Comment installer la coopération et l’échange entre plusieurs écoles et un collège ? Comment rendre pérennes de multiples projets ? Entre lectures partagées, cabane à poèmes, EPI sur le sommeil et autres kamishibaïs, Florence Castadot, enseignante de français au collège Robert Lasneau de Vendome (41) s’implique fortement dans le conseil école-collège de son établissement. « Travailler avec nos collègues d’élémentaire est un aspect essentiel aujourd’hui de ma pratique ». Présente dès la première édition du forum des enseignants innovants, Florence Castadot revient 10 ans après expliquer cette démarche collective les 2 et 3 février à Paris.
En quoi votre conseil école-collège est-il innovant ? Quels sont les projets proposés aux écoliers et collégiens ?
Nous sommes partis de nos projets concrets pour construire un modèle de coopération et d’échanges dans lequel chacun peut, à son rythme et selon ses idées et son originalité propre, s’investir. C’est aussi en ce sens qu’a été créée une dropbox à l’issue du premier stage inter-degré : l’idée était que chaque enseignant, et notamment les personnes nouvellement nommées, puissent avoir accès facilement aux documents de travail du CEC.
Un des premiers projets mis en place a été l’organisation de la rencontre avec une écrivaine, Rachel Hausfater, projet qui a permis de faire travailler nos élèves de CE2, CM1, CM2 et 5ème autour de plusieurs livres de l’auteure, et qui s’est terminée avec la venue de l’écrivaine au collège, et la mise en place d’ateliers permettant aux élèves d’échanger avec leurs camarades des autres classes.
Depuis, chaque nouvelle année scolaire a permis de faire émerger de nouveaux projets, essentiellement axés autour de la lecture au début, mais qui concernent maintenant de plus en plus de disciplines : langues vivantes, SVT, mathématiques notamment.
Cette année, nous avons reconduit le travail mené depuis trois années avec Marie-Pierre Augier et Virginie Veillerobe, en charge des classes de CM1 et de CM2 de l’école Louis Pergaud et intitulé « lectures partagées ». Il s’agit de temps de rencontres autour de thématiques littéraires (lecture de contes, représentations théâtrales, échanges autour d’un auteur ou d’un genre, etc.), que nous organisons alternativement à l’école et au collège. Nous proposons également un EPI sur le sommeil, une correspondance entre élèves de 6ème et écoliers. A eu lieu également le marché de Noël tout au long du mois de décembre. Organisé par notre collègue d’allemand Edouard Baab et notre collègue documentaliste Emilie Roger, il a fédéré de nombreuses disciplines (langues, maths, techno, français, EPS, etc.) et a été l’occasion pour les écoliers de Naveil et de Louis Pergaud de venir visiter le collège en allemand, et de participer à des mises en scène de Rotkäppchen.
Un des projets qui me tient particulièrement à cœur cette année est la rédaction d’un guide du collégien. Cette idée a débuté après avoir entamé une correspondance fin septembre entre les nouveaux collégiens et leurs anciens camarades. Plusieurs écoliers ont en retour posé des questions sur le collège. Nous avons donc proposé de collecter toutes leurs questions, et d’y répondre dans un guide que les collégiens vont écrire au cours du troisième trimestre.
En quoi la dynamique engagée fédère-t-elle les écoles primaires du secteur ? Quelles sont les relations entre enseignants ?
Indépendamment du conseil école-collège, le collège Robert Lasneau se caractérise par le nombre de projets, disciplinaires ou interdisciplinaires, mis en œuvre chaque année. Le travail en équipe est une habitude. Je suis en poste dans ce collège depuis cinq ans maintenant, et j’ai par exemple pu travailler non seulement avec mes collègues d’histoire et de langues, mais également sur certains projets avec mes collègues de SVT ou d’EPS.
De leur côté, les équipes des écoles de secteur sont également des équipes très dynamiques, impliquées dans de nombreuses actions. En tant que mère de trois enfants écoliers, j’ai été souvent admirative du travail mené par mes collègues d’élémentaire. Il suffisait juste de faire se rencontrer les équipes et de favoriser les échanges entre cycles pour que « notre » CEC voie le jour. Et je pense que maintenant, ce travail mené conjointement par les professeurs des écoles et par les professeurs du collège est une évidence.
Evidence soulignée aussi par notre principale adjointe, Madame Bertrand, en charge dans notre établissement de la liaison école-collège, qui avait écrit que « les équipes sont également fédérées par le respect mutuel du travail de chacun et de chacune et par la conviction que chacun y est indispensable. La demande des PE de voir les enseignants présents aux conseils de cycle ou dans leur classe en est une preuve évidente. Leur présence dans nos conseils de classe sera une réponse que nous leur apporterons. »
Comment gardez-vous mémoire des projets ? Que contiennent vos canevas ?
Nous utilisons un canevas très simple : intitulé, niveaux des classes, production attendue pour chaque niveau, modalités du travail conjoint. L’idée est de pouvoir disposer de schémas réutilisables, modifiables, notamment par d’autres collègues. Cette année par exemple nous avons repris l’idée de nos cabanes à poèmes, tout en la modifiant légèrement par rapport à la réalisation d’il y a deux ans.
En quoi consistent ces cabanes à poèmes ? Et les kamishibaïs ?
