Fake news, robotique, place de la femme dans la société, dodgeball, orientation post-bac : Coralie Ulysse, enseignante de SVT au lycée Aux Lazaristes de Lyon a présenté au 10ème Forum des Enseignants Innovants des projets pédagogiques engageant toute une équipe d’enseignants. A l’affut de nouvelles pratiques pédagogiques, elle revient sur la démarche engagée, notamment une web radio désormais pérenne.
Pourquoi un projet Podcast dans votre lycée ? En quoi est-il pluridisciplinaire ?
Ce projet Podcast a été mené dans notre lycée avec cinquante professeurs qui ont construit de façon collaborative durant 2 mois, différents projets pédagogiques pluridisciplinaires, mis en œuvre la semaine avant les congés de fin d’année pour les élèves de seconde. Les enseignants ont pu choisir avec qui ils souhaitaient travailler et sur quelle activité.
L’objectif de cette semaine est double. Du point de vue des élèves l’idée est de développer la collaboration entre élèves au sein de groupes réduits et de favoriser leur expression orale via des podcasts collaboratifs de moins de 3 minutes, afin d’améliorer l’organisation de leurs prochains écrits. À l’échelle de l’équipe éducative, la volonté de l’établissement est de croiser les regards pédagogiques entre enseignants de différentes matières et de développer l’utilisation du numérique pour faire apprendre en classe dans un esprit de bienveillance envers chacun.
Pour diminuer les effectifs des groupes de travail, tous les emplois du temps ont été modifiés de manière à ce que les élèves soient présents tous les jours de la semaine mais avec seulement 5 heures de travail par jour, ce qui leur a aussi permis de voir la lumière naturelle de l’aube jusqu’au crépuscule en décembre, ce qui n’est pas toujours possible avec un emploi du temps habituel.
Différentes activités pédagogiques pluridisciplinaires ont été mises en place sur les 9 demi-journées :
– Atelier radio pour identifier les critères de réussites d’un « bon podcast » avec trois ateliers d’une heure en présence de trois référents (informatique, numérique, culture),
– Escape Game scientifique, pour réviser les notions étudiées au cours du premier trimestre en SVT et PC, et acquérir de nouvelles connaissances utiles pour les prochains thèmes…
– Fake News, pour apprendre à les repérer sur le net et en créer dans différentes langues (anglais, espagnol)
– Orientation Post-Bac, en présence du référent culture et de professeurs principaux de filières technologiques et générales à l’aide de fiches construites par le réseau Canopé. Les podcasts ont permis de rentrer dans la peau d’un étudiant en identifiant l’intérêt de son parcours pas toujours linéaire.
– Compétitions Sportives « Dodgeball », organisées par les professeurs d’EPS et accompagnées par des professeurs de mathématiques, de SVT, et d’anglais qui ont facilité la mise en scène des bandes sons permettant de décrire les règles ou de jouer le rôle de commentateur sportif dans différentes langues,
– Pretty woman/ Pretty man, projet complexe permettant de discuter de la place de la femme dans la société française actuelle. Ce projet élaboré par les professeurs de français et d’arts plastiques a permis de faire des constats à partir de musiques, de films, et de publicités. Les podcasts produits par les filles et les garçons sont particulièrement investis.
– Paradis Papers, mis en place par les professeurs d’économie et d’histoire-géographie afin de comprendre comment les paradis fiscaux utilisent les failles du système fiscal pour frauder ou optimiser les taux d’imposition. Les podcasts rendent compte de l’état d’esprit des élèves face à ce qui est légal ou non.
– RobotProg J2B2, un atelier élaboré par les professeurs de mathématiques et de sciences de l’ingénieur pour pratiquer l’algorithmique autrement grâce à une prise en main d’un logiciel nommé “RobotProg” permettant de déplacer un petit Robot J2B2 dans son enclos et en dehors.
– Atelier santé, l’originalité de ce projet est d’avoir pensé à un accompagnement des élèves de seconde par les élèves de première STL. Ceux-ci ont pu s’investir pleinement en tant que professeur pour aider un binôme de seconde à tester au laboratoire l’efficacité de différents antiseptiques sur des bactéries présentes sur la peau d’un patient. Cela leur a aussi donné l’occasion de se rendre compte s’ils souhaitent ou pas s’orienter vers des filières plus technologiques.
