Rapport Villani ou pas ? Les deux projets de notes de service sur l’enseignement des maths que le Café pédagogique s’est procuré sont prudentes sur le fond mais extraordinairement dirigistes sur la forme. Destinées aux professeurs des écoles et du collège et signées par JM Blanquer lui-même, elles concernent l’enseignement du calcul d’une part et la résolution de problèmes de l’autre. Evidemment on pourra s’étonner de cette séparation, comme si l’un n’avait pas à voir avec l’autre. JM Blanquer se réfère au rapport Villani. Mais en fait les notes sont beaucoup plus prudentes que le rapport par exemple sur l’apprentissage des 4 opérations au CP. Par contre elles vont très loin dans les instructions données aux enseignants , leur disant par exemple comment il faut se déplacer en classe et regarder le travail des élèves. De telles injonctions et un tel contenu interrogent : ces notes relèvent-elles davantage de la propagande politique sur le dos des enseignants que d’instructions pédagogiques ?
Des notes prudentes
Faisant référence au rapport Villani, on pouvait s’attendre à ce que ces notes en appliquent les recommandations. Or il n’en est rien. Il semble que les critiques portées sur le rapport, comme celles publiées par R Brissiaud dans le Café pédagogique , aient été entendues.
Par exemple sur l’apprentissage des 4 opérations au CP , la note sur le calcul précise que « l’apprentissage des 4 opérations repose d’abord sur la compréhension du sens de ces opérations. L’apprentissage du symbole mathématique et à fortiori celui d’un algorithme peuvent arriver dans un 2ème ou 3ème temps ».
La note demande aussi 15 minutes de calcul mental par jour à l’école , une instruction qui existe depuis 2002…
La note précise les étapes pour apprendre les 4 opérations. Par exemple pour la division tout un paragraphe est consacré aux étapes dans la découverte de l’algorithme.
Des textes qui multiplient les injonctions sur le comportement des enseignants
Ce coté injonctif va encore plus loin dans la note consacrée à la résolution de problèmes. Toute une partie de la note concerne « la mise en oeuvre dans la classe ». « Lors des temps de recherche individuelle ou par groupe, l’enseignant doit veiller à circuler dans les rangs pour consulter les productions de chacun des élèves », lit-on par exemple comme si les professeurs restaient paresseusement scotchés à leur bureau (sans parler que les « rangs » n’existent plus partout !).
Mais ce n’est pas tout , la note dit aussi aux enseignants ce qu’ils doivent faire quand ils circulent dans les rangs : »encourager leur mise en recherche; relancer le travail…; inviter des élèves à utiliser les ressources à leur disposition », etc.
La note accumule ainsi les prescriptions de détail comme si le ministre descendait dans la classe pour dire au professeur comment se tenir.
Un texte politique et non opérationnel
Au final, on a un texte bizarre. Très prudent sur les conceptions mathématiques et assez éloigné du rapport Villani dont il se recommande. Les notes séparent artificiellement calcul et résolution de problèmes. La note sur le calcul évoque « un sens de chaque opération comme si chacune n’en avait qu’un. Aucune des deux notes ne partent des difficultés rencontrées par les enseignants telles qu’on les connait. Elles ne leur apporte aucune réflexion didactique. Ce texte prudent est tout sauf scientifique. Mais il est expert en caporalisme en ce qui concerne les postures enseignantes. Sur ce terrain là toutes les bornes sont franchies.
Aussi on peut se demander pour qui ont été écrits ces textes. Comme si ces textes étaient surtout destinés à donner l’impression que le ministre domine ce sujet et agit. Comme si la communication politique l’emportait sur la formation des enseignants.
François Jarraud