Les 27 et 28 mars, Emmanuel Macron ouvre, avec JM Blanquer, les « Assises de la maternelle ». En fait d’Assises, c’est plutôt d’une grande messe qu’il s’agit, comme sait si bien les réaliser le ministère de l’Education nationale. Le matin neuropsychologie et neurosciences officient. L’après midi c’est neurosciences et neuropsychologie. L’événement, organisé par le neuro-psychiatre Boris Cyrulnik, va évangéliser 400 invités, essentiellement des cadres de l’Education nationale, chargés ensuite de pontifier dans les écoles. Durant ces deux jours défileront médecins et psys. Une seule enseignante est invitée et on ne verra une vraie école maternelle que dans une vidéo. L’essentiel est ailleurs. E Macron, selon Le Figaro, pourrait annoncer la scolarité obligatoire dès 3 ans, un âge où déjà 97,6 % des enfants sont scolarisés. JM Blanquer clôturera mercredi les Assises. Il pourrait annoncer des modifications importantes notamment pour la scolarisation des moins de trois ans.
La maternelle, école du langage
En présentant les Assises le 6 janvier, JM Blanquer lui a fixé des objectifs. « Ce rendez vous devra nous permettre de penser l’école maternelle de demain pour en faire véritablement l’école de l’épanouissement et du langage », dit-il. Pour le ministre ces assises sont l’occasion de « mettre en avant les meilleures pratiques pédagogique et éducatives… pour s’en inspirer ». Il veut faire de la maternelle « un bain de langage, le moyen d’acquérir un vocabulaire riche ». Et c’est bien un élément du programme des 27 et 28 mars.
Mais, comme toute grande messe, les Assises ont été précédées d’annonces. Depuis le début de l’année, des rapports préparatoires sont sortis sur la maternelle, préparant l’opinion aux décisions à venir.
La maternelle mise en doute
Le travail d’Arthur Heim, publié par France Stratégie en janvier 2018, est le premier rapport qui jette le doute sur la maternelle. A vrai dire, son étude est très prudente dans sa conclusion compte tenu d’un appareil technique extrêmement complexe. » Au final, les résultats présentés ici, s’ils ne réussissent pas à asseoir le bien-fondé de la préscolarisation précoce, ne doivent pas pour autant conduire à le remettre en cause », écrit A Heim. « Mais ils doivent alerter sur la nécessité de penser les conditions d’accueil des tout-petits à l’école maternelle pour que l’expérience scolaire profite à ces derniers, et, plus globalement, de s’assurer que toutes les politiques d’accueil et d’éducation des jeunes enfants dans notre pays soient guidées par l’objectif du développement des enfants ».
Quelques semaines plus tard, France Stratégie, un service du premier ministre, publie un second rapport qui pousse plus loin. « Notre école maternelle se caractérise par une forte et constante focalisation sur la préparation aux apprentissages formels de l’école élémentaire, que l’on ne retrouve pas avec une telle ampleur chez nos voisins. Une inflexion récente et des textes officiels qui appellent à prendre en compte le développement de l’enfant dans toutes ses dimensions, sensorielle, motrice, cognitive, sociale et affective, n’ont pas effacé cette « primarisation » de la maternelle… Enfin, le modèle français, dual, avec une forte césure entre l’accueil des 0-3 ans et la préscolarisation à partir de cet âge, apparaît désormais de plus en plus isolé face au développement en Europe des systèmes « intégrés » d’accueil du jeune enfant, qui traitent comme un bloc la période allant de la première année à l’âge de la scolarité obligatoire », écrit France Stratégie. Cette fois ci ce n’est plus l’efficacité de l’école maternelle qui est mise en doute mais sa capacité à développer harmonieusement les enfants les plus petits.
Vers une nouvelle structure pour les moins de 3 ans ?
Et FRance Stratégie d’introduire l’idée d’une nouvelle structure. » Comment tirer parti de ces constats pour dessiner l’avenir de l’école maternelle française ? À court terme, il serait pertinent d’expérimenter un renforcement de l’encadrement des élèves, en le hissant à la moyenne de l’OCDE. Il conviendrait aussi d’améliorer la spécialisation des enseignants et la qualification des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), et de mieux accompagner les innovations pédagogiques initiées par les enseignants. À plus long terme, l’évolution vers un système intégré, regroupant progressivement dans un dispositif commun l’école maternelle et les modes actuels d’accueil des enfants de moins de 3 ans est à envisager ».
La balle est reprise au bond par la députée LREM Anne Christine Lang : « Le débat est ouvert sur la dimension éducative de la crèche et de l’école maternelle », dit-elle le 7 février à l’Assemblée. « La spécificité de l’enfant de 2 à 3 ans, attestées par les sciences cognitives, ne justifie-t-elle pas une structure particulière avant la maternelle ? »
Et Jean Michel Blanquer conclue le même jour. » Il y a une interrogation depuis l’étude de France Stratégie qui introduit un doute sur la scolarisation dès 2 ans… Ce doute que je peux avoir par l’observation de la réalité va me conduire à une vision pragmatique… Il est probable que la crèche soit plus pertinente que la scolarisation à 2 ans » dit le ministre. Il fait le tableau d’un fusée à trois étages : la crèche de 0 à 3 ans, l’école maternelle à partir de 3 ans et les cp et ce1 dédoublés. Reste à faire décoller la fusée et ça pourrait bien être le rôle des Assises.
Le précédent de 2008
Ce n’est pas la première offensive contre les petites sections de l’école maternelle. En 2008 deux rapports , de M Tabarot et de M Papon, ont vanté le « jardin d’éveil » en lieu et place de l’école maternelle. Ces deux rapports sont sortis opportunément au moment où le ministre décidait la chute brutale de la scolarisation à 2 ans passée de 30 à 20% entre 2000 et 2008.
Dix ans plus tard, JM Blanquer n’arrive à assurer les dédoublements promis qu’en fermant des classes rurales et en puisant dans les maitres + et , encore, les maternelles. Il doit prévoir les derniers dédoublements de 2019 et il est peu probable qu’il bénéficie de créations de postes. De toutes façons les postes mis aux concours en 2018 préfigurent la baisse du nombre de postes. Dans cette situation, orienter les moins de 2 ans vers une nouvelle structure permettrait de récupérer environ 3700 postes. En plus cette structure pourrait être payante..
De 2008 à 2012, les effectifs des tout petits scolarisés sont passés de 123 000 à 91 000 enfants. Depuis 2012 ils sont remontés à 97 000. C’est tout cet effort entrepris depuis 2012 qui serait remis en question.
Dédoubler les maternelles ?
Mais restons au conditionnel. Car Jean Michel Blanquer n’a pas été avare d’opinions sur la maternelle. Dans son dernier livre, L’école de demain, il lui consacre un chapitre. « L a scolarisation à l’école maternelle est un moment décisif » pour l’enfant, écrivait-il. « L’école maternelle, telle qu’elle est organisée aujourd’hui, ne permet pas suffisamment aux enseignants de se consacrer aux élèves qui en ont le plus besoin et les objectifs qui lui sont assignés , trop nombreux, conduisent à une dispersion contre productive des enseignements ». Le futur ministre voudrait de la détection précoce , de la « stimulation cognitive », de l’immersion langagière. Mais il écrit aussi : « il doit être possible pour un pays comme le notre de diviser par deux la taille des classes de maternelle en Rep+ puis en Rep… Il faudrait créer environ 3500 postes supplémentaires d’enseignants. Le cout budgétaire serait de 120 millions par an ». Chiche ?
François Jarraud
La scolarisation des moins de 3 ans dans le collimateur
L’étude de France stratégie de mars