Edith témoigne de sa pratique dans une réunion du groupe du Gard en pédagogie Freinet. « C’est au cours d’une des visites dans la classe de sa fille en maternelle que lui est venue l’envie de fonctionner différemment dans ses classes d’anglais. Elle a été séduite par l’autonomie de ces enfants si jeunes, la coopération dans le travail de groupe et l’apparente facilité du fonctionnement de cette « ruche ». Après sa participation au congrès ICEM-Pédagogie Freinet, elle a décidé de se lancer.
Ce qui l’a aidée :
-la disponibilité de la professeure de sa fille qui l’a reçue et a pu répondre à ses questions.
-le fait que, par un concours de circonstance elle ait pu avoir SA classe sans être obligée de déménager pour chaque cours, car bien sûr cela signifie un matériel disponible pour les élèves, un affichage pérenne important, une disposition des tables par groupes, 2 tableaux, le vidéo projecteur, le matériel qu’elle a créé : fichiers, tableau de fonctionnement, coin correspondance (section Erasmus), les productions des années précédentes, dictaphones individuels, dictionnaires, classeurs ressources par classe et par compétence langagière, plusieurs armoires, une vitrine musée de la classe tout cela en libre accès (l’armoire « ressources » est en libre accès / le coin lecture n’est accessible que si l’élève a terminé son travail)
-le soutien du proviseur
Nous avons pu noter : Une très grande part laissée à la communication vraie dans les ateliers d’expression, qu’elle soit écrite avec la correspondance européenne ou orale avec la production de sketches. Edith prépare à l’avance les groupes, qui doivent s’installer selon leur couleur identique à celles sur les tables pour un travail d’autonomie sur les cinq compétences à acquérir en Langues Vivantes : expression écrite, expression orale (interaction et production), compréhension écrite, orale.
Chaque cours débute par un temps d’organisation pendant lequel chacun doit trouver la couleur de son groupe dans un tableau affiché, le groupe des tables de la même couleur, le matériel dont il a besoin. Selon la compétence d’apprentissage visée, l’élève va travailler seul ou en groupe.
Édith nous montre tous les outils à disposition des élèves pour chaque compétence. Les élèves s’enregistrent et peuvent ainsi mesurer leurs progrès à l’oral avant d’être évalués sur la compétence. L’évaluation est individuelle ou de groupe, lorsque cela s’y prête. Edith nous montre les productions écrites et les déclencheurs à disposition dans des classeurs sorte de plans de travail. Nous avons également pu entendre les sketches suscités, inventés par les élèves de cette année et des productions écrites des années précédentes dans le très riche journal de l’année dans lequel transparaît la motivation des élèves, la personnalisation de leurs apprentissages.
Edith nous parle de sa façon d’évaluer. Quel bonheur de voir que oui on peut arriver concrètement à une évaluation positive en lycée ! Les élèves peuvent repasser l’évaluation, si celle-ci n’est pas satisfaisante. Ce sont les progrès qui sont pointés, valorisés par un suivi personnalisé d’Edith qui est à l’écoute et à disposition des élèves. Mais cette conception des apprentissages déroute certains élèves et profs. Difficile en terminale S de sortir de l’habituelle passivité de la plupart des cours. L’organisation ici mise en place oblige une implication dans les apprentissages. Édith encourage, motive, sollicite, mais chacun doit gravir ses échelons. Chez certains il y a une perte de repères et résistance devant cette responsabilisation : ici on n’entend pas : « Ouvrez votre livre page…» D’où les questions exprimées : – Comment les motiver, tous ces ados ? – Comment les rendre plus autonomes : elle est découragée lorsqu’il faut à certains en Seconde quinze minutes pour s’installer et se mettre au travail en début de cours. – Découragement devant le constat de la difficulté que représente la réalisation d’un puzzle pourtant simple (en 1ère S !) – solitude dans l’équipe du département de langue vivante : Quand une réunion se déroule dans sa classe, ses collègues ne sont pas présents. – pression des programmes et examens
Bien évidemment tout ceci a fait écho dans la pratique de chacun des participants. Une discussion s’engage sur le vécu, le partage des mêmes difficultés en ce moment ou par le passé. Des situations concrètes mises en place pour répondre aux préoccupations sont mises en débat, des trucs et ficelles, bonnes pratiques aussi sont suggérés.
Ont été pointés :
– les conditions préalables pour que le tutorat entre élèves fonctionne car il ne va pas de soi.
– la part du groupe dans la réussite individuelle, individualisation et coopération
– malgré le souhait d’Edith d’avancer plus vite, d’avoir des résultats plus complets comme un bon accent de prononciation pour tous, l’incroyable chemin parcouru attesté par les productions obtenues et la nécessité d’accorder du temps pour que s’installent les institutions.
– l’énorme travail de préparation pour la conception des outils personnalisés, le fonctionnement, l’évaluation. La mise en réseau, les contacts avec d’autres profs permet de faire circuler les fichiers pour en avoir plus en commun.
– l’expression artistique, l’accueil et le développement d’autres compétences que les LV dans cette classe.
– l’incroyable chemin parcouru depuis ce choix pédagogique. Edith enseigne depuis 16 ans et voilà 4 ans qu’elle a mis en place ce fonctionnement par ateliers dans cette salle qu’elle a baptisée classe SABIN’ (salle d’apprentissages bilingues et numériques).
La passion d’Edith pour ce métier lui permet d’aller de l’avant mais c’est surtout la satisfaction de voir des élèves plus heureux d’apprendre et des remerciements de leur part, des années après, qui lui montrent qu’elle est sur un bon chemin. »
Retrouvez tous les mercredis La Classe Plaisir !