« Les flux migratoires modifient en profondeur la composition des salles de classe. D’après les analyses des données PISA, en 2015, dans les pays de l’OCDE et de l’UE, près d’un élève âgé de 15 ans sur quatre était né à l’étranger ou avait au moins un de ses parents né à l’étranger », affirme l’OCDE dans un nouveau rapport basé sur PISA. Le rapport évalue les capacités de résilience des élèves des différents systèmes éducatifs c’est à dire « la capacité des élèves issus de l’immigration à disposer de facultés d’adaptation suffisantes dans différentes dimensions du bien-être ». Pour la France, le rapport pointe surtout la difficulté de l’Ecole à remédier aux inégalités socio-économiques et l’écart entre les aspirations éducatives des jeunes et leur réalisation. Autrement dit la déception.
Moins de bien être pour les jeunes issus de l’immigration
L’OCDE dévoile quelques particularités des élèves issus de l’immigration. » Les faibles performances académiques se retrouvent chez la plupart des élèves issus de l’immigration mais plus particulièrement chez les élèves immigrés de la première génération. Jusqu’à 51 % des élèves immigrés de la première génération n’ont pas réussi à atteindre le seuil de compétence en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences en 2015, contre 28 % des élèves qui ne sont pas issus de l’immigration. Il existe également des différences dans la plupart des autres dimensions du bien-être : 41 % des élèves immigrés de la première génération ont mentionné un faible sentiment d’appartenance contre 33 % des élèves non issus de l’immigration ; 31 % des élèves immigrés de la première génération se sont déclarés peu satisfaits dans la vie contre 28 % des élèves non issus de l’immigration ; et 67 % des élèves immigrés de la première génération se sont déclarés angoissés au sujet du travail scolaire contre 61 % des élèves non issus de l’immigration », écrit l’OCDE.
« Les élèves issus de l’immigration sont également légèrement moins susceptibles que les élèves autochtones d’éprouver un sentiment d’appartenance à l’école fort (en moyenne dans les pays de l’OCDE, les élèves issus de l’immigration ont 1.25 fois plus de risque d’éprouver un sentiment d’appartenance à l’école faible que les élèves autochtones). Ils sont moins susceptibles de se sentir satisfaits dans la vie (1.24 fois moins, en moyenne) et de ressentir une anxiété liée au travail scolaire limitée (1.13 fois moins, en moyenne). En revanche, les élèves issus de l’immigration sont plus susceptibles que les élèves autochtones de faire part d’une motivation plus forte à l’idée de réussir. En moyenne dans les pays de l’OCDE, par rapport aux élèves autochtones, les élèves issus de l’immigration ont 11 % de risque en moins d’exprimer une faible motivation à l’idée de réussir. »
L’OCDE note aussi au passage, sans le développer suffisamment, que le devenir des jeunes en fonction de leur origine géographique varie fortement d’un pays à l’autre. » Par exemple, les élèves immigrés de la première génération originaires d’Afrique du Sud installés en Australie sont plus susceptibles, de près de 50 points de pourcentage, d’être scolairement résilients que ceux installés en Nouvelle-Zélande. Les élèves immigrés de la première génération venus de la Fédération de Russie et installés en Lettonie sont plus susceptibles, à hauteur de 45 points de pourcentage, d’être socialement résilients que ceux installés en République tchèque ».
Les particularités françaises
Particularité de la France, si le pays compte un peu plus de jeunes issus de l’immigration (26% contre 23% dans l’OCDE), ce pourcentage a diminué depuis 2006 (-0.5%) alors qu’il a très généralement augmenté (+6% dans l’OCDE, +7% dans l’UE). De ce fait la part des jeunes issus de la première génération est plus faible en France qu’ailleurs (17% contre 20% OCDE) et celle de la seconde génération plus forte (33 contre 25%).
Seconde particularité de la France, elle fait moins bien réussir les jeunes issus de l’immigration que la moyenne de l’OCDE. On compte 50% de résilients contre 55% dans l’OCDE et chez la première génération l’écart est de 39% contre 49%. L’écart entre le pourcentage de jeunes atteignant un niveau de compétence de base entre immigrants et natifs est de 36 points en France contre 24 dans l’OCDE et 22 dans l’UE.
