soit réfléchie, régulée et étayée. Il faut donner les moyens aux acteurs de gérer cette hétérogénéité ».
Elle imagine une politique coordonnée avec l’Etat sur le plan local , en line avec l’attribution de moyens, pour permettre une distribution équilibrée des élèves entre les établissements.
La revue montre ce que conduit déjà l’enseignement catholique. Depuis 2014, sous l’impulsion de P Balmand, un « plan en faveur de la réussite éducative et des mixités » a déjà fléché 1300 emplois sur cette question. Depuis 2017, le dispositif EMER dote de 50 emplois des établissements accueillant des élèves relevant de l’éducation prioritaire. L’enseignement catholique établit à 104 établissements (sur 3096) la part des établissements relevant de ce plan. La revue montre 4 exemples de ces établissements et présente leur politique. Par exemple la cité scolaire de La Madone à Paris 18ème accompagne des élèves d’origine populaire vers la réussite scolaire. L’établissement met l’accent sur l’accompagnement avec un pole orientation psychologie santé important.
Ce que montre ce numéro c’est que l’engagement du secrétaire général Pascal Balmand sur cette question est bien réel et qu’il est suivi dans quelques établissements. Il montre aussi que la route sera longue. Et qu’elle sera d’autant plus longue que le secrétaire général de l’enseignement catholique va dorénavant la faire seul. Peut-être sans un très grand soutien à l’intérieur de sa structure. Et aussi, dorénavant, sans celui du ministère de l’éducation nationale.