Trois ans après le lancement par François Hollande d’un ambitieux Plan numérique qui prévoyait l’équipement de tous les collégiens, où en est la filière numérique française ? Pour le savoir il suffit de participer à Eduspot. Organisé par l’Afinef, une association d’entreprises du numérique éducatif, cette deuxième édition d’Eduspot s’ouvre aujourd’hui. Plus qu’un salon, Eduspot est un ensemble d’événements et de rencontres qui réunit enseignants, collectivités territoriales, entreprises de la EdTech française et institutionnels. Pendant trois jours, jusqu’au 16 mars, vont se succéder débats, conférences, ateliers de pratiques dans un environnement convivial. Hervé Borrédon, président de l’Afinef, marque pourtant les inquiétudes de la filière devant l’absence de vision ministérielle sur le numérique éducatif depuis 2017.
Quel bilan faites vous de la première édition d’Eduspot ?
L’Afinef en est très satisfait. Eduspot 2017 a accueilli 7000 visiteurs uniques et les sondages montrent que nos visiteurs ont apprécié l’événement. Visiblement Eduspot est un format qui correspond aux attentes de l’écosystème numérique.
Pour l’édition 2018 nous nous fixons comme objectif 10 000 visiteurs. Il y aura cette année une plus forte présence du supérieur et de la formation professionnelle. La participation étrangère est aussi plus importante, pratiquement doublée. Par exemple Eduspot accueillera un programme européen sur le numérique éducatif. Nous avons aussi fait évoluer les « tracks », ces événements dans l’événement, avec des thèmes qui reflètent les intérêts de l’écosystème numérique.
Qu’est ce qui distingue Eduspot des autres événements sur le numérique éducatif ?
C’est que c’est d’abord un moment de rencontres pour l’ensemble de l’écosystème du numérique éducatif grâce à des formats innovants. On échange plus que lors d’autres événements qui sont davantage des salons. A Eduspot la partie exposition n’est pas la partie centrale. Eduspot accueille aussi de nombreux événements privés français ou étrangers.
Ainsi Eduspot propose cinq temps forts. D’abord une conférence sur Comment apprendre à apprendre. Puis la 2ème édition des « Rencontres éducatives de la Transformation » mêlant ateliers d’intelligence collective et interventions d’intervenants. Eduspot accueille aussi la Rencontre européenne Peer Learning Activity on Digital Skills and Competences, soit tout un groupe de travail de la Commission européenne. Il sera à Eduspot les trois jours pour réflechir aux ressources numériques et produire des recommandations.
Eduspot accueille aussi la finale du Grand Hackathon Code ton lycée, organisé par la région Ile de de France et une rencontre de jeunes pousses sur les EdTech et l’éducation.
Justement où en est la filière EdTech ?
On se pose tous la question. Et c’est surement un des enjeux de cette année. Il y a eu beaucoup d’effets d’annonce, beaucoup d’innovations portées notamment par les programmes d’investissement d’avenir (qui se terminent en 2018 NDLR).
Mais la problématique principale c’est le développement d’un marché. Or la plupart des entreprises de l’EdTech ont du mal particulièrement en ce moment. La vision de l’éducation nationale n’est pas suffisamment claire pour que les acteurs se projettent et investissent.
Beaucoup se tournent maintenant vers l’international. Mais c’est difficile d’aller à l’étranger quand on n’a pas la base que constitue un marché national. D’autres s’interrogent sur leur avenir. Elles sont dans l’incertitude.
Cette situation est liée aux difficultés actuelles des collectivités territoriales ou au ministère de l’Education nationale ?
C’est surtout liée au manque de vision du ministère de l’Education nationale. On ne sait pas quelle est leur stratégie de développement du marché, notamment pour les ressources éducatives. On est face au silence.
Beaucoup d’acteurs ont du mal à atteindre les clients finaux, enseignants et chefs d’établissement. Et quand on atteint le client , le circuit de diffusion et de facturation est trop compliqué.
Notre vision c’est qu’il y a besoin d’une meilleure collaboration entre le ministère et les régions et une meilleure prise en compte des besoins des industriels. Chaque région a sa politique. Mais si l’on veut dépasser les effets d’annonce il faut une politique d’ensemble.
Ces questions là vont être posées lors d’Eduspot. On posera aussi la question de l’aménagement et de l’architecture des locaux scolaires. On a vu dans le cadre du plan numérique les problèmes que posent les vieux locaux. Par exemple pour accéder à l’électricité et recharger les flottes de tablettes ou pour permettre le travail collaboratif. Sur ces questions il y a une prise de conscience des collectivités territoriales. C’est don un track important d’Eduspot.
Dans les nouveautés d’Eduspot 2018 il y a aussi un track sur l’intelligence artificielle. Pourquoi ?
On voit bien que la question s’installe dans le paysage éducatif avec la nomination du conseil scientifique et un appel à projets. On s’interroge sur ce que l’intelligence artificielle peut apporter à l’Ecole et aussi sur les dangers qu’elle peut représenter. Le track évoquera la recherche mais aussi les applications et les usages existants avec des témoignages.
Quand on regarde le Guide d’Eduspot on voit les entreprises , les institutionnels. C’est vraiment un événement pour les professeurs ?
Oui et ils sont très bienvenus. Eduspot c’est aussi de nombreux ateliers de pratiques avec des retours d’usages par des enseignants. Par exemple l’Académie de Versailles présentera des usages en robotique. Il y aura aussi des formations présentes à Eduspot , comme le Cerpep.
On peut venir à Eduspot pour découvrir les industriels et leurs nouveaux produits. Mais dans chaque track il y a au moins une session très pratique avec des enseignants qui montrent comment ils travaillent. Tout est fait pour développer ces moments là.
Propos recueillis par François Jarraud