Nos cabanes à poèmes constituent un des plus jolis souvenirs que j’ai dans cet établissement. Nous avions décidé, avec ma collègue documentaliste Emilie Roger et nos collègues de CM1-CM2 de l’école Louis Pergaud, de nous retrouver autour de la poésie. Il semblait difficile d’envisager une séance de récitation pendant une heure, d’autant que ma collègue de CM2 avait cette année-là quelques élèves de CP également dans sa classe. Il nous fallait donc trouver une modalité qui permette de maintenir l’envie de dire et d’écouter de la poésie. En réfléchissant aux modalités de mise en voix, Emilie Roger a eu l’idée d’une « bulle » poétique, dans laquelle les élèves pourraient chuchoter leurs poèmes. Dès lors il ne restait plus qu’à mettre en place des petites cabanes à poèmes dans le CDI, en utilisant parapluies, couettes et draps ! Nous avons reconduit cette année cette idée, en ajoutant des poèmes esquissés aux poèmes chuchotés. Dans un deuxième espace, écoliers et collégiens écriront des haïkus en petits groupes à partir d’estampes d’Hokusaï.
Le projet kamishibaï a quant à lui été mené l’année dernière par une collègue nouvellement nommée, Blandine Gonssollin. Elle maîtrisait déjà la pratique du kamishibaï, et au cours d’une réunion avec nos collègues de l’école de Naveil, Peggy Mouzon, l’enseignante de CE2-CM1 a proposé de travailler ensemble. Chacune a fait réaliser des récits aux élèves (écrit + dessin donc) et les écoliers sont venus au collège pour une séance de lecture partagée au troisième trimestre.
Côté projets, pouvez-vous nous expliquer cet EPI autour du sommeil proposé dans votre collège ?
Ce travail est d’abord celui de ma collègue Karine Strzepek, professeure de mathématiques, à qui je laisse la parole : « Au départ, dans le cadre du travail sur les neurosciences en formation, je me suis rendue compte de l’importance du sommeil pour les apprentissages. Par ailleurs, j’avais constaté chez certains de nos élèves une mauvaise gestion de leur sommeil. En partant de là je me suis demandé comment les faire travailler sur ce thème dans le cadre du domaine 2 en faisant des mathématiques relevant du programme de 6e. Mon idée a été de faire des statistiques et des calculs de durée à partir de leurs propres relevés. Donc depuis trois ans, nous avons mis en place une activité. Chaque jour pendant une semaine, chaque élève doit noter son heure de coucher et son heure de lever. En classe on calcule la durée de chaque nuit, on fait une moyenne et un diagramme en bâtons. Ensuite, dans le cadre d’un travail personnel, ils refont le même travail sur une semaine de vacances. En comparant les résultats cela nous permet de faire un premier débat sur l’importance du sommeil. Ce travail est repris par l’infirmière qui anime une action « relaxsom ». Depuis cette année, le travail est repris en français. ».
Effectivement, Karine Strzepek a proposé à l’équipe de Lettres de rejoindre le projet, ce à quoi j’ai immédiatement dit oui ! J’ai donc décidé de réaliser en AP une exposition sur le sommeil, à partir de thèmes étudiés en classe dans différentes disciplines (mathématiques et français donc, mais aussi SVT notamment). Nos élèves travaillent en groupe, sur sept thèmes différents : « Qu’est-ce que le sommeil ? », « Les besoins en sommeil ? », « A quoi sert le sommeil ? », « Détente et relaxation », « Le sommeil est-il un critère de classement pour les mammifères ? », « Des contes à dormir debout » et enfin « Expressions et proverbes soporifiques ». Lorsque les différents panneaux seront terminés, nous les apporterons dans les écoles de secteur. Cela pourra être l’occasion d’échanger autour de cette thématique, mais également autour des modalités de travail possibles au collège.
Vous aviez participé à la première édition du forum, quelles sont vos motivations pour vous impliquer à cette 10ème édition ?
J’ai effectivement eu la chance de participer à la première édition du Forum. Je travaillais alors dans une autre académie, au collège Paul Dangla à Agen, dans le Lot et Garonne. A l’époque, j’avais présenté un projet mené dans ma classe de français, avec l’aide de ma collègue documentaliste.
Je garde de ce Forum le souvenir de rencontres incroyables, qui m’avaient insufflé l’envie de davantage m’investir dans mon métier. Je me rappelle notamment un collègue qui avait présenté un projet de manifestation poétique, j’avais été totalement séduite par cette idée !
Depuis, j’ai changé d’affectation et surtout ma pratique et ma réflexion professionnelles ont évolué, du fait aussi des échanges que j’ai pu avoir en tant que parent avec les enseignants de mes enfants. Travailler en équipe et travailler avec nos collègues d’élémentaire, est un aspect essentiel aujourd’hui de ma pratique.
Même si nous sommes effectivement souvent seuls face à la classe, le métier d’enseignant n’est pas un métier solitaire. Nous sommes riches de tous les échanges que nous avons créés avec nos collègues. Participer à cette dixième édition est donc pour moi une reconnaissance de l’inflexion qu’a prise ma pratique depuis ces années, et je suis heureuse de pouvoir montrer le dynamisme de notre CEC. S’il y a dix ans je présentais un projet plutôt personnel, je suis très heureuse de présenter cette année un projet collectif, dans lequel de nombreux enseignants s’investissent, et qui est soutenu par notre équipe de direction, Madame Bertrand, en charge plus particulièrement de la liaison école-collège, et par Monsieur Lesniewski, notre principal, et qui est également soutenu par Françoise Acquaviva, IEN.
Et bien sûr j’ai également hâte de pouvoir échanger avec les collègues présents au Forum, car la description des projets retenus constitue une mine d’idées particulièrement riche.
Entretien par Julien Cabioch