Trois membres du Conseil supérieur des programmes, rédacteur en chef d’Alternatives économiques, Denis Paget, professeur de lettres modernes et chargé de recherches à l’institut de recherche de la FSU et Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart-Monde, prennent position dans une lettre ouverte contre les propos de la présidente du CSP, Souâd Ayada publiés dans Le Point.
Dans cet entretien, S Ayada prend position contre les programmes rédigés en 2015 par son propre Conseil, accusant par exemple les programmes de brader la grammaire. » C’est irresponsable de dire aux élèves qu’ils peuvent négocier l’orthographe, la grammaire… Je ne souscris pas à l’idée que l’élève construit ses savoirs », dit-elle. « Je ne comprends pas le choix, dans les programmes actuels, de n’enseigner le passé simple qu’aux troisièmes personnes… On interdit ainsi l’accès à des pièces maîtresses de notre littérature ».
Les trois membres du CSP dénoncent la critique portée par la présidente sur son propre Conseil. « Aucun programme n’est jamais parfait et il est bien entendu normal de les faire évoluer au regard de la pratique et des difficultés rencontrées sur le terrain. Nous avons activement et positivement participé à ce processus, mais celui-ci n’implique pas nécessairement de dénigrer le travail du Conseil supérieur des programmes au cours de la législature précédente », écrivent-ils.
Ils reprennent S Ayada sur des points précis. « Laisser entendre qu’avec les programmes de 2015 on aurait renoncé à faire apprendre la grammaire scolaire est inexact et déplacé », disen-ils. « Quant à l’affirmation selon laquelle on aurait alors remplacé le complément d’objet direct (COD) par le prédicat, quoique souvent répétée depuis 2015, elle est fausse également dans la mesure où cette notion, classique chez les grammairiens et utilisée dans les autres pays francophones, comprend bien sûr tous les compléments essentiels du verbe que les programmes de 2015 n’avaient pas effacés pour autant ».
Mais c’est surtout sur le programme d’EMC qu’ils reprennent S Ayada. « Les programmes d’enseignement moral et civique ont quant à eux été totalement revus. Cette refonte a excédé largement le mandat confié par le ministre au CSP et a été réalisée dans des conditions très insatisfaisantes. Son résultat a profondément divisé le CSP. Ce nouveau programme remplace celui de 2014 qui avait été longuement mûri et n’avait pas fait l’objet de critiques particulières. La présidente du CSP en retient surtout la demande de faire apprendre pendant trois ans aux enfants le premier couplet de la Marseillaise. Cette insistance traduit bien une profonde incompréhension de ce que peut et doit être la formation civique et morale de nos enfants au XXIème siècle et l’indigence de ce nouveau projet de programme ».
En conclusion, les trois membres du CSP s’opposent à la manipulation des programmes par le politique. « Dépassionner et dépolitiser les débats sur les programmes en confiant leur élaboration à une instance pluraliste et indépendante, c’était la volonté du législateur lorsqu’il a créé le Conseil supérieur des programmes (CSP). Il importe à nos yeux que chacun au sein de ce Conseil, et particulièrement bien entendu celles et ceux qui le dirigent, contribuent à dégager les consensus les plus larges possibles sur ces questions plutôt que de chercher à cliver la communauté éducative et l’opinion ».
Après la démission de M Lussault, ex président du CSP, et la « démission » d’office de S Plane, vice présidente, les propos de S Ayada et la lettre des 3 membres du CSP montrent la profonde division du CSP initiée par la nomination de S Ayada. On a rarement vu une institution aussi divisée alors qu’elle n’a qu’un rôle technique et qu’elle réunit élus et spécialistes pour construire un consensus national sur les programmes. La question du maintien du CSP ou de sa présidente est posée.
François Jarraud