Le grand big bang du lycée n’aura pas lieu. Le 14 février, JM Blanquer a présenté sa réforme du bac et du lycée comme sociale et moderne. « Plus d’égalité, plus de liberté, plus de véritable réussite, plus de simplicité », a-t-il dit. On retiendra surtout qu’il a reculé. Sur la semestrialisation qui n’aura pas lieu. Sur le bac qui sauve son caractère national. Le ministre introduit des « humanités scientifiques et numériques » et impose des sciences à tous les lycéens. Il introduit aussi une épreuve orale. Il maintient les filières en séries technologiques alors qu’elles disparaissent en série générale. Ces points nous semblent positifs. Rançon de ces choix : le bac devient plus complexe et les enseignants vont passer leur temps à évaluer au lieu de faire cours. La réforme devrait se traduire par des écarts plus grands entre les lycées en raison d’offres différentes. Le gain de postes ne devrait pas être très important. JM Blanquer reste donc avec son problème : dégager au moins 25 000 postes pour répondre à l’engagement présidentiel. Apparemment ils ne seront pas pris sur le lycée. Alors où ?
Le nouveau bac reste national
Rappelant que le nouveau bac résulte de l’engagement présidentiel, JM Blanquer voit dans le nouvel examen « plus d’égalité du fait du socle commun, plus de liberté car il permet plus de choix, plus de simplicité et une véritable réussite synonyme d’excellence ». Il voit aussi « plus de modernité sur la forme avec l’oral et sur le fond avec de nouvelles matières comme les humanités nuémriques ».
Le nouveau bac restera bien un diplôme national. Finalement le ministre a reculé devant l’idée d’un bac d’établissement. En plus des épreuves finales, les autres disciplines du tronc commun (histoire géo, emc, langues, eps et humanités scientifiques et numériques) seront évaluées en controle continu. Mais il reposera sur des sujets nationaux et des copies anonymisées qui seront corrigées par un autre professeur que celui de l’élève dans l’établissement. Une harmonisation sera assurée, promet le ministère. Les bulletins scolaires seront pris en compte pour 10% de la note. Ce système devrait permettre de maintenir une dimension nationale à l’examen ce qui est vital pour les élèves des quartiers défavorisés.
Nouvelle certification, évaluations permanentes
Les épreuves auront lieu en janvier et avril en 1ère et en décembre en terminale. S’ajoutera l’oral, réduit à 20 minutes mais nécessitant quand même 170 000 heures multipliées par un nombre d’enseignants à déterminer ( le ministère annonce trois personnes mais seront-elles toutes enseignantes ?). Au final on évaluera beaucoup en 1èer et terminale et quoiqu’en dise le ministre, à moins qu’il envisage d’ajouter ces temps au service normal d’enseignement, cela pourrait perturber les cours.
JM Blanquer a quand même fait un pas vers ce qui pourrait être une privatisation de l’examen. En langues vivantes, les enseignants ont beaucoup de mal avec les épreuves actuelles. Le ministre annonce qu’elles seront remplacées par des certifications nationales ou internationales. On pense bien sur aux grandes certifications existantes. Avec le B2i ce sera de nouvelles épreuves échappant au principe de l’examen d’Etat. S’il laissait certifier le niveau d’anglais, par exemple, par un organisme international, ce serait sans doute un avantage pour les candidats mais une remise en question du monopole d’Etat sur les examens.
Le nouveau bac, qui sera mis en place en 2021, comptera aussi 4 épreuves terminales comme promis par le candidat Macron. Elles compteront pour 60 % de la note. Elles concernent, fin juin, le français, toujours en fin de première, dont on ne sait pas si l’écriture d’invention sera maintenue, la philosophie en fin de terminale. S’ajoutent deux épreuves de spécialités qui auront lieu après les vacances de printemps. Enfin les élèves passeront un oral préparé sur deux ans, en première en groupe comme les TPE. Mais en terminale ce sera une épreuve personnelle de 20 minutes qui développera les compétences à s’exprimer.
