D’un coté les grands principes, de l’autre la réalité des pratiques. Cette règle s’applique aussi à la parité entre les femmes et les hommes dans l’Education nationale. Si le principe est affiché, les pratiques continuent à favoriser les hommes dans la promotion. La création de la nouvelle classe exceptionnelle devrait même dégrader sensiblement la situation des femmes. Comment est -ce possible ? Démonstration dans le premier degré…
La part de la société…
Pour expliquer les décalages de salaire entre les enseignantes et les professeurs, l’Education nationale met en avant le déficit d’investissement des femmes. Effectivement les enseignantes font moins carrière que leurs collègues masculins. Elles effectuent moins d’heures supplémentaires. Elles prennent moins souvent de postes de direction dans le premier degré. Elles ont davantage d’interruptions de carrière. Et on en comprend bien les raisons, qui échappent à l’Education nationale.
Mais celle -ci a aussi sa part directe dans la construction des écarts de rémunération et même de carrière. En effet le système de promotion de l’Education nationale joue au bénéfice des hommes. Et la création de la nouvelle classe exceptionnelle devrait amplifier les écarts.
Et celle de l’Education nationale
Si on regarde les professeurs des écoles (PE) l’écart est manifeste entre les « simples » P.E. et ceux qui accèdent à la « hors classe », le deuxième grade du corps des PE marqué par des salaires plus élevés.. Alors qu’on compte 84% de femmes chez les PE, elles ne représentent plus que 66% des enseignantes hors classe.
La différence tient à plusieurs facteurs. L’accès à la hors classe est donné prioritairement aux enseignants ayant exercé des fonctions de directeur ou de conseiller pédagogique. Or on compte 24% d’hommes chez les directeurs d’école et 40% des conseillers pédagogiques sont aussi des hommes. Les hommes font davantage « carrière » que les femmes. Et ,selon le Snuipp Fsu, les inspecteurs feraient davantage confiance aux hommes pour ces fonctions.
Un lissage inattendu dans le 93
Quand les règles de promotion protègent davantage les femmes c’est à leur insu. « Dans la Seine Saint Denis curieusement le ratio de promus à la hors classe correspond à la part des femmes chez les professeurs des écoles », nous a dit Rachel Schneider, secrétaire départementale du Snuipp-FSU du 93. Elle nous a expliqué que cela tient à une particularité du département : près de 90% des enseignants du 93 enseignent dans des écoles situées en zone violence. Or la zone violence apporte deux points pour la promotion hors classe, soit davantage que la fonction de direction ou de conseiller pédagogique. Finalement la situation particulièrement difficile du département opère un lissage des conditions qui bénéficie aux femmes.
Des inégalités accrues pour la classe exceptionnelle
Cette année va voir la première promotion de P.E. au nouveau grade créé au dessus de la hors classe: la classe exceptionnelle. Les règles avantagent les enseignants ayant exercé au moins 8 ans en éducation prioritaire ou ayant exercé des fonctions de direction ou de conseiller pédagogique. Le recrutement se fait dans deux viviers : les enseignants qui sont au dernier échelon de la hors classe et des enseignants sélectionnés à partir du 3ème échelon hors classe.
Or, au dernier échelon HC on compte 50% d’hommes et 34% dans les autres échelons alors que le corps des PE ne compte que 16% d’hommes. Par conséquent le mode de promotion à la classe exceptionnelle va encore accroitre les inégalités de carrière entre hommes et femmes.
Selon le Snuipp, certains Dasen , s’appuyant sur la circulaire qui attire l’attention sur les inégalités, veillent à plus de parité. Le Snuipp cite le Haut Rhin où on compte 71% de femmes chez les PE hors classe et 73% de promues à la classe exceptionnelle alors que seulement 60% étaient promouvables dans le premier vivier. Là le Dasen a fait le choix de veiller à la parité. Inversement en Seine Maritime pour 64% de femmes promouvables on ne compte que 49% de promues. Là la classe exceptionnelle accroit les inégalités.
Interrogée par le Café, Francette Popineau, co-secrétaire générale du Snuipp, souligne que « l’ancien gouvernement était sensible au traitement égalitaire des promotions ». Elle craint que partant d’un vivier favorisant déjà les hommes, la classe exceptionnelle n’augmente les inégalités. Sans que cela inquiète le ministre.
François Jarraud