» Service socio-éducatif qui s’ancre dans l’espace parapolitique de la protection sociale, et non dans les structures plus durables de l’État providence, la colonie d’aujourd’hui est victime des coupes budgétaires juste au moment où elle doit faire face à des frais de fonctionnement qui ne cessent d’augmenter. Si son ancrage dans la sphère associative assure à la colonie l’énergie et le zèle des jeunes militants de l’éducation populaire, il est aussi un facteur de faiblesse économique qui rend l’institution extrêmement fragile. Quand 3 millions de jeunes ne peuvent pas partir en vacances, n’est-il pas urgent de trouver un moyen de renouer avec la mission fondatrice des colos ? » En marge des débats sur le service national universel, le site Jean Jaurès publie une intéressante analyse historique des colonies de vacances depuis la naissance du mouvement à aujourd’hui signée par Laura Lee Downs.
» Que reste-t-il aujourd’hui de cette mission de mixité sociale à une époque où la République est passée de la « fracture sociale » des années 1990 à la franche « sécession des riches » qui s’affirme aujourd’hui dans plusieurs domaines de la vie sociale ? Pour répondre à cette question, il faut revenir brièvement sur l’histoire des colonies », explique t-elle. Elle rappelle le role des mouvements d’éducation populaire, porteuses d’une vision de la société mise en application dans les colonie sde vacances.
» Après quarante ans de basculement progressif dans une logique de marché, nous sommes aujourd’hui devant une institution qui s’appelle « colo » mais n’a plus rien à voir avec la colo des années 1950-1980″, souligne t-elle. « Cette dernière plaçait au cœur de son projet la mixité sociale, des sexes et des groupes d’âge à travers des activités « généralistes », comme la randonnée, qui rassemblaient la petite communauté tout en lui laissant beaucoup de temps libre. Son organisation favorisait donc la rencontre : entre enfants, adolescents et adultes ; entre urbains et ruraux ; entre filles et garçons ; entre croyants et laïcs ; entre habitants des banlieues et ceux des centre-villes. La colonie de vacances actuelle, en revanche, sépare les publics, en raison d’une organisation centrée sur la consommation d’activités, ce qui segmente les jeunes selon leurs préférences (poney, VTT, séjour linguistique). En outre, les politiques publiques renforcent la séparation des publics dans la mesure où elles ciblent les populations selon des critères sociaux et culturels. Pensons à ces municipalités de banlieue qui créent des séjours ou activités rap, hip-hop ou graff à des fins de prévention de la délinquance. De fait, ces séjours visent une population très ciblée – les jeunes garçons des cités – et excluent les autres, notamment les filles ».
Pour elle, la colonie « ne remplit plus sa mission initiale qui est de procurer des vacances aux enfants « les plus malingres et les plus pauvres », c’est-à-dire aux enfants de ceux qu’on appellerait aujourd’hui les « working poor ». Or, c’est précisément cette population qui en France est écartée dans l’organisation actuelle des vacances dites populaires, puisque les enfants des classes moyennes supérieures ou aisées comme ceux sous la tutelle de la DASS[34] ont toujours accès aux colonies. Les familles qui se trouvent entre ces deux pôles, en revanche, ne peuvent plus envoyer leurs enfants dans des colonies de plus en plus chères ».