Après des années de forte croissance, les investissements éducatifs des collectivités territoriales ont baissé, révèle une nouvelle Note de la Depp, la direction des études du ministère. L’âge d’or de la montée en puissance des acteurs locaux semble derrière nous alors même que la Depp montre aussi de fortes inégalités dans l’intérêt porté par les collectivités aux dépenses éducatives. La décentralisation ce n’est plus l’avenir de l’Ecole ?
L’âge d’or de la décentralisation
Avec 36 milliards d’euros , les collectivités territoriales restent le deuxième financeur de la dépense intérieure d’éducation, montre la Note de la Depp. Les communes apportent plus de 18 milliards d’euros pour faire face aux dépenses de fonctionnement et de construction des écoles. Les départements dépensent près de 7 milliards au bénéfice des collèges et les régions plus de 10 milliards pour les lycées.
Les collectivités territoriales ont acquis depuis les lois de décentralisation une place à part dans le système éducatif. Les autres financeurs importants étant bien sur l’Etat (avec 54 milliards) et les ménages avec 11 milliards. Par comparaison l’effort des entreprises, à qui l’on accorde maintenant tant d’importance, est minuscule : 1.7 milliards.
Pourtant l’âge d’or du financement local semble derrière nous. Les lois de décentralisation successives ont rapidement ouvert les responsabilités des collectivités locales en matière d’éducation. Parallèlement, leur part dans la dépense d’éducation a explosé entre 1982 et 2009. En 1980, elles contribuaient pour 14% à la dépense totale. Cette part a doublé de 1980 à 1990 (20%) et est montée à près de 25% en 2010 avant de retomber.
Dans un ouvrage qui fait date, Claire Dupuy (La régionalisation sans les inégalités. Les politiques régionales d’éducation en France et en Allemagne., Presses universitaires de Rennes) a pu montrer dans un premier moment les réticences des régions face à ces nouvelles responsabilités. Mais très vite, les régions vont relever le défi et aller même au delà de ce qu’exige la loi de décentralisation, passant des dépenses d’investissement et d’entretien à de vraies politiques éducatives.
Surtout Claire Dupuy montre que cela s’était fait sans montée des inégalités territoriales, les régions alignant leurs politiques pour arriver à un montant commun de dépenses (environ 740€ par élève). Finalement les régions ont mieux préservé l’égalité que l’Etat d’avant 1982.
Inversion de tendance
C’est ce double mouvement qui semble maintenant remis en question.
D’abord la montée des dépenses s’est asséchée. La Note de la Depp montre qu’après un maximum en 2010 avec près de 12 milliards , les dépenses des régions sont retombées à 10 milliards. On trouve un mouvement identique pour les départements où on glisse de 8 à 7 milliards. Quant aux dépenses des communes, le maximum a été plus tardif, en 2014, mais on est là aussi en recul.
Nul doute que les ponctions étatiques sur les finances locales jouent leur rôle dans ce mécanisme. Les collectivités territoriales ont réduit la voilure. Mais des désillusions , comme sur l’apport du numérique, ont pu jouer aussi un rôle.
Parallèlement on observe une montée des inégalités entre régions. Alors que les régions ont aligné leurs politiques jusqu’en 2008, elles augmentent maintenant les différences. Et cela alors même que cela peut toucher directement les familles. La note de la Depp montre de fortes différences entre des régions qui maintiennent un fort volume de dépense éducative comme l’Est ou la Haute Normandie et d’autres nettement en retrait comme l’Alsace, la Picardie, la Corse ou Midi Pyrénées.
Quel sens donner à ce double mouvement ? Perte de foi dans le système éducatif ? Acceptation des inégalités dans la société ? Simple événement conjoncturel ?
François Jarraud