Pouvez-vous nous détailler le contenu des podcasts autour des fakenews ?
Ce projet d’actualité élaboré par le professeur documentaliste en collaboration avec les professeurs de LV1 et LV2 a testé des méthodes pour savoir ce qui relève de la rumeur ou du fait avéré grâce à des exemples en ligne choisis par l’équipe.
La première activité a été de prendre connaissance des critères de fiabilité d’une vraie information en ligne à l’aide des critères d’une affiche, puis de repérer des fake news en recherchant la source de l’information, la date de publication, les détails des images, l’identification de l’auteur, et la volonté d’aller au-delà du titre. La deuxième activité a été de rendre compte à l’oral en équipe devant le groupe. La dernière activité a été d’imaginer et d’enregistrer ses propres fake news dans un esprit ludique mais très actuel.
Certains ont fait un peu de politique en faisant croire que Donald Trump réfléchissait à des actions pour lutter contre la réalité du changement climatique, d’autres ont décrit un faux attentat détruisant la tour Eiffel, des groupes ont raconté des fausses histoires d’amour entre des personnes très publiques, tandis que quelques-uns ont gardé leur statut d’élèves mais décrits dans des situations peu enviables.
Dans quel(s) atelier(s) retrouve-t-on des notions scientifiques ?
L’atelier escape game sciences réparti dans trois laboratoires proches, a permis de mettre en place des énigmes scientifiques de biologie (moléculaire, cellulaire et anatomique), de physique et de chimie, à la fois pratiques et numériques : réalisation d’une échographie cardiaque pour comprendre le fonctionnement de l’oscilloscope, d’expériences de chimie pour identifier le matériel utile pour réaliser une solution, montage d’un modèle moléculaire pour faire du lien entre formules brutes et développées, utilisation d’une clé de détermination en ligne de la faune du sol pour approcher la biodiversité, exploitation du logiciel Libmol pour comprendre les mutations de l’ADN en 3D, utilisation de la réalité augmentée avec le t-shirt et l’application Virtuali-tee permettant d’écouter les « bruits » du cœur et de les associer au fonctionnement des valves cardiaques, réalisation de préparation microscopique de poils absorbants de plantules de radis pour visualiser l’entrée des fluides du sol dans le végétal , identification du principe actif des médicaments…
Organisées en parallèle et sans imbrication, ces énigmes se résolvent dans l’ordre que souhaitent les élèves, et sont reliées entre elles via un mot mystère qui sert de fil conducteur.
Des coups de pouce en ligne sur genialy permettent une certaine différenciation. Un maître du jeu, par salle assure la sécurité, ainsi que le contrôle des codes que les élèves doivent trouver à chaque poste pour pouvoir sortir et visiter une autre salle. Les équipes sont libres de travailler pour elles-mêmes, ou de coopérer entre elles.
L’intérêt majeur de ce défi scientifique réside dans la phase de debriefing. Une fois toutes les énigmes résolues et le « remède » préparé, les élèves sont interviewés par la webradio du lycée « pour rassurer leurs familles » afin de revivre et expliquer les différentes actions réalisées.
Comment fonctionne la web radio mise en place dans votre établissement ?
La webradio est toute récente, elle fonctionne via SoundCloud qui permet de partager les enregistrements audio sur le web en mode public. La semaine « autrement » a été l’occasion de former l’ensemble des élèves de seconde afin qu’ils deviennent compétents sur l’application d’enregistrement GarageBand. Ils ont rapidement pris en main l’outil avec l’aide des professeurs du lycée ayant participés à des formations de 3/4 heures sur le temps de pause de midi avec moi en tant que référent numérique du lycée, durant les deux mois qui ont précédé cet évènement.
Ce sont les professeurs du lycée qui mettent en ligne sur soundcloud le « morceau » créé par les élèves par l’intermédiaire de l’application GarageBand gratuite sur iPad. Les élèves s’enregistrent via cette application avec ou sans morceau musical puis partagent le « projet » via airdrop avec leur enseignant qui l’ouvre et l’écoute sur cette même application.
