C’est la surprise de début 2018. En regardant leur feuille de paie de janvier, les enseignants observent une perte d’une vingtaine d’euros nets en moyenne, de 6 à 50 euros selon le Sgen Cfdt. Cette perte de pouvoir d’achat résulte des décisions gouvernementales. Elle contraste avec la situation vécue par tous les salariés du privé. Ils bénéficient, eux, d’une augmentation équivalente.
Hausse du prélèvement pension civile
« Il y a une légitimité à vouloir payer plus les professeurs dans le futur. Je ferai mon maximum ». S’exprimant le 28 janvier sur France Inter, Jean Michel Blanquer a parlé de la revalorisation salariale des enseignants qu’il espère mener à bien sur le quinquennat « dans le cadre de la situation budgétaire de la France ».
Une promesse qui contraste avec la réalité. La paye de janvier, virée le 29, est amputée pour tous les fonctionnaires de façon significative. Pour les enseignants du public elle se traduit par une baisse du net d’une vingtaine d’euros en général, parfois plus.
Plusieurs décisions gouvernementales expliquent ce salaire en berne. D’abord la hausse du taux de prélèvement pension civile. Le taux passe de 10.29 à 10.56% ce qui se traduit par une perte de salaire d’environ 8 euros. Le taux va continuer à augmenter et donc le salaire à baisser en 2019 et 2020.
CSG mal compensée
Un second élément joue davantage : la hausse de la CSG. La CSG augmente de 1.7%. Cette augmentation est compensée pour les fonctionnaires par la suppression de la cotisation exceptionnelle de solidarité et par une indemnité compensatrice. Cette indemnité est fixe. Elle ne suivra plus à l’avenir les éventuelles hausses de salaire. Par conséquent la compensation réelle de la CSG pour les fonctionnaires va rapidement baisser en termes réels.
Pour les salariés du privé la situation est radicalement différente. La hausse de la CSG est largement compensée par la baisse, puis la suppression cette automne, des cotisation chômage et maladie. Dès ce mois de janvier les salaires sont poussées à la hausse d’environ une vingtaine d’euros pour un salaire moyen. Selon le gouvernement, une fois le régime stabilisé cela se traduira par une hausse de 260 € par an pour un smicard, de plus de 350 euros pour un salarié payé 2000 euros par mois. Le contraste est complet avec la réalité vécue par les fonctionnaires.
Une politique salariale hostile aux enseignants
D’autres éléments vont continuer à peser sur le revenu des enseignants cette année. Le gel du point Fonction publique alors que l’inflation repart va se traduire par une perte de pouvoir d’achat d’au moins 1% sur l’année. Le retour du jour de carence va impacter aussi directement les feuilles de paie dès cet hiver. Enfin le report d’application des accords PPCR pèse lui aussi sur le revenu enseignants.
Quant aux promesses de revalorisation, on sait qu’elles ne seront pas tenues cette année. La prime de 3000 euros promise aux enseignants des Rep+ pendant la campagne électorale ne sera pas versée en 2018. Une application très partielle de la mesure est inscrite au budget. Elle ne touchera pour une vingtaine de millions d’euros qu’une petite partie des enseignants concernés.
Un petit air de déjà vu
Ce début d’année 2018 n’est décidément pas sans rappeler des souvenirs aux enseignants. Avec la perte de salaire, les DHG en baisse dans les collèges, les fermetures de classe dans le primaire, les perspectives de chute des volumes horaires au lycée, la promesse de confier le recrutement des enseignants aux chefs d’établissement, 2018 commence là où on était resté en 2012. Un petit air de déjà vu.
Sur le plan salarial, la situation des enseignants français va ses singulariser encore davantage dans le monde. Car la baisse de 2018 vient après un cycle exceptionnel de perte de pouvoir d’achat en France. » Entre 2000 et 2015, les salaires statutaires des enseignants titulaires des qualifications typiques ont augmenté en valeur réelle dans la plupart des pays… L’Angleterre (Royaume-Uni), la France et la Grèce font figure d’exception : le salaire des enseignants y a diminué de respectivement 5%, 10% et 16% », écrivait l’OCDE dans le dernier Regards sur l’éducation. Avec le nouveau gouvernement la France est bien partie pour faire pire que la Grèce.
François Jarraud