Comment faire vivre les sciences au lycée ? Par l’astronomie pour l’éducation. Nicolas Esseiva, enseignant de SVT au lycée Xavier Marmier de Pontarlier (25), partage la passion de l’astronomie avec ses élèves. Au point de réaliser, avec Pierre-Marie Laloy enseignant en SI et Etienne Chatelain professeur en charpente menuiserie au lycée Toussaint Louverture, la création d’un vrai observatoire astronomique ouvert aux lycéens. A partir de l’atelier d’astronomie mené au lycée et en lien avec un club astronomie local, le projet prend forme depuis 2013. Des observations via internet seront possibles. « En 2020, un comité se mettra en place ; il comprendra des élèves et des adultes et recevra les demandes d’utilisation du télescope par des classes réparties sur le territoire national ». Entretien avec Nicolas Esseiva qui déjà en 1986 avait pu discrètement sortir des chambres d’internat pour aller observer la comète de Halley…
Comment est né ce projet ?
Ce projet est né en 2013/2014 lorsque le club astronomique adulte a acheté un miroir de télescope avec pour objectif de construire un instrument. Enseignant au lycée Xavier Marmier j’en ai parlé à mon collègue (et ami) Pierre Marie Laloy. Son collègue Etienne Chatelain s’est lancé dans l’aventure (le télescope sera en grande partie en bois) tandis que Pierre Marie Laloy avec ses élèves de SI travaillait sur la motorisation du télescope. La construction d’un télescope constituait pour ses élèves un défi à relever pédagogiquement intéressant. En parallèle, animant un atelier astronomie au lycée Xavier Marmier, mon petit groupe d’élève a travaillé sur l’optique d’un télescope de type Newton. Nous disposons, en effet dans notre lycée, grâce à la dotation Astro, d’un Dobson (un télescope de Dobson est un télescope de Newton monté sur une monture azimutale simplifiée). Ce qui est une aide importante pour la conception du Dobson construit par les élèves. En 2015 le Dobson était achevé.
Dans quel but cet observatoire ?
A peine le projet terminé, nous avons décidé d’aller plus loin en motorisant le télescope (encore un défi pour les SI) et en construisant un abri dédié. Or, Pierre Marie travaillant au lycée Pro, une section charpente menuiserie s’est emparée du problème et a mené à bien le projet puisque l’inauguration du bâtiment a été réalisée en 2018. Ce bâtiment s’ouvre automatiquement via une commande activable par Internet. Il nécessite des compétences de bâtisseurs mais également des compétences développées en SI (au lycée général) puisque toute la partie pilotage et interface web est en cours de développement par les élèves.
A terme (2020) le bâtiment et son télescope seront mis à disposition de la communauté éducative pour l’utilisation du télescope en vue de participer à un projet de science participative. Le télescope est en effet muni d’une camera suffisamment sensible pour mesurer des déplacements d’astéroïdes et donc participer à l’élaboration de leurs trajectoires.
Ce projet a été baptisé LAPE pour L’astronomie pour l’éducation.
Comment les lycéens s’impliquent-ils dans le projet ? Comment l’avez-vous financé ?
Les équipes d’enseignants du lycée Toussaint Louverture et Xavier Marmier, les élèves des sections charpentes menuiseries, de terminale et première SI et de l’atelier astronomie ont tous apporté leur contribution.
Bien entendu, rien ne serait possible sans argent (budget total de 20 000euros). Quelques subventions locales (mairie de Pontarlier), un apport principalement régional, une participation collaborative, des partenariats avec les entreprises locales ont finalement permis d’obtenir la quasi-totalité du financement. Notre projet est soutenu et reconnu par le rectorat.
Quelles seront les finalités pédagogies de l’observatoire ?
A court terme, la construction de l’observatoire, la robotisation du télescope et du bâtiment, la prise en compte des données météo (l’observatoire est à 1100m d’altitude), l’interface web sont autant de défis pour les élèves des 2 lycées et cela, depuis 4 ans maintenant.