Chaque professeur joue donc le rôle de modérateur. L’objectif est que les futurs enregistrements se réalisent en classe pour rendre compte des apprentissages quelque soit la matière enseignée et aussi lors des différents voyages. Dernièrement des enregistrements ont eu lieu en classe de SVT afin de s’exprimer sur les enjeux planétaires contemporains en lien avec le concept de ville verte. Cela a permis de les préparer à l’organisation du commentaire argumenté scientifique prévu lors du partiel commun de fin janvier. L’établissement souhaite que cette radio soit pérenne, nous sommes donc passés « en mode payant » pour pouvoir diffuser en illimité.
Depuis plusieurs années, vous utilisez les tablettes en cours de SVT. Quel bilan dressez-vous de ces usages ? Des écueils à éviter ?
En cours de SVT l’ensemble des professeurs de SVT anciens et nouveaux utilisent iTunesU pour organiser et partager les cours en mode classe inversée, mais sans obliger les élèves à consulter les fichiers en dehors de la classe. Cela aide les élèves en difficulté pour savoir ce que l’on va faire au cours suivant et cela renforce les compétences des élèves en voie de réussite grâce à la mise en ligne de videos et de formulaires.
Les fichiers partagés sont souvent des fichiers Numbers, tableur détourné de sa fonction initiale car plutôt utilisé comme un classeur numérique avec des feuilles modifiables jouant des rôles différents (contextualisation, consigne, critères d’évaluation, aides…) Ces fichiers sont aussi utilisés en physique chimie.
De plus le serveur iTunesU permet de créer du lien entre les élèves via des discussions privées au sein de la classe visant par exemple à préparer différents exposés sur un même thème. Le professeur peut alors faire des remarques avant la séance afin d’optimiser la présentation orale. Cela permet aussi que tout les élèves de la classe puissent suivre la conversation et se préparer à poser des questions. En tout cas les élèves font davantage attention à ce qu’ils écrivent.
Les tablettes sont aussi utilisées comme appareil photo permettant de photographier au travers des microscopes et d’obtenir des photos remarquables pouvant être titrées , légendées et intégrées dans des compte rendus numériques. Cela facilite aussi la mémorisation et peut servir de base pour un travail maison simple de recopie sur le cahier papier classique.
Les modes d’évaluation en ligne via la tablette sont particulièrement appréciés des élèves d’une manière individuelle (kahoot) ou collective (quizlet live). Ces quiz accentuent la motivation et les résultats peuvent être convertis en notes mais cela n’est pas indispensable. L’intérêt principal est de réactiver leur mémoire en classe.
D’une manière plus personnelle, la tablette m’a permis de dynamiser les cours de spécialité SVT en travaillant sur certaines séances en temps réel avec une autre classe à Limoges, afin d’instaurer de la compétition , de la collaboration et de la coopération avec des outils en ligne comme padlet, pearltrees ou genially, notamment sur les travaux pratiques nécessitant de nombreux montages expérimentaux.
Donc vous l’avez compris, l’équipe enseignante de sciences est plutôt satisfaite d’avoir des tablettes à sa disposition mais nous avons fait le choix de garder une trace écrite dans un cahier.
À mon sens plusieurs critères sont indispensables pour qu’un projet tablette fonctionne. Il faut tout d’abord que le projet soit un choix des professeurs, que le système soit sécurisé sans jeux (pas d’accès à l’AppStore), d’un bon wifi et de la possibilité de rajouter des applications en justifiant leur intérêt, et qu’un système d’accompagnement numérique soit opérationnel.
Au sein de l’établissement, même si les débuts ont été un peu difficiles par manque de formations pédagogiques, un esprit collaboratif s’est peu à peu mis en place en salle des professeurs afin d’apprendre davantage ensemble. C’est cet esprit que j’essaye de cultiver en tant que référent numérique et qui a permis la mise en place de ce projet « semaine podcasts pour apprendre autrement » en pluridisciplinarité.
Entretien par Julien Cabioch
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