Remis le 30 janvier à la ministre du travail, le rapport Brunet sur la réforme de l’apprentissage n’a pas tranché toutes les questions qui opposent sur l’apprentissage les régions et le Medef. Il comprend plusieurs points qui vont impacter l’enseignement professionnel et la vie des jeunes en apprentissage.
Journée des métiers obligatoire
La remise du rapport Brunet signe la fin des concertations sur la réforme de l’apprentissage alors qu’une lutte est engagée entre le Medef et l’Association des régions de France pour le pilotage de l’apprentissage. Le gouvernement devrait faire connaitre ses décisions à la mi février.
Le rapport Brunet tranche sur plusieurs points qui concernent l’éducation nationale. Il recommande la création d’une « journée des métiers » qui aurait lieu obligatoirement en 4ème et 3ème pour faire la promotion de l’apprentissage. Un enseignement « de transition vers l’activité professionnelle » serait mis en place dans les lycées professionnels pour faciliter l’insertion en entreprise. Le rapport recommande aussi le lever les obstacles juridiques au travail des mineurs. Le travail de nuit, le travail plus de 35 heures par semaine deviendrait possible pour les apprentis mineurs.
Le medef et le pilotage de l’apprentissage
Restent les arbitrages les plus délicats. L’enjeu de la réforme c’est d’abord celui du financement de l’apprentissage. La question oppose l’Association des régions de France au Medef.
Selon l’AFP, le Medef s’est félicité du rapport Brunet dans lequel il voit qu’il « réaffirme le pilotage par les branches et les organisations professionnelles ». Le 18 janvier le Medef avait décliné tout pilotage mixte de l’apprentissage avec les régions. « Les régions donnent à l’apprentissage un rôle d’aménagement du territoire. Les entreprises considèrent cette voie comme la réponse au besoin de formation des jeunes et à leurs besoins d’emploi. Les objectifs ne sont donc pas les mêmes. Dans ces conditions, le copilotage est voué à l’échec. Cela explique d’ailleurs grandement la situation actuelle », déclarait le Medef.
L’Association des régions (ARF) a trouvé un terrain d’entente avec la Confédération des PME (CPME) contre le Medef. L’ARF et la CPME se sont mis d’accord pour un pilotage de l’orientation scolaire par les régions et une « modulation régionale » du financement de l’apprentissage « permettant de prendre en compte les spécificités de chaque territoire » avec une péréquation régionale des ressources.
Dans un communiqué du 30 janvier l’ARF se déclare « très réservée » sur le rapport Brunet et rappelle « sa vision exigeante et ambitieuse de la réforme : une réforme de l’orientation confiée aux Régions en lien avec les acteurs économiques pour revaloriser enfin l’apprentissage auprès des jeunes et des parents d’élèves ; un partenariat renforcé entre les Régions et les branches..; un transfert de l’élaboration des référentiels de formation aux branches pour être plus réactifs ; un choc de simplification des normes pour lever les freins à l’embauche ». L’ARF refuse « de s’inscrire dans une système dérégulé et en silos, qui créerait un système d’apprentissage à deux vitesses, menacerait des pans entiers de nos territoires d’accès à l’apprentissage et ne prendrait pas en compte le besoin de transversalité entre les branches ».
Le financement des LP dans la balance
Cette bataille concerne très directement le système éducatif. Le Medef souhaite que les recettes de l’apprentissage, comme la taxe d’apprentissage, soit intégralement réservée aux CFA et affectée selon le nombre d’apprentis. Cette position a été soutenue par E Macron.
Mais elle aurait des effets dévastateurs sur les lycées professionnels et les CFA. Le cout de revient d’un apprenti n’est pas le même entre les CFA des grandes branches proches du Medef qui accueillent des milliers d’apprentis dans les grandes agglomérations et les petits CFA des petites branches en zone rurale. La solution proposée par le Medef ferait fermer les CFA dans de nombreux métiers et déstructurerait la formation professionnelle dans les régions. Elle se traduirait aussi par un transfert accéléré des financements vers les formations de l’enseignement supérieur, un secteur où l’apprentissage se développe déjà rapidement alors qu’il régresse au niveau enseignement scolaire.
Surtout il aurait un impact dévastateur sur les lycées professionnels. Ceux ci ont besoin de la taxe d’apprentissage pour fonctionner. Interrogé le 23 janvier sur ce point JM Blanquer nous avait répondu que le versement de la taxe aux lycées serait « probablement maintenue mais ça reste à définir dans le cadre de la réforme ». Une réponse qui montre que le dossier lui échappe.
Pourtant pour Sigrid Gérardin, co-secrétaire générale du Snuep Fsu, l’enseignement professionnel de l’éducation nationale est plus efficace que l’apprentissage. « Si on vise la sécurisation des parcours, le lycée professionnel est plus efficace que l’apprentissage », souligne-t-elle. « En terme de lutte contre le décrochage on a de très bons résultats par rapport aux apprentis. En terme d’accès au diplôme également : écart de 10 points en CAP et de 20 en bac pro ». Un discours devenu inaudible sous Macron.
François Jarraud