Carole est une jeune professeure des écoles de 32 ans. Sa première rentrée de titulaire, elle l’a effectuée dans une école maternelle de Stains en 2010, « le genre de poste où tu pleures quand tu arrives – trop éloigné de mon domicile – mais où tu pleures encore plus quand tu t’en vas. Cela va faire deux ans et je n’ai toujours pas coupé le cordon … Chaque occasion est bonne à prendre pour retrouver collègues et anciens élèves … J’y étais, d’ailleurs, lors de trois évènements festifs ces dernières semaines et toujours avec la même émotion ». Depuis la dernière rentrée, elle enseigne à Montreuil, en maternelle. Aujourd’hui, c’est son dernier jour d’école. Elle dresse le bilan.
La salle des maîtres, sas de décompression
Depuis son départ de sa première école d’affectation, Carole a enseigné dans deux maternelles différentes. « L’ambiance dans une école, c’est très important pour moi. Je dois pouvoir discuter avec les collègues de ce qui est compliqué dans la classe, mais aussi de ces petites choses qui me remplissent de joie. Un élève qui me sourit la première fois alors qu’il pleurait depuis le premier jour de l’année, par exemple. La salle des maîtres est un lieu où je dois pouvoir me lâcher, rire, pleurer aussi. Un lieu où on se soutient collectivement. C’est primordial. Quand tu enseignes, tu rentres un peu dans « l’intimité » des familles – avec ce que nous disent les élèves, ou parfois les parents mais aussi dans de petites choses que tu constates qui t’éclairent sur les conditions de vie des enfants que tu accueilles. Il faut, donc, pouvoir décompresser en salle des maîtres ». Cette salle des maîtres, sas de décompression, Carole ne l’a pas trouvée dans l’école où elle a enseigné à la rentrée 2016, alors elle n’a pas hésité à en changer. « Cette année j’étais toujours en maternelle mais à Montreuil en REP. Une année marquée par de nombreux doutes, de remises en question, à me demander si ce métier est vraiment fait pour moi. Une année avec des PS/MS sans ATSEM, des élèves parfois difficiles à canaliser. Mais une année où j’ai pu échanger avec les collègues, partager les difficultés. Je me suis plutôt sentie soutenue. Alors je reste ».
Le roi des câlins…
Le dernier jour de classe en primaire plane une ambiance particulière dans toutes les écoles. Une ambiance électrique où se mêle joie, stress – on n’arrivera jamais à tout finir ! – et émotions en pagaille. C’est le point culminant de la polyvalence de l’enseignant. Il doit rester le professeur, responsable de ses élèves. Le déménageur qui finit de ranger tous ses cartons. L’animateur qui doit trouver de quoi occuper les élèves, alors que tout le matériel doit être lavé et rangé avant le départ. Le professeur de la prochaine rentrée scolaire, qui anticipe déjà sur ce qu’il doit faire pour accueillir ses élèves le 3 septembre. Et surtout il devient le roi des câlins, il doit dire au revoir à ses élèves. Et de loin, c’est la partie la plus compliquée de cette journée. Carole la partage avec nous.
« C’est vendredi soir, il est 18h, j’ai scotché mon dernier carton et je viens de fermer ma classe pour de bon. Cette dernière période de dix semaines, je l’ai vécue comme un marathon : fête d’école à préparer, commandes, la coopérative à boucler, structure pour l’année prochaine, répartition des élèves, carnets de progrès à remplir, et pour clôturer tout cela un déménagement de salle de classe par 30 degrés ! Faire les cartons au milieu des élèves… Heureusement, dans ces moments- là, on peut compter sur la solidarité de l’équipe : échanges de service de récréation, invitation dans la classe d’une collègue pour jouer et partager un dernier goûter avec les enfants, ma classe étant devenue impraticable !
L’heure des adieux
Puis vient l’heure des adieux … Je pensais avec les années m’être endurcie. Eh bien non. J’ai toujours cette même émotion lors du câlin collectif, quand je souhaite à mes élèves de bonnes vacances, que je les remercie pour l’année que l’on vient de passer ensemble. Ce que je préfère et qui me remotive dans ce métier qui je dois l’avouer me fait énormément douter par moments, c’est de voir cette complicité, cet attachement et cette confiance réciproque qui se sont installés petit à petit avec chaque enfant. Voir l’étincelle dans leurs yeux lorsqu’ils constatent eux-mêmes leurs progrès, comme ils ont grandi, et voir certains enfants dont les familles sont parfois très éloignées du milieu scolaire, devenir élèves. Constater également la cohésion qui s’est construite dans la classe, les amitiés qui se sont créés et renforcées tout au long de l’année. Autant d’éléments qui me font réaliser que l’année n’était peut-être pas plus dure que les autres et c’est à cet instant que je me sens reboostée prête à affronter une nouvelle rentrée. Il est difficile de dire au revoir aux enfants mais aussi aux enseignants : deux collègues qui nous quittent cette année avec qui des liens forts se sont tissés notamment en cette fin d’année où l’on commence à se détendre. Des liens qui permettent de tenir toute l’année même lors de moments compliqués ».
Déjà la rentrée en préparation…
« Il va falloir quelques jours pour se sentir pleinement en vacances et décompresser après une année bien remplie et riche en émotions. Décompresser et se reposer pour mieux repartir en septembre … Nous réfléchissons déjà avec l’équipe sur le thème général sur lequel nous allons tous travailler. Pour ma part j’ai prévu de mettre l’accent sur les sciences que j’ai un peu délaissées cette année. Et je suis déjà en train de réfléchir à l’aménagement de ma future salle, afin que mes élèves se sentent au mieux dans leur nouvelle classe dès les premiers jours de septembre. Mais place aux vacances maintenant … »
Carole, comme des milliers d’enseignements, est prof à temps complet, bien plus que les vingt-sept heures affichées, même pendant les grandes vacances. On réfléchit, on anticipe, on cherche de nouvelles idées. Le besoin de se renouveler pour susciter la curiosité et l’envie des élèves mais aussi pour garder toujours autant de plaisir à exercer. Mais il faut savoir s’arrêter un peu, se reposer, lézarder… Alors comme l’a si bien dit Carole, place aux vacances maintenant…
Lilia Ben Hamouda