» Ni les comparaisons internationales ni les recherches quelles qu’elles soient ne dictent les pistes à suivre. Piloter scientifiquement l’école n’est pas pour demain, même si c’était le rêve du ministre… Sa tâche est plus complexe », écrit Marie Duru-Bellat dans un article où elle démonte la tentation de s’en remettre aux neurosciences pour piloter l’école et souligne le risque d’instrumentalisation de la science.
» Dans sa confiance envers les neurosciences, qui s’est traduite par la nomination d’un neuroscientifique à la tête du conseil scientifique de l’Éducation nationale installé en janvier 2018, Jean‑Michel Blanquer n’innove en rien. Dès 2006, Gilles de Robien alors ministre exprimait son enthousiasme par rapport à « la science, la vraie, la science expérimentale », poursuivant « cette science toute jeune, c’est la science du cerveau ». On croit entendre mot pour mot Jean‑Michel Blanquer, quand il s’efforce de présenter sa politique comme découlant tout simplement de la science qui lui semble la moins contestable », écrit avec un brin de malice M Duru Bellat. En effet, JM Blanquer était le directeur adjoint de cabinet de Robien.
» Tout neuroscientifique sérieux sait pertinemment que ses expériences sont des expériences, pas forcément transposables, et que les mécanismes de l’apprentissage, plurifactoriels, ne se réduisent pas à un circuit neuronal particulier », poursuit M Duru Bellat. « Il sait pertinemment que le meilleur cerveau du monde n’apprend pas tout seul mais en interaction avec d’autres, que la méthode pédagogique qui respecte le mieux du monde le fonctionnement cérébral ne peut rien contre un enfant qui ne veut pas apprendre, ou encore que les principes redécouverts mais somme toute assez élémentaires selon lequel il convient de stimuler l’attention ou la curiosité des élèves risquent de rester sans effet sur les apprentissages avec des d’enseignants peu motivés, des journées de classe à rallonges ou des enfants mal nourris ! »
« Une masse de travaux convainquent sans ambiguïté que des élèves exposés à la même méthode – fût-elle conforme à ce qu’on sait sur le cerveau – vont voir leurs apprentissages fortement modulés selon le contexte pédagogique et social où ils évoluent. Globalement, un des messages les mieux partagés au sein de la recherche en éducation (des neuroscientifiques aux sociologues de l’éducation, en passant par les psychologues de tous horizons) est l’intrication, dans tout apprentissage, de multiples facteurs : la santé (nutrition, sommeil, exercice physique…), les interactions sociales, les émotions, la confiance en soi, et bien sûr la mobilisation des enseignants et l’organisation même de l’enseignement… »