Suppression des filières en lycée général
En ce qui concerne le lycée, le ministre a choisi de maintenir les filières technologiques en l’état mais de supprimer les filières en série générale « pour arrêter la hiérarchie des séries ».
En série générale on aura donc un tronc commun comprenant 4 h de français en première et autant de philosophie en terminale, 3 h d’histoire-géo, 0 h 30 d’EMC, 4h30 de langues en terminale et 4h en terminale, 2 h d’EPS et 2h d’humanités scientifiques et numériques. Tous les élèves feront donc des sciences.
Chaque élève devra choisir trois spécialités en première et deux en terminale , toujours pour 12 heures (3 * 4 en 1ère et deux fois 6 h en terminale). Il n’y aura pas de possibilité de changer dans l’année et les choix devront être validés par e chef d’établissement.
Les élèves auront le choix entre arts, écologie agronomie, histoire géo et sciences politiques, humanités littérature et philosophie, langues et littératures étrangères, maths, numérique et sciences informatiques, SVT, sciences de l’ingénieur, SES et physique chimie.
Les SES sont maintenues mais apparemment amputées des sciences politiques. Le numérique apparait comme une nouvelle discipline sans qu’on sache bien qui la fera.
S’ajouteront un enseignement d’orientation (1h30) dont rien ne dit qu’il sera fait par un enseignant et un enseignement facultatif de 3h (voire deux en terminale) : arts, LCA, Eps, LV3, « maths expertes », « maths complémentaires », droit et grands enjeux du monde contemporain. Le ministre pense ainsi répondre aux craintes des scientifiques.
Le conseil supérieur des programmes dispose d’une année pour écrire les nouveaux programmes.
Des gains de postes apparemment marginaux
Interrogé par le Café pédagogique, le ministre nous a dit que « la réforme n’était pas faite pour des raisons économiques » mais pour des raisons pédagogiques. Il estime que le volume d’enseignement va monter en histoire géo et philosophie. Au total les élèves auront 28 h minimum en première et 27h30 en terminale soit à peu près l’équivalent des horaires actuels.
Est ce à dire qu’il n’y aura pas de gain ? C’est difficile à évaluer discipline par discipline car cela va dépendre des choix des élèves. Mais la nouvelle organisation du lycée devrait permettre de gagner des postes. En effet chaque classe n’aura plus que 16h en première (et 15h30 en terminale) en commun. Pour l’autre moitié du temps les élèves seront regroupés en fonction de leurs choix et cela devrait permettre quelques économies.
Le vrai problème de cette organisation va être dans l’offre d’établissement. Il ne sera pas possible d’offrir toute la gamme dans chaque lycée. Le ministère veut aussi encourager chaque lycée à proposer des choix locaux, comme art et informatique par exemple. Autrement dit on va aller vers une différenciation accentuée entre les lycées. On a pu montrer récemment que cette logique est déjà annoncée par des établissements comme ces 3 lycées de l’Indre qui annoncent déjà un enseignement préparant dès la 1ère au concours de médecine.
Dernière modification : l’année de terminale devrait changer de nom et le ministre porpose « année de maturité ».
Un bilan positif mais un retour à une question fondamentale
Pour le ministre ces réformes « décongestionnent le lycée et la société ». Elle mettent fin au bachotage. Elles moderniseraient le lycée avec des enseignements nouveaux ouverts sur les évolutions scientifiques.
Les enseignants retiendront plus de complexité dans les épreuves. On verra aussi les contraintes apportées par les nouveaux programmes.
Mais globalement JM Blanquer a reculé sur son projet initial. La semestrialisation, et donc l’annualisation des services, est repoussée. On reste dans un cadre trimestriel classique. Le bac garde une dimension nationale. Et les nouvelles disciplines semblent mieux préparer les jeunes, notamment pour l’oral.
Si JM Blanquer a respecté l’engagement présidentiel des 4 épreuves au bac, il lui reste maintenant à satisfaire celui de la disparition de 50 000 fonctionnaires. Où peut il les prendre en dehors du lycée ?
François Jarraud