A long terme, on pourra faire de l’observation par Internet. Lorsque tout sera opérationnel en 2020 un comité se mettra en place. Il comprendra des élèves et des adultes. Ce comité recevra les demandes d’utilisation du télescope par des classes réparties sur le territoire national. Après examen et validation de ces demandes, 2 responsables (un élève un adulte) seront chargés de permettre l’observation à distance. En effet, même si tout est pilotable par internet avec des sécurités, il faudra former par avance les groupes qui demandent l’observation et ainsi leur permettre de mener à bien leur projet.
On pourra aussi faire de l’observation sur place. Le bâtiment dispose d’un local informatique qui permet, si on le souhaite de travailler sur place. Or, notre observatoire est à proximité immédiate d’un gite habilité à recevoir des classes. On peut donc facilement monter une mission avec des élèves sur places. D’autre part, cet observatoire est construit sur le site de l’observatoire de La perdrix qui dispose d’autres télescopes qui permettent une observation visuelle du ciel.
Bien entendu, en plus des objectifs de connaissances dont je viens de parler, d’autres compétences toutes autant essentielles sont développées lors de ce projet : travail collaboratif entre 2 publics de lycéens qui ne se connaissent pas, responsabilisation, etc.
Que faites-vous lors des séances du club astronomie ? Comment s’organise ce club ?
L’atelier astronomie se déroule après les heures de cours chaque semaine pendant 1H30. Selon les groupes on réalise des maquettes, des recherches diverses sur tel ou tel thème. Par exemple, l’année dernière un élève a apporté un « caillou » et nous avons cherché à savoir s’il s’agissait d’une météorite. L’aventure s’est terminée dans le laboratoire d’analyse géologique de Nancy (avec une réponse négative).
Cette année, nous nous sommes inscrits au programme Mars insight et avons pendant quelques semaines, travaillé sur des enregistrements sismiques virtuels de la planète Mars (enregistrements qui servent à étalonner la vraie mission insight). Nous avions pour objectif de repérer des séismes sur un mois d’enregistrement martien. Nos résultats ont été en accord avec ceux des chercheurs. Nous en avons profité pour parler plus précisément de cette planète (rétrogradation, relief caractéristique…)
Quels sont les projets menés dans le cadre d’astronomie à l’école ?
Astronomie à l’école nous permet d’avoir du matériel à disposition. Malheureusement, cette année a été calamiteuse du point de vue météo. Nous avons cependant pu utiliser une fois un télescope piloté à distance (Iris) afin de faire une mesure de luminosité sur une étoile variable.
L’année prochaine, nous allons travailler avec 2 objectifs. D’abord le projet LAPE. Les élèves vont apprendre à utiliser le télescope Lape et vont avoir pour objectif de rédiger une notice pour leurs camarades qui demanderont son utilisation plus tard. Par chance, un astronome de Besançon (M. Meyer) est à même de nous aider sur le sujet.
Ensuite le projet LXM. Il y a 4 ans, les élèves de l’atelier ont, par hasard, découvert 2 nouvelles étoiles variables. Leurs données ont été validées par l’observatoire de Genève. Depuis, personnes ne les a réobservées alors qu’il serait utile de le faire pour affiner leurs caractéristiques. Le matériel astronomie à l’école sera donc utilisé pour refaire des mesures sur ces 2 étoiles. Nous utiliserons à cette occasion le télescope télépiloté Iris.
Comment est née votre passion pour l’astronomie ?
Petit, tout ce qui touche à l’observation de la nature m’attire. Je me souviens partir avec une modeste paire de jumelle et m’assoir dans un buisson pour attendre et observer les oiseaux. A l’âge de 10 ans, ma famille m’a offert un télescope qui m’a donné le goût de la découverte du ciel. J’ai lu beaucoup d’ouvrages sur le sujet. Au lycée, en 1986, la fameuse comète de Halley passe. On a pu discrètement sortir des chambres d’internat (avec un surveillant) pour aller suivre le reportage en direct à la TV.
Mais c’est vraiment en arrivant sur la région de Pontarlier en 1991, lors de la découverte de l’observatoire de La perdrix que j’ai pu me mettre sérieusement à l’astronomie. A partir de là, je n’ai plus rien lâché. Et actuellement je me suis construit 2 petits observatoires à la maison.
Entretien par Julien Cabioch