Le sentiment d’appartenance à son école y est le plus bas des pays de l’OCDE, après la République dominicaine, ce qui ne favorise pas l’intégration. Mais l’écart entre immigrants et natifs n’est aps très fort sur ce point. Autre particularité, le climat de discipline est parmi les plus mauvais (après la Tunisie) mais là aussi l’écart entre natifs et immigrants n’est pas très fort.
Pour autant les jeunes issus de l’immigration ont une vision positive de leur pays d’accueil en France. L’OCDE montre qu’ils ont un niveau de confiance dans les institutions un peu supérieur à celui des natifs avec une exception qui concerne la police.
Le poids des inégalités sociales
La grande différence entre la France et les autres pays c’est que les inégalités sociales pèsent d’un tel poids sur l’Ecole qu’elles plombent le destin des jeunes issus de l’immigration. Ainsi l’index de statut socio économique pèse double en France dans la réussite académique par rapport à la moyenne de l’OCDE (-0.55 contre -0.3 OCDE -0.26 pour l’UE). » Les différences de statut socio-économique expliquent environ un cinquième de l’écart entre la probabilité d’atteindre le seuil de compétence scolaire des élèves issus de l’immigration et celle des élèves autochtones, en moyenne dans les pays de l’OCDE et de l’UE. Dans la Ciudad Autónoma de Buenos Aires (Argentine) (ci-après « CABA [Argentine] »), au Costa Rica, en Croatie, en France, en Grèce, à Hong Kong (Chine), au Luxembourg et aux Pays-Bas, le statut socio‑économique explique une part importante des difficultés scolaires des élèves issus de l’immigration tandis qu’aux États-Unis, les élèves immigrés et autochtones de même profil socioéconomique ont les mêmes chances d’atteindre le seuil de compétence scolaire », écrit l’OCDE. » Dans CABA (Argentine), aux États-Unis, en France et à Hong Kong (Chine), les différences de statut socio-économique entre élèves issus de l’immigration et autochtones expliquent presque intégralement les différences de performance entre les deux groupes ».
Enfin dernier point qu’il faut relever ce sont les aspirations des jeunes issus de l’immigration. Elles sont en général plus fortes que pour les natifs et c’est particulièrement vrai en FRance où les aspirations scolaires des jeunes ne sont pas très élevées.
Quelles politiques recommander ?
Le grand intérêt du rapport OCDE c’est de relever les meilleures politiques menées dans les pays de l’Organisation pour relever les défis. L’OCDE pointe par exemple les politiques qui visent à réduire le redoublement, et la France st citée comme un pays exemplaire. On ne sait pas si elle va le rester après les décisions actées dans des textes prises par le nouveau gouvernement.
L’OCDE pointe aussi les efforts pour la maitrise de la langue. Ainsi au Portugal des enseignants supplémentaires sont mis à disposition des écoles qui comptent au moins 10 élève sdébutants en portugais.
De nombreux pays aident les écoles qui comptent un forte pourcentage d’élèves défavorisés. L’OCDE s’applique à montrer les politiques visant à permettre la mixité sociale. » Certains pays ont mis en place des mesures visant à empêcher la concentration d’élèves issus de l’immigration et à favoriser leur intégration. Ces pays ont essentiellement recours à trois stratégies pour remédier à la concentration des élèves issus de l’immigration et des autres élèves de milieux défavorisés dans certaines écoles. La première consiste à attirer et à retenir d’autres élèves, y compris des élèves de milieux plus favorisés. La deuxième consiste à mieux armer les parents immigrés en leur donnant des informations sur la façon de choisir la meilleure école pour leur enfant. La troisième consiste à limiter la mesure dans laquelle les écoles favorisées peuvent sélectionner les élèves en fonction de leur milieu familial d’origine (OCDE, 2015a). Brunello et De Paola (2017) tendent à montrer que les politiques de déségrégation sont non seulement équitables – elles offrent de meilleures perspectives aux personnes issues de milieux relativement défavorisés – mais aussi efficaces », écrit l’OCDE.
