Il y a ceux qui s’attaquent au statut de la fonction publique. Et il y a ceux qui s’obstinent sur celui des seuls enseignants. Au Sénat, le 30 mai, sous couvert de suivre l’évolution des contractuels, enseignants et non enseignants, la Commission des Finances du Sénat, dominée par Gérard Longuet (LR), et la Cour des comptes ont lancé des banderilles sur le statut des enseignants. Ils ont ainsi amené le ministère à évoquer ses actions pour modifier les obligations de service et ses pratiques pour la gestion des contractuels. L’autre sujet c’était le devenir des élèves handicapés dont l’évolution est jugée préoccupante.
La suite de rapports remettant en cause le statut des enseignants
« Le mode de gestion des personnels (de l’Education nationale) pousse à l’extension continue des contractuels. C’est une tendance lourde pour accroitre leur nombre car il n’y a pas d’assouplissement de la gestion des enseignants ». Présenté par Sophie Moati, présidente de chambre à la Cour des comptes, ce nouveau rapport se situe dans la suite des trois récents rapports de la Cour sur le statut des enseignants.
En décembre 2017 la Cour des comptes a recommandé une réforme de l’organisation territoriale de l’éducation nationale ce qui modifierait l’affectation des enseignants. En février 2018 elle préconise des évaluations informatisées annuelles permettant une évaluation des enseignants. Mais le principal rapport date d’octobre 2017. La Cour demande l’annualisation des services, une méthode de gestion qui permettrait à la fois de régler la question des remplacements sans bourse délier mais aussi d’augmenter de facto le temps de travail gratuitement. La Cour a aussi plaidé pour la bivalence dans le second degré et pour une réforme de l’affectation pour la localiser davantage.
Gérard Longuet, sénateur LR, n’est pas en reste. Il poursuit avec obstination le statut des enseignants. En 2016 il avait recommandé une très nette augmentation du temps de travail des enseignants en lien avec l’annualisation, en exigeant qu’ils fassent de 300 à 500 heures annuelles gratuites de plus.
Le poids financier des contractuels découvert par la Cour
Aussi, ce 30 mai, la séance de la Commission des finances du Sénat s’annonce bien. Saisie par la Commission des finances du Sénat, la Cour des comptes a enquêté sur la gestion des contractuels de l’Education nationale. Et il est vrai que ses travaux, présentés par la présidente Sophie Moati, apportent de vraies révélations.
S Moati montre d’abord que l’impact financier réel des contractuels de l’éducation nationale est camouflée dans le budget présenté au Parlement. L’Education nationale réussit le tour de force de laisser dans l’ombre 203 000 agents (contre 182 000 en 2014) pesant 3.7 milliards. Une grande partie des contractuels (85 000) relèvent d’autres programmes gouvernementaux que l’éducation et il faut piocher dans la base des données de paye pour reconstituer leur coût, ce que la Cour a réussi à faire. Là dessus la Cour des comptes demande qu’on modifie les critères d’affectation budgétaire pour faire apparaitre la partie cachée de l’iceberg.
Revoir les obligations de service des enseignants
Seconde révélation : le volume des contractuels augmente rapidement et de façon non maitrisée par l’Education nationale. Du coté des enseignants, la progression du nombre de contractuels résulte de la perte d’attractivité du métier d’enseignant. Par exemple dans le premier degré on est passé de 1300 en 2014 à 2420 contractuels enseignants en 2016-17. Le ministère est obligé d’affecter les remplaçants sur des postes et embauche des contractuels pour les remplacements. Pour la Cour des comptes, il faut revoir les obligations de service des enseignants pour les contraindre à effectuer les remplacements. Elle dénonce la « rigidité » du système en place. On rejoint là des préconisations déjà faites par la Cour.
Deuxième piste de la hausse du nombre de contractuels : la « rigidification » de leur statut. L’éducation nationale pour fidéliser son vivier de contractuels les gère de plus en plus comme les fonctionnaires avec leur CDIsation. Une situation qui détourne les contractuels des concours enseignants et contribue à la perte d’attractivité du métier enseignant. La boucle est bouclée…
Dépersonnaliser la gestion des accompagnateurs
Troisième piste d’augmentation du nombre de contractuels, l’école inclusive et les accompagnateurs d’élèves handicapés. « La tendance est à l’extension du périmètre du handicap », explique S Moati. Elle relève de fortes différences entre les MDPH dans l’attribution des accompagnateurs (AESH).
G Longuet et le statut des enseignants
Rapporteur des crédits de l’enseignement pour la Commission des finances du Sénat, Gérard Longuet en conclut que c’est « le cadre de gestion des titulaires, qu’il s’agisse de leurs obligations réglementaires de service définies sur une base hebdomadaire, comme des règles de remplacement, (qui) est à l’origine de rigidités nécessitant d’avoir recours aux heures supplémentaires ou aux contractuels ». Il demande de » modifier le décret de 2014 relatif aux obligations réglementaires de service des enseignants du second degré afin d’en annualiser le temps de travail ».
