Qu’est ce qu’apprendre à écrire ? Comment prendre en compte la diversité des écrits dans l’enseignement (brouillons, textes complexes, etc.) ? Comment apprendre la grammaire et l’orthographe ? Quels apports du numérique ? Le Cnesco et l’IFé organisent les 14 et 15 mars une conférence de consensus sur Ecrire et rédiger. La première journée a abordé la variété des écrits et les pratiques pédagogiques en français comme dans les autres disciplines.
Une nouvelle formule de diffusion de la recherche
Particularité du Cnesco, les conférences de consensus associent chercheurs et praticiens dans une formule qui reste assez unique en France. Durant deux journées des chercheurs , de tous horizons, présentent leurs travaux et les évaluations produite spour la conférence. Ils répondent aux questions de la salle et d’un jury de praticiens. C’est ce jury qui finalement fera des recommandations. Chaque conférence est un pont jeté entre le monde de la recherche et celui de l’éducation. Et la formule séduit puisque des milliers d’enseignants ont suivi les conférences du Cnesco.
Le thème de l’écriture a été retenu car le Cnesco a déjà organisé une conférence sur la lecture. Enfin le sujet a été nettement moins travaillé. Il y a donc lieu de faire le point des recherches et de les diffuser.
Placé sous la présidence de Michel Fayol et Catherine Brissaud, la conférence a tout de suite affichée sa volonté de croiser les regards.
L’écriture et le « génocide culturel »
On a frolé l’incident lors de la première table ronde où les points de vue de José Morais, un spécialiste des neurosciences, et ceux de Sylvie Plane et Yves Reuter, qui viennent des sciences de l’éducation, se sont poliment heurtés.
Evoquant les enjeux de l’écrit dans la société actuelle, José Morais (université libre Bruxelles) estime que le système éducatif produit peu de lettrés (au sens de la littératie) : selon lui moins de 40% des adultes et 60% des adolescents sont lettrés et le nombre d elettrés critiques serait encore plus faible. « Maintenir un système éducatif qui rend tant de gens non lettrés c’est contribuer à un génocide culturel », affirme-t-il. Il cite le récent article de B Dehaene qui montre les modifications apportées au cerveau par l’apprentissage de l’écriture : l’écriture est liée à l’aire du langage et des outils.
Yves Reuter met en doute ces évaluations. Il invite à utiliser aussi les apports de la sociologie et de l’ethnologie. Il souligne les ruptures dans l’écrit entre le scolaire et le non scoliare et aussi à l’école entre les disciplines. Sylvie Plane montre que les nouveaux outils modifient les pratiques d’écriture. On est passé de l’écriture longue et lente au SMS c’est à dire une écriture instantanée qui n’est plus réflexive. Les jeunes écrivent beaucoup plus mais de façon différente.
Les apports de la psychologie cognitive
La deuxième partie de la conférence a été consacrée à la production d’écrits par les élèves. Comment amener les élèves à produire des textes ? Denis Alamargot a fait le point sur 6 apports des sciences cognitives. Le premier c’est que l’écriture dépend de compétences en graphomotricité, orthographe et rédaction. Or les trois sont liés et renvoient à des mémoires différentes : sensorielle, de travail et longue. Mieux D Alamarot invite à traiter les trois ensemble et non à les séparer.
On sait aussi que la graphomotricité n’est pas une compétence stabilisée au début de l’école. Elle continue à influencer le traitement de l’orthographe et de la rédaction bien plus tard. Elle doit donc être enseignée après le CP jusqu’au collège.
Troisième apport l’automaticité des traitements est intéressante pour la graphomotricité mais aussi pour une partie de l’orthographe. L’entrainer c’est faciliter les traitements plus exigeants pour la rédaction. Pour l’installer il faut du temps dédié. A Alamargot montre aussi l’intérêt d’installer des procédures métacognitives pour les compétences de rédaction. Par exemple inviter les élèves à se relire.
D Alamargot adresse plusieurs recommandations aux enseignants : privilégier la mise en oeuvre coordonnées des traitements de la graphomotricité, de l’orthographe et de la rédaction. Il faut donc donner du temps pour que les automatismes entrent. Pour lui il ne faut pas entrer dans les apprentissages rédactionnels par le type de texte. Il souligne aussi les apports du nuémrique pour observer les pratiques d’écriture des élèves.
Pourquoi travailler l’écriture en dehors du cours de français ?
Céline Grancher s’est attachée à montrer l’intéret de travailler le compétences rédactionnelles dans toutes les disciplines. Elle montre que les attentes rédactionnelles ne sont pas les mêmes d’une discipline à l’autre en focntion des cultures disciplinaires. Faire travailler l’écrit dans sa discipline est une belle entrée pour faire comprendre les particularités de sa discipline. Mais pour cela il faut que tous les enseignants prennent le temps d’enseigner le rédactionnel propre à sa discipline. « Ecrire s’apprend dans toutes les disciplines » et c’est aussi une façon d’acculturer à sa discipline.
Avec C Grancher on est passé aux écrits intermédiaires. Et c’est aux brouillons qu’Olivier Lumbroso va consacrer son exposé. Pour lui le brouillon est « un droit qui doit s’institutionnaliser et avoir son espace légal dans la classe ». Ce qui veut dire que le brouillon ne doit pas être évalué et qu’il doit être libre pour jouer pleinement son role. Il se situe aussi en opposition avec l’idée quil y aurait deux temps d’écriture : le brouillon puis le toilettage orthographique. Pour lui le brouillon par ses erreurs mêmes participe pleinement de l’acte d’écriture.
La seconde journée de la conférence devrait revenir sur les changements apportés par le numérique.
François Jarraud