Mixité sociale
Elle cite des exemples : parcours en car des écoles de la ville pour les afire découvrir par les parents à Rotterdam par exemple. » Au Danemark, la loi scolaire de 2006 permet aux communes d’orienter les élèves issus de l’immigration vers d’autres écoles. Différentes mesures en faveur de l’intégration sont prises au niveau des communes. Certaines communes (Aarhus, par exemple) pratiquent la déségrégation forcée ; d’autres, (Copenhague, par exemple) encouragent les parents issus de minorités ethniques à choisir une école qui compte moins de minorités ethniques, et les parents issus de la population majoritaire à choisir des écoles qui comptent un grand nombre d’élèves issus de minorités ethniques. D’après les conclusions d’un rapport de la commune de Copenhague, ces mesures semblent améliorer l’intégration sociétale jusqu’à un certain point, mais elles peuvent poser de nouveaux problèmes aux élèves issus des minorités ciblées ». On sait qu’en France la timide politique de mixité sociale lancée par N Vallaud Belkacem reste dans l’expectative.
» Des études montrent que ce sont surtout les familles aisées et non immigrées qui font un choix d’école. Il est donc important de rendre les écoles attrayantes pour les élèves issus de ces familles. Ainsi, en Suisse, le programme Qualität in multikulturellen Schulen (la qualité dans les écoles multiculturelles-QUIMS) est obligatoire si plus de 40 % des élèves d’une école sont polyglottes. L’administration scolaire alloue des fonds supplémentaires aux écoles qui appliquent le programme QUIMS et leur apporte une aide professionnelle, afin que l’école puisse adapter le programme à ses besoins en matière de langue, de taux de réussite et d’intégration », explique l’OCDE.
L’OCDE pointe aussi les politiques en faveur du périscolaire (au sens large) pour faciliter l’intégration. » Si les activités périscolaires ont surtout des retombées positives sur chaque élève, elles peuvent être particulièrement bénéfiques aux élèves ayant des troubles de l’apprentissage et issus de milieux défavorisés. Elles peuvent amener ces élèves à se mettre en avant et à déployer leurs talents grâce à des outils qui ne leur sont peut-être pas accessibles dans les classes traditionnelles. Les activités périscolaires peuvent aussi permettre aux élèves de rencontrer des élèves d’horizons culturels et socio-économiques différents et de sympathiser avec eux », écrit l’OCDE.
Impliquer les parents
Enfin l’OCDE décrit aussi des politiques visant à impliquer davantage les parents dansl’école, par exemple aux Etats-Unis et en Norvège. » Aux États-Unis, le programme Parent-Child Home est un programme d’alphabétisation des jeunes enfants, de parentalité et de préparation à l’école. Il propose des visites bihebdomadaires sur deux ans aux familles ayant des enfants âgés de 16 mois à 4 ans qui vivent dans la pauvreté ou l’isolement, qui ont des possibilités limitées en matière d’éducation et qui disposent de faibles compétences en langue et en littératie et/ou qui sont confrontées à d’autres obstacles au développement sain et à la réussite scolaire. Ce programme emploie des spécialistes de l’alphabétisation des tout-petits qui sont originaires de la communauté à laquelle ils apportent leur contribution, et qui connaissent donc la langue et la culture des familles avec lesquelles ils travaillent. Parallèlement à l’animation d’activités hebdomadaires visant à stimuler les interactions parents-enfants et à aider l’enfant à apprendre l’anglais, le spécialiste met également les familles en contact avec d’autres ressources communautaires, telles que des établissements médicaux et d’autres programmes éducatifs. Après avoir suivi le programme, les familles bénéficient d’une aide pour inscrire leur enfant dans un programme préscolaire au niveau des structures ».
Ce sont donc les politiques sociales qui peuvent peser sur le destin de ces jeunes et par suite sur leurs apports à la société du pays d’accueil. Pour l’OCDE et s’agissant de la France, » les politiques de réduction des désavantages socioéconomiques pourraient bien avoir davantage d’effets bénéfiques sur la réduction des différences de niveau scolaire entre les élèves immigrés et les élèves autochtones ».
François Jarraud