En ce qui concerne les contractuels non enseignants il estime qu’il y a « un nombre de prescriptions d’aides individuelles particulièrement élevé ». Il demande à « renforcer le rôle de l’éducation nationale en matière de prescription d’aides individuelles en milieu scolaire, le cas échéant via la mise en place d’une procédure d’avis conforme, afin d’éviter d’éventuels excès ». Les familles d’élèves handicapés apprécieront…
10 000 enseignants pré-recrutés
Edouard Geffray, le nouveau DRH du ministère, a fait le point sur les politiques en oeuvre dans l’éducation nationale avec Philippe Thurat, sous directeur en charge du budget à la Dgesco, et Daniel Filâtre, recteur de Versailles. Ainsi sont éclairées plusieurs politiques ministérielles sur l’attractivité du métier d’enseignant, la gestion de proximité des personnels, le statut des enseignants, le recrutement des contractuels et l’attribution des accompagnateurs.
E Geffray a annoncé la « massification » du prérecrutement des enseignants à travers un nouveau contrat des AED. Le sujet a déjà été évoqué par le ministre. Mais E Geffray donne des chiffres. « On a ouvert ce chantier. On va passer de 1500 personnes sur trois ans à 10 000. Cela palliera les besoins notamment pour les disciplines sous tension ». Les assistants d’éducation seraient peu à peu introduits en classe dans le cadre d’une formation en alternance au métier d’enseignant. JM BLanquer avait introduit l’idée au Sénat en juin 2017. » « On va faire évoluer le statut des assistants d’éducation qui sont une richesse pour l’éducation nationale. Ils seront le nouveau vivier de professeurs » et être assistant « sera un atout pour devenir professeur », avait-il déclaré.
La modification des ORS
Le ministère a relancé en 2017 le décret de 2005 qui impose aux enseignants du second degré de faire des remplacements dans leur établissement. Sur ce point E Geffray a guère été prolixe. Cette relance en réalité avait été lancée sous N Vallaud Belkacem. Mais ses effets sur le terrain semblent indétectables… Dans le premier degré, N Vallaud Belkacem avait élargi le territoire des TZR en l’élargissant au département.
Quand le rectorat recrute des profs d’espagnol en Espagne…
La gestion des contractuels sera revue. D’une part E Geffray annonce leur stabilisation dans leur académie en cas de réussite au concours, une mesure qui devrait les inciter à préparer les concours. D’autre part il confirme la mise en place d’une « gestion de proximité » des enseignants sans toucher au statut. Le ministère redéploie des moyens humains en RH au plus près des territoires de gestion.
Daniel Filâtre a pu illustrer cette politique en montrant comment l’académie de Versailles cherche sans cesse de nouveaux viviers de contractuels. L’idée c’est d’éviter les offres d’emploi faites par les établissements. Le rectorat travaille avec Pôle Emploi pour sécuriser les viviers en définissant les postes pour chaque bassin d’emploi. Une mission « sourcing reporting » est à l’oeuvre au rectorat pour définir d e nouveaux viviers. Ainsi l’académie de Versailles est allée en Espagne, pays où la natalité baisse, recruter des contractuels pour enseigner l’espagnol. Enfin elle accompagne les nouveaux contractuels avec la mise en place d’u protocole de découverte du métier, puis de découverte de l’établissement et enfin un contrat fidélisant les contractuels.
Comment on va réduire le nombre d’AESH
Philippe Thurat a apporté des éclairages sur les efforts du ministère pour stabiliser le recrutement des AESH. Aujourd’hui il leur échappe puisque l’affectation d’un accompagnateur est décidée par les MDPH sur rapport des personnels de santé. Le ministère veut reprendre la main. Un rapport non publié de l’IGAENR envisage une procédure d’accord préalable de l’administration de l’éducation nationale à l’avis de la MDPH. Le ministère veut aussi revoir la gestion des accompagnateurs en passant d’un gestion basée sur les élèves à une gestion par établissement. Chaque établissement aurait un volume d’emplois qu’il affecterait selon les besoins. L’objectif étant de limiter les affectations personnelles des AESH au profit d’affectation collective.
François Jarraud
Le rapport de la Cour des comptes sur les contractuels
Des précédents :
La Cour des comptes veut un recadrage du métier enseignants
La Cour des comptes demande l’annualisation
La Cour des compte set l’évaluation annuelle
La Cour des comptes et l’organisation territoriale
Le rapport Longuet programme la baisse du salaire des enseignants
G Longuet et la